En novembre, mois symbolique de la Révolution algérienne, deux événements ont capté l’attention et suscité des débats passionnés : la mort de Rachid Mekhloufi, héros national et légende du football, et l’attribution du prix Goncourt à Kamel Daoud, écrivain algérien controversé. Si l’un est synonyme de sacrifice et de dévouement à une cause noble, l’autre incarne, selon certains, la soumission aux valeurs de l’ancien colonisateur au détriment de l’honneur national. Ces deux figures incarnent des trajectoires qui opposent la fidélité aux idéaux révolutionnaires à l’opportunisme.
Rachid Mekhloufi : L’Ambassadeur de la Dignité et du Sacrifice
Le 8 novembre 2024, l’Algérie et le monde du football ont perdu une étoile brillante : Rachid Mekhloufi. Ambassadeur à vie de l’AS Saint-Étienne, où il a évolué de 1954 à 1958 et de 1962 à 1968, Mekhloufi incarne la figure du « gentleman révolutionnaire ». Ses exploits sur le terrain témoignent de sa créativité, de son intelligence de jeu et de sa capacité à fédérer autour de lui. Buteur, passeur, stratège, il était à la fois l’architecte et le réalisateur de victoires mémorables, comme en témoigne son rôle décisif lors du premier titre de champion de France de l’AS Saint-Étienne en 1957, couronné de 25 buts inscrits cette saison-là.
Mais au-delà de sa carrière sportive d’exception, Mekhloufi est surtout connu pour son engagement patriotique sans faille. En 1958, alors que la Guerre d’indépendance algérienne faisait rage, il fit un choix radical. Quitter la France, la sécurité et la célébrité, se cacher dans une Aronde via la Suisse pour rejoindre la Tunisie et porter les couleurs de l’équipe du FLN, était un acte de bravoure inouïe. Alors que c’était presque sûr qu’il allait participer à la Coupe du monde en Suède la même année, où la France a atteint la 3e place, beaucoup disaient qu’avec Mekhloufi, la France aurait pu gagner la Coupe du monde en 1958, pas 1998. Ce geste, qui allait au-delà du sport, fut une affirmation puissante de soutien à la cause de l’indépendance. « J’avais tout, l’argent, la célébrité, les victoires, mais en tant qu’homme, je n’étais rien sans cette expérience de rejoindre le FLN », confiera-t-il plus tard. « Le football a réveillé la conscience endormie des hommes », ajouta-t-il, soulignant la portée de son acte.
Sur le terrain, Mekhloufi savait tout faire avec élégance et précision, suscitant l’admiration de ses coéquipiers et la crainte respectueuse de ses adversaires. Avec ses coéquipiers au sein de l’équipe du FLN, il parcourut le monde pour sensibiliser aux droits du peuple algérien, utilisant le sport comme vecteur de résistance. En revenant en Europe après l’indépendance, il continua de briller, remportant plusieurs titres et restant fidèle à l’AS Saint-Étienne, « son club de cœur », où il marqua 152 buts en carrière