Entretien réalisé par Souha Bahamid
Abdelkader Salim El Hassar est maître de conférences à l’École supérieur de management de Tlemcen. Passionné d’histoire et de culture, il porte un intérêt particulier au patrimoine musical arabo-andalou. Il a à son actif une riche bibliographie portant presque toute sur la musique andalouse et particulièrement le genre Gharnati. Parmi ces publications, des ouvrages consacrés à l’épopée et à l’héritage de la musique andalouse ainsi qu’une étude sur la poésie et le répertoire musical des maîtres de Tlemcen.
Dans cet entretien, il parle de la première partie d’une anthologie en quatre tomes paru aux Éditions Kounouz, avec le concours de l’Office national des droits d’auteurs et droits voisins (ONDA) intitulée «Exhalaison des fleurs d’Eden, Gharnata, Sana’a, Malouf». Cette anthologie est le fruit d’un travail à la fois de compilation et de recherches dans lequel il présente, recense et analyse la grande fresque lyrique de la musique arabo-andalouse, en regroupant toutes les «M’ouwachahat et Azjal» du répertoire andalou.
Qu’est-ce qui vous a motivé à publier cette œuvre sur la musique arabo-andalouse?
Dans la continuité de la première investigation des textes de mon premier livre, «De Grenade à Tlemcen», je me suis concentré essentiellement sur l’héritage musical des maîtres de Tlemcen. Et dans l’optique de rétablir des connexions avec les autres écoles d’Algérie et du Maghreb, je me suis lancé dans une investigation touchant les domaines du Malouf, de la Gharnata et de la Sanaâ. Une autre motivation m’a poussé à rassembler en un seul corpus, l’ensemble des textes qui étaient chantés autrefois. Ainsi, en m’intéressant à l’histoire de cette musique, ma recherche a été dirigée vers ses origines. Puisqu’elle existe au Maghreb depuis des lustres, il y a eu de nombreux enrichissements de la part des Maghrébins.
L’analyse des textes a révélé la contribution importante de nombreux poètes algériens et maghrébins qui ont versifié dans le «Zajel et el Mouwacheh», avec notamment la plus récente œuvre recensée «Koum Tara darahem el Louz» de Bendebbah du 18e siècle. Cela prouve, qu’effectivement il s’agit d’un patrimoine andalou-maghrébin. Quels défis particuliers avez vous rencontrés lors de vos recherches, et comment vous les avez surmontés ?
Le problème colossal que j’ai rencontré est celui des archives. Nous ne connaissons que peu de musique. Par conséquent, il a été nécessaire de confronter ces rares documents afin de réajuster les textes, clarifier l’attribution des poésies portant une double signature, et apporter des corrections de sens aux textes que nous chantons. Malgré la rareté des documents, ces derniers nous ont permis de lancer d’autres investigations et clarifier d’autres zones d’ombres qui affectent le patrimoine de la chanson andalouse.
Quels aspects de la musique arabo-andalouse avez-vous trouvés les plus importants et fascinants à explorer ?
Les différentes thématiques récurrentes dans les Mouwacheh et Zajel, allant des textes mystiques aux sujets profanes, m’ont vraiment intrigué. J’ai été également fasciné par le travail de l’authentification de textes qui nous a permis de clarifier le sens, d’apporter les corrections nécessaire et confirmer la parenté de chaque poésie.
Quelle analyse faites-vous de l’évolution de ce patrimoine dans le paysage musical contemporain ?
L’évolution de cette musique dépend nécessairement d’une volonté de mettre en place une véritable politique qui permet de préserver ce qui reste de cet héritage. Il est important de donner aux professionnels les moyens pour restaurer cette musique, et ajuster certaines notions pour réussir à la mettre davantage en valeur. Il faudrait laisser libre court à la création qui est nécessaire pour la continuité de la chanson andalouse. Comment peut-on le préserver ? Il est essentiel d’entreprendre une démarche institutionnelle sérieuse pour préserver ce patrimoine. Le ministère de la Culture et des Arts peut engager un certain nombre de procédés, tels que l’introduction de l’enseignement de cette musique dans les écoles et la création de centres spécialisés dédiés au patrimoine citadin.
Pensez-vous qu’il y a assez de livres traitant du sujet ?
Bien que ce domaine ait évolué ces dernières années, cela reste, malheureusement, insuffisant. Nous enregistrons peu de contributions autour du patrimoine de la chanson andalouse.
S.B.
SALIM EL HASSAR, CHERCHEUR EN PATRIMOINE MUSICAL ANDALOU – Horizons