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De la chanson andalouse au théâtre engagé, Mahieddine Bachtarzi (1897-1986) aura marqué l’histoire culturelle algérienne du XXe siècle. Retour sur le parcours d’un artiste visionnaire qui a porté haut les couleurs de l’identité nationale.
PAR DELLOULA MORSLI
Intellectuel et artiste, Mahieddine Bachtarzi a voué sa vie à la promotion de la culture algérienne. D’abord musicien reconnu, il devient ensuite un pionnier du théâtre national, utilisant la scène comme un puissant outil d’éveil des consciences et de revendication identitaire dans un contexte colonial pesant. Né en 1897 dans la Casbah d’Alger, Mahieddine Bachtarzi s’immerge dès son jeune âge dans les études coraniques à la Médersa. Devenu muezzin et récitateur du saint Coran à la mosquée Djamaâ Jdid d’Alger, il se tourne ensuite vers la chanson andalouse. Sa passion pour cet art le conduit à enregistrer plus de 60 disques, affirmant déjà son talent et sa contribution à la préservation de ce patrimoine culturel.
Conscient des limites de la musique comme vecteur de message politique à l’époque, Bachtarzi se tourne vers le théâtre en 1925. C’est une véritable révélation. Il fonde sa troupe, « El-Ittihad El-Fni », et s’attelle à créer un théâtre qui reflète la réalité et les aspirations du peuple algérien. Sa langue de prédilection ? L’arabe algérien évidemment. Les pièces de Bachtarzi ne passent pas inaperçues. Des titres comme « Fi Sabil El Watan » (Pour la patrie) ou « Beni oui-oui » (Les soumis) affichent clairement ses convictions nationalistes. Ces messages de contestation face au pouvoir colonial lui valent des interdictions de jouer. Mais Bachtarzi ne se décourage pas.
Parallèlement à sa propre activité artistique, Bachtarzi joue un rôle essentiel dans la formation de jeunes talents. Kelthoum, Sid Ali Kouiret ou Mustapha Kateb figurent parmi ses élèves les plus illustres. Son engagement et sa vision artistique ont contribué à l’émergence d’une scène théâtrale algérienne dynamique et porteuse d’une identité affirmée. Après l’indépendance de l’Algérie en 1962, Bachtarzi continue à œuvrer pour le rayonnement de la culture nationale. Il dirige le Conservatoire municipal d’Alger et transmet son savoir aux nouvelles générations d’artistes. Ses mémoires, publiées en trois tomes, constituent une source précieuse pour comprendre l’histoire du théâtre algérien.
Mahieddine Bachtarzi s’est éteint en 1986, laissant derrière lui un héritage inestimable. Figure tutélaire du théâtre algérien, il est considéré comme l’un de ses pères fondateurs. Le Théâtre national d’Alger porte son nom depuis 1990, symbole de reconnaissance pour son immense contribution à l’identité culturelle de l’Algérie.