Les événements récents en Afrique de l’Ouest mettent en lumière les contrastes frappants entre les stratégies adoptées par le Mali et le Niger dans la gestion de leurs défis nationaux. Tandis que le Niger avance sur la voie du développement économique et de la coopération internationale, le Mali semble s’enfoncer davantage dans l’instabilité et la répression.
Des choix nobles au Niger
Le Niger a récemment démontré une approche proactive et stratégique dans le domaine de l’énergie et des hydrocarbures. Une rencontre de haut niveau à Niamey entre les responsables énergétiques et économiques du Niger et ceux de l’Algérie a mis en avant cette tendance. Les discussions ont porté sur plusieurs dossiers communs, notamment les activités de la compagnie énergétique algérienne Sonatrach au Niger et le projet du gazoduc transsaharien (TSGP).
Les deux pays ont réaffirmé leur volonté de renforcer leur coopération bilatérale. Ils ont particulièrement mis l’accent sur le développement des capacités de production d’hydrocarbures au Niger, grâce à l’expertise algérienne. Ce partenariat vise à améliorer l’évaluation des réserves disponibles en hydrocarbures dans le bloc de Kafra et à développer l’industrie pétrolière nigérienne. L’Algérie a souligné l’importance de la formation et du renforcement des capacités des employés nigériens, mettant en avant ses instituts de formation spécialisés.
Sonatrach a montré sa disposition à accompagner le Niger dans le développement de ses capacités dans le domaine des hydrocarbures. Cela inclut l’ensemble de la chaîne de valeur, ainsi que la formation des employés nigériens. La reprise des activités de Sonatrach au Niger, notamment dans le champ pétrolier du bloc Kafra, est un signe fort de ce partenariat. Cette initiative vise à assurer une meilleure évaluation des réserves et à renforcer la production locale.
De plus, le projet du gazoduc transsaharien (TSGP) a été au cœur des discussions. Ce projet stratégique, impliquant l’Algérie, le Niger et le Nigéria, est perçu comme un moteur de développement socio-économique pour la région. Les trois pays ont signé un mémorandum d’entente, réaffirmant leur engagement à concrétiser ce projet, malgré les défis géopolitiques et énergétiques actuels. Ce gazoduc est crucial non seulement pour l’économie de ces pays, mais aussi pour leur position géopolitique, en reliant les riches gisements de gaz du Nigeria à l’Europe via le Niger et l’Algérie.
Des mauvais choix au Mali
Deja en mars 2022, Jean-Louis Bourlanges, président de la commission des affaires étrangères au Parlement français, a déclaré : « Je crois que le Mali est dans une situation très, très difficile, et que les choix faits par Assimi Goïta sont de mauvais choix pour son peuple. Le Mali, sous la direction d’Assimi Goïta, est incapable de diriger véritablement son pays. Les accords qu’il a conclus avec le groupe Wagner semblent n’être qu’un moyen de protection autour de Bamako, tandis que les terroristes continuent de menacer les régions environnantes et ses voisins. »
Cette déclaration résume bien l’état actuel du Mali, qui s’enfonce de plus en plus dans une crise sécuritaire et politique profonde. Cette situation alarmante a été aggravée par une décision cruciale prise par le régime de Goïta : l’annulation de l’Accord d’Alger en janvier 2024. Cet accord, signé en 2015, avait été un instrument fondamental pour tenter de restaurer la paix et la stabilité au Mali après des années de conflit.
Les risques pour les pays voisins
La dégradation de la situation sécuritaire au Mali, exacerbée par l’annulation de l’Accord d’Alger, ne se limite pas à ses frontières, elle représente une menace significative pour l’ensemble de la région ouest-africaine. En effet, l’instabilité croissante au Mali pourrait provoquer une contagion d’insécurité et de violence vers les pays voisins comme le Niger, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, le Bénin, et même le Sénégal.
Le Niger : Qui partage une longue frontière avec le Mali, est particulièrement vulnérable à la propagation de la violence. L’annulation de l’Accord d’Alger a mis fin à la fragile paix dans le nord du Mali, incitant les groupes armés à intensifier leurs activités. Le Niger pourrait être déstabilisé par une augmentation des incursions de groupes armés maliens sur son territoire, exacerbant une situation sécuritaire déjà tendue.
Le Burkina Faso : Déjà en proie à une insurrection djihadiste persistante, le Burkina Faso pourrait voir la situation empirer avec l’extension des activités terroristes depuis le Mali. La rupture de l’Accord d’Alger a renforcé les tensions dans le nord du Mali, créant un environnement favorable à l’expansion des groupes armés vers le Burkina Faso. Cette expansion pourrait intensifier les attaques dans le nord du Burkina Faso, un pays déjà gravement touché par la violence.
La Côte d’Ivoire : Bien que relativement épargnée jusqu’à présent, pourrait également être menacée. La résurgence de la violence au Mali, en particulier après l’annulation de l’Accord d’Alger, pourrait entraîner une extension des opérations terroristes vers le sud, ciblant des pays jusqu’ici moins touchés. En cas de recul des forces maliennes et de renforcement des positions djihadistes, il est possible que ces groupes tentent de franchir les frontières pour établir de nouvelles bases en Côte d’Ivoire.
Le Bénin : Tout comme la Côte d’Ivoire, pourrait subir les conséquences d’une expansion des activités djihadistes vers le sud. Les récents incidents dans le nord du Bénin montrent que ce pays est déjà dans la ligne de mire des groupes armés. Une détérioration de la situation au Mali, exacerbée par l’annulation de l’Accord d’Alger, pourrait aggraver cette tendance, transformant le Bénin en une nouvelle cible pour les groupes terroristes cherchant à étendre leur influence.
Le Sénégal : Bien que plus éloigné géographiquement, le Sénégal n’est pas à l’abri des répercussions de l’instabilité au Mali. Une montée en puissance des groupes terroristes dans la région pourrait pousser certains éléments à chercher de nouvelles zones d’influence, y compris au Sénégal. En outre, l’instabilité régionale pourrait également perturber les flux économiques et humains, entraînant des conséquences négatives pour l’économie et la sécurité intérieure du Sénégal.
Une menace géopolitique élargie
Cette situation a été enclenchée unilatéralement par le régime de Goïta juste après sa prise de pouvoir, lorsqu’il a annulé l’Accord d’Alger, qui pourtant visait plusieurs objectifs stratégiques pour stabiliser le Mali et la région. L’Accord d’Alger avait été conçu pour inclure toutes les parties au conflit dans un processus de paix global, sous l’égide des Nations Unies et avec la médiation active de l’Algérie, un acteur clé pour qui la stabilité régionale est cruciale. Cet accord prévoyait une décentralisation accrue pour répondre aux aspirations des populations du nord du Mali, tout en intégrant les anciens combattants des groupes armés tels que la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA), le Mouvement pour l’Unicité et le Jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO), et d’autres factions rebelles, dans une armée reconstituée, favorisant ainsi la cohésion nationale. De plus, un mécanisme de suivi international, garanti par l’Algérie, avait été mis en place pour s’assurer de la mise en œuvre des engagements, notamment en matière de désarmement, de développement économique et de réconciliation nationale. Un accord qui, malgré sa fragilité au regard de la complexité sur le terrain, a duré huit ans, et dont l’annulation a non seulement rompu ce fragile équilibre, mais a également ouvert la porte à une escalade de la violence et de l’instabilité, exacerbant les tensions entre le gouvernement malien, les groupes armés du nord, et les djihadistes, avec des répercussions dans toute la région sahélienne.
Au-delà des risques directs pour ces pays, l’instabilité au Mali pourrait affaiblir l’ensemble de la région sahélienne, rendant encore plus difficile la coordination des efforts de lutte contre le terrorisme. Les pays voisins pourraient être contraints de détourner des ressources précieuses pour renforcer leur sécurité intérieure, au détriment de leur développement économique et social. Cette situation pourrait également entraîner une augmentation des flux de réfugiés, exacerbant les tensions et les défis humanitaires dans une région déjà vulnérable.
Sahel en Balance : Entre Chaos et Espoir
Le contraste entre le Mali et le Niger dans leurs approches respectives de la gestion des défis nationaux est saisissant. Alors que le Niger progresse grâce à des choix économiquew stratégiques judicieux dans le secteur de l’énergie et à une coopération internationale renforcée avec ses voisins, le Mali semble sombrer dans la répression politique et la violence, devenant ainsi une source d’inquiétude pour l’ensemble de la région.
L’annulation des Accords d’Alger a ouvert la porte à l’ingérence de puissances extérieures au Mali, qui cherchent à tirer profit du chaos qui en résulte. Le groupe Wagner, par exemple, s’est implanté pour renforcer son emprise sur le pays sous prétexte de soutien militaire, tandis que les Émirats arabes unis, Israël, et le Maroc manœuvrent pour étendre leur influence. Ces acteurs externes, loin de chercher la stabilité, exploitent les faiblesses du Mali pour leurs propres intérêts, aggravant l’instabilité et plongeant davantage le pays dans le désordre.
Les décisions politiques et stratégiques prises par chaque pays auront des répercussions durables sur leur avenir. Le Niger, en optant pour la coopération régionale et le développement économique, s’engage sur une voie prometteuse de stabilité et de prospérité. À l’inverse, le Mali, en se plaçant sous l’influence de forces extérieures à la région, prend des décisions qui risquent de prolonger l’instabilité et d’accentuer les souffrances de sa population. Cette divergence stratégique pourrait bien déterminer l’avenir de ces deux nations et celui de toute l’Afrique de l’Ouest.