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Polémique Daoud – Fanon

by DJERRAD Amar
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Le 6 juin 2024, Kamel Daoud publia sur les colonnes du « Point » un article intitulé « Pourquoi les Insoumis ne sont pas des héros en Algérie ».

Déjà, le titre pose problème. Quelle est la relation entre les membres d’un parti français en temps d’élections et l’Algérie? Aucune.

Mais comme à son habitude, et dans un louvoiement difficile à dissimuler, il s’évertua dans son article à arrimer l’Algérie aux problèmes politiques franco-français. Lui, qui passe son temps à rabâcher à qui veut l’entendre une réelle émancipation de notre pays vis-à-vis de son ancien colonisateur, ne rate aucune occasion pour taper sur l’Algérie même lorsque les sujets ne la concerne ni de près, ni de loin.

En fait, le but de Kamel Daoud est de trouver la moindre petite « brèche » pour médire de l’Algérie, de son histoire, de sa culture, de sa religion, de ses citoyens, voire de son existence même! Je l’ai longuement expliqué dans mon ouvrage « Kamel Daoud : Cologne, contre-enquête ».

La polémique qui suit en est un parfait exemple.

Ainsi, dans son article insipide, ne le voit-on pas s’attaquer à la noble « dépouille » de notre Frantz Fanon national, tout en l’enrobant de mensonges éhontés?

Cette fallacieuse narration a suscité l’ire du propre fils de Frantz Fanon, Olivier, qui n’a pas hésité à user de son droit de réponse pour démentir Kamel Daoud.

Aussi bizarre que cela puisse paraitre, « Le Point » n’a pas autorisé la publication de la réponse d’Olivier Fanon, comme la loi l’y oblige. Le magazine a préféré laisser la discussion entre les protagonistes, ce qui est contraire à la déontologie journalistique. Décidément, le journalisme est en pleine décrépitude dans « le pays des droits de l’Homme » (Sic!).

Nous avons donc décidé de publier la correspondance entre Kamel Daoud et Olivier Fanon ainsi que les courriels échangés avec l’administration du magazine pour non seulement permettre aux lecteurs d’être gratuitement informés mais, surtout, pour pallier au manque de professionnalisme du « Point ».

Ahmed Bensaada

1- Article de Kamel Daoud

« Pourquoi les Insoumis ne sont pas des héros en Algérie ».

(Cliquez sur le lien pour lire l’article : Kamel Daoud, Le Point, 6 juin 2024)

2- Réponse d’Olivier Fanon

De Sébastien Delogu à Frantz Fanon

Soixante-deux ans d’indépendance, aujourd’hui cette liberté ô combien douloureuse pour notre pays, nos chouhada est toujours difficile à avaler, matfoutch en daridja !

Mecque des révolutionnaires, peuple vaillant et déterminé à l’instar de nos frères vietnamiens à Dien Bien Phu en 1954, année où le colonialisme a enfin rendu les armes.

L’Algérie, les Algériens sont les dignes garants du serment des martyrs, je dis les Algériens, à l’exception de certains qui n’ont pas hésités à faire le chemin à l’envers, à se blottir dans le giron de l’ancien colonisateur.

Moi, Olivier Fanon, fils de mon père, j’ai en héritage son combat et comme butin de guerre une nationalité algérienne exclusive.

Revenons brièvement à ces faillis qui n’ont pas hésité à exécuter une double allégeance à mama frança. Pour qui ? Pourquoi ?

Le cheminement qui a fait la jonction entre Sébastien Delogu, député LFI en France et Frantz Fanon n’est pas fortuit.

Le rédacteur de cette chronique parue sur le journal Le Point, le 06 juin 2024 n’est pas innocent. Il est en plein catharsis. C’est vrai qu’il « y a bon discours » pour le lecteur lambda, mais nous vous avons compris. Faire plaisir à ses maitres en tirant à boulets rouges sur l’Algérie relève de la haute voltige.

Sébastien Delogu a embrassé avec dévotion (sic) le drapeau algérien cousu avec le drapeau palestinien, il n’en faut pas plus pour notre repenti pour tenter de tuer Fanon.

Peine perdue, Fanon n’est pas mort. Il repose au cimetière d’Aïn Kerma, wilaya d’Al-Taref avec ses frères de combat selon ses dernières volontés. Son épouse, ma mère, Josie Fanon repose également à El-Kettar, en face de la mer, selon ses dernières volontés.

Alea Acta Est

المجد والخلود لشهدائنا الأبرار

Olivier Fanon

14/07/2024

3- Réaction de Kamel Daoud

Cher Monsieur,

Je vous remercie d’abord pour l’intérêt que vous semblez porter, avec emportement certes, à mes modestes écrits. Et, je vous exprime la grande admiration pour l’homme rare, dans sa lucidité, que fut votre père surtout.

Votre « Droit de réponse » à ma chronique assène la trace d’une vive préoccupation, habituelle chez les ayants droit. Elle témoigne aussi d’une sensibilité que le terme « exclusif » concernant votre algériannité traduit bien, et avec fierté que vous voulez visible. Cela vous honore. Et, cela suppose aussi un « droit » d’ayant droit, mais simultanément un risque d’excès de « devoirs » présumés, si vous me permettez le respectueux détail. Vous êtes le fils ; je suis l’admirateur. Chacun croit avoir un droit intraitable.

