Le dernier ouvrage de Jacob Cohen, intitulé « La vingt-sixième tribu », fait suite au « Printemps des Sayanims » et « Main basse sur Tinghir ». Ce roman critique les accommodements du Makhzen avec le sionisme. Il s’inscrit dans la continuité de ses travaux antérieurs, en lien avec les actions contestées de Macron et son séjour au Maroc.
Le roman met en lumière les impacts subtils de la normalisation avec Israël, au-delà des aspects militaires, économiques et politiques. Le roi du Maroc, soucieux de plaire aux sionistes, décide de modifier les contenus scolaires en retirant les références défavorables aux Juifs et aux sionistes, tout en valorisant une image embellie de la coexistence entre les Juifs et les Musulmans. Des édifices ayant appartenu à des Juifs sont rénovés.
Le roman évoque la manipulation de la mémoire par le Projet Aladin et la possible création d’un mémorial à Al-Hoceima. Il évoque également le retour des Juifs marocains voulant récupérer leurs biens vendus, ainsi que l’essor de la culture juive parmi les Amazighs et les Fassis, en incitant les jeunes à renouer avec la tradition juive de leurs ancêtres.
Le récit a pour objectif de mettre en évidence la monopolisation sioniste des instruments culturels et idéologiques et la naïveté des responsables marocains, tout en laissant place à la détermination et à la résistance d’un protagoniste local face à cette invasion.
Macron, comme les autres responsables politiques français, est observé de près par des organisations judéo-sionistes. Il doit soutenir pleinement Israël au risque d’être taxé d’antisémitisme. Il a tenté d’adopter une position neutre, mais ses opinions fluctuantes révèlent un manque de cohérence. Son soutien au régime israélien et ses déclarations équivoques sur le boycott des armes et les bombardements l’ont rendu indigne de confiance aux yeux des Arabes et des Israéliens. Ses relations aléatoires avec l’Algérie et le Maroc, mettent Macron dans une posture délicate devant faire fréquemment volte-face pour contenter chacun.
A. Djerrad
____________
Jacob Cohen à Algérie54: Mohamed VI tente de plaire par tous les moyens à son nouvel allié sioniste
Le journaliste et auteur Jacob Cohen vient de sortir un nouveau roman intitulé « La vingt sixième tribu », ou il met l’accent sur la soumission du régime du Makhzen au diktat idéologique du sionisme. Algérie54 l’interrogea sur le contenu de cette nouvelle publication éditée dans la foulée de celles des « Printemps des Sayanims » et « Main basse sur Tinghir », Ainsi que les sorties très controversées du président français, et son voyage à la royauté dirigée par le commandeur des croyants.
Algérie54: Vous venez de sortir un nouveau roman intitulé » La vingt sixième tribu ». Parlez-nous de cette nouvelle publication qui serait la suite du roman » Le printemps des sayanims »?
Jacob Cohen: Ce nouveau roman se concentre sur certains effets de la normalisation entre le Maroc et Israël. Je ne m’attache pas aux aspects militaires, économiques ou politiques. Ils sont connus. Il y a des effets beaucoup plus discrets et qui mettent en lumière un rapport de soumission du régime chérifien à l’influence sioniste.
Cela tient d’abord à la volonté du roi de plaire par tous les moyens à son nouvel allié sioniste. Rien n’est trop pour complaire à cet État puissant, ombrageux et dominateur. Le souverain a donc ordonné un bouleversement des programmes scolaires en histoire et instruction religieuse pour effacer toute référence désobligeante envers les juifs et les sionistes. L’histoire ainsi réécrite place le judaïsme comme élément central de l’histoire du Maroc et donne une vision idyllique de la coexistence judéo-musulmane.
Cela est allé parallèlement avec une course effrénée pour rénover ou embellir tout bâtiment ayant appartenu aux juifs et/ou des reportages dans les médias allant dans ce sens.
Un des instruments de la domination sioniste en Occident, tient à l’exploitation de la «mémoire ». Culpabiliser l’Occident même 80 ans après la Shoah pour en tirer des profits matériels et surtout un soutien absolu à Israël. Le Maroc s’est engagé dans cette voie dès 2012 avec la création du « Projet Aladin » censé enseigner la Shoah aux Marocains, par André Azoulay, conseiller du roi et sayan de première catégorie. Dans mon roman, j’évoque l’éventuel projet de sa fille par ailleurs directrice de l’UNESCO, pour imposer un mémorial à Al-Hoceima, célébrant la tragédie de l’Egoz, un chalutier transportant clandestinement 42 juifs marocains vers Israël, une probable manipulation du Mossad pour contraindre Hassan II à permettre le départ massif des juifs vers Israël. Il y aurait aussi une « journée nationale » chaque année à la date du naufrage, le but étant de garder le pays dans un sentiment de culpabilité permanent et d’en tirer des avantages.
Dans le roman, j’évoque aussi le retour de nombreux juifs marocains cherchant à profiter de l’aubaine et de la bonne volonté royale, pour récupérer des propriétés immobilières ou agricoles qu’ils avaient déjà vendues avant de partir en Israël, en prétextant une mauvaise vente ou la mauvaise foi des acheteurs. Et les autorités locales ont ordre de prendre fait et cause pour les juifs.
Un autre élément qui avait déjà commencé dans la province amazighe de Tinghir, et que j’ai abordée dans mon roman « Main basse sur Tinghir », et qui consistait à pousser des jeunes amazighs à retrouver la religion juive de leurs ancêtres, d’après la légende. On voudrait faire la même chose avec certains Fassis, dont certaines familles avaient été converties il y a deux siècles à l’islam.
L’objectif du roman est de décrire cette atmosphère d’accaparement sioniste des instruments culturels, spirituels et idéologiques, à leur profit, et la naïveté des officiels marocains qui ne voient rien venir.
Je laisse tout de même la porte ouverte à une forme de lucidité d’un businessman marocain et à sa volonté de combattre cette invasion sioniste.
Algérie54: La visite d’Emmanuel Macron au Maroc confirme la lutte sans merci pour la succession de Mohamed VI, entre le camp soutenu par la France et celui soutenu par les USA et l’entité sioniste. Qu’en dites-vous?
Jacob Cohen: Il m’est difficile de décrypter la situation marocaine à ce niveau. D’abord par nature et par tradition ,ces luttes de pouvoir restent dans une grande opacité, sans compter les rumeurs tronquées que chaque camp propage à dessein pour brouiller les cartes. Et ensuite je n’ai pas accès, à cause de la non-maîtrise de l’arabe, à des commentateurs courageux et lucides.
Algérie54: Emmanuel Macron est accompagné dans son voyage au Maroc par une forte délégation composée de figures au service de l’entité sioniste. Cela n’a pas empêché le CRIF et de responsables sionistes de mener une campagne contre lui. Comment expliquez-vous cela?
Jacob Cohen: Macron, comme tout homme politique français, est constamment sous surveillance du CRIF et autres organisations judéo-sionistes. Il n’a pas le droit à la moindre réserve, et encore moins à une incartade. Le régime sioniste, n’admet pas, de la part de ses soutiens, la moindre faiblesse. Il faut soutenir Israël à 1000%. À un peu moins, on est déjà inconstant et irresponsable, avant d’être taxé d’antisémite. Macron en fait la douloureuse expérience. Mais il faut dire qu’il l’a cherché aussi. Quand on donne autant de gages, on prête le flanc à la critique.
Algérie54: Dans son discours prononcé devant le parlement marocain, le président français s’est attaqué à la résistance palestinienne, quelques jours après avoir souligné qu’il se positionne pour la cessation de livraisons d’armes aux généraux de Tel-Aviv. Quel est votre avis sur l’ambivalence du discours du président français?
Jacob Cohen: En France, on qualifie la politique de Macron comme celle du « en même temps ». C’est ainsi qu’il est devenu président, en prétendant d’être ni de gauche ni de droite. Il veut manger à tous les râteliers. Défendre toutes les positions et en tirer profit. Mais il arrive un moment où ce n’est plus possible, car il perd sur tous les tableaux. Il a défendu l’entité sioniste pendant des mois, et puis il a dit une ou deux phrases, sur le boycott des armes ou sur la barbarie des bombardements. Du côté des Arabes il n’était pas crédible, et du côté sioniste il a perdu tout le crédit de son soutien. Et cela se voit d’ailleurs dans son positionnement face à l’Algérie et au Maroc. D’abord très proche de la première et puis s’engageant à fond avec le second. Combien de temps lui faudra-t-il pour changer encore de position ?
Entretien réalisé par Messaoudi Mehdi
Source : Algerie54