En tant qu’Algérien, moi aussi, je suis libre d’écrire ce que j’interprète sur la grandeur et les travers de l’histoire de mon pays et ses acteurs. Et, vous en droit absolu et légitime de le contester, mais peut-être autrement que par le droit de sang, si vous acceptez ma franchise.

Cependant, votre expression « … travesti délibérément » est selon moi un excès d’humeur, espérons-le, dû à des divergences d’opinions plutôt qu’à une théorie de malhonnêteté ou de mauvaise foi que vous me prêteriez. Si vous y croyez, c’est que vous flattez trop mon intelligence, sans le savoir. Je suis bien plus modeste que ce talent de travestissement intellectuel imaginaire. Je vous assure que j’ai seulement exprimé ce que je pensais pour susciter une indignation pas seulement personnelle.

Je ne suis ni dans la théorie de la dépréciation calculée, ni celle du complot éditorial. Je suis un Algérien de l’école algérienne, pays où j’ai toujours vécu, je suis une personne à qui l’on a enseigné une histoire tronquée et détournée, dont celle de Frantz Fanon. Ne croyez pas la pente de la manipulation et de l’attaque diffamante, mais seulement la liberté de penser à haute voix et de se tromper ou de viser avec une justesse peut-être, douloureuse pour vous sur la question de l’inhumation.

En l’état, votre explication d’un enterrement et d’un refus exprimé par les habitants du village quant au transfert de la dépouille de votre père reste la vôtre. Pour avoir vécu en Algérie toute ma vie, et sur une revendication aussi sensible, je crois savoir que ce ne sont pas les habitants d’un village qui en décident si le Régime l’avait voulu. Vous êtes libre d’y croire. Pour ma part, je vois s’affirmer de plus en plus, en Algérie, une théorie du récit d’une guerre de libération désormais récupérée, purgée, épurée de son universalité, celle que votre père prônait, réduite à des simplifications, du confessionnalisme.

Et, je ne vois pas le lien entre votre tentative de l’enterrer à Alger, au cimetière d’El Kettar, et mon vœu de le voir enterré à El Alia, selon l’hommage absolu qu’il mérite.

Je vois que l’immense Frantz Fanon ne se trouve pas au cimetière de nos héros, mais ailleurs, dans l’oubli convenu. Je vois sur sa tombe, comme un sauf-conduit d’un prénom arabe pour lui permettre la paix de la terre en terre musulmane, et cela m’incommode. Cela en dit beaucoup sur l’histoire algérienne encore à restituer à son universalité. Frantz Fanon demeure trop important comme signe aujourd’hui pour être ailleurs qu’à Alger, pour que nos écoliers le visitent, le lisent et y pensent, pour que nos enfants appelés à faire face aux tentations de la radicalité et des replis identitaires le fassent.

Je comprends votre réaction, j’y déchiffre une sensibilité et une susceptibilité, un droit et un excès. Votre père fut, et reste, un homme immense. Il ne vous appartient pas exclusivement. Je ne pense pas que ce fut le but de sa vie que d’appartenir à la mémoire de certains plutôt qu’à tous en Algérie et ailleurs.

Bien sûr, vous pouvez « expliquer » cette exclusion et vous en contenter. Cependant, à mes yeux, cela reste une injustice de la mémoire algérienne, soumise à la purification rétrospective et à l’appauvrissement de sa pluralité originale.

Je comprends la sensibilité familiale de cette question, mais je vous prie d’essayer de comprendre mon interprétation de cette exclusion funéraire, que je continue de décrire comme une discrimination calculée. Ceci, même si vos explications détaillées peuvent être très pertinentes.

Encore une fois, avec toute ma bonne foi, ma liberté de ton et mon admiration pour l’immense génie qu’est toujours Fanon et qui éclaire encore aujourd’hui ces temps troublés.

Avec ma considération,

Kamel DAOUD

 

4- Courriels échangés avec l’administration du « Point »

 De: Olivier < >
Date: 10 juillet 2024 à 16:46:26 UTC+2
À: Christine Delisle < >
Objet: Rép. : DROIT DE RÉPONSE

Mme, j’ai bien reçu aujourd’hui le courrier de M Daoud, et je vous en remercie, l’objet de mon adresse à M le directeur de la publication concerne un droit de réponse.

Je m’étonne à mon tour que vous n’y ayez pas donné suite conformément aux dispositions de la loi 1881.

Je renouvelle donc ma demande et, le cas échéant, faites-moi part des raisons de cet étonnant retard.

Ma demande vise uniquement à rétablir une vérité factuelle, sans sombrer dans des circonvolutions sémantiques qui n’ont pas leur place dans l’Histoire.

Au plaisir de vous lire rapidement.

Très cordialement,

Olivier Fanon.

Envoyé de mon iPad

Le 10 juil. 2024 à 11:44, Christine Delisle < > a écrit :

Madame, Monsieur,

Suite à notre conversation téléphonique d’hier, je vous transmets la réponse que Kamel Daoud vous avait adressée, le 15 juin dernier.

Nous nous étonnons que vous ne l’ayez pas réceptionnée.

En vous souhaitant bonne réception de cet envoi,

Cordialement.

 

Christine Delisle

Assistante d’Etienne Gernelle et de la Direction de la Rédaction

+33 1 44 10 12 50
Immeuble Le Barjac
1 boulevard Victor, 75015 Paris

Si vous recevez cet e-mail en dehors de vos heures de travail ou pendant vos congés,
vous n’avez pas à y répondre immédiatement, sauf en cas d’urgence exceptionnelle.

(Envoyé par Amar Djerrad)

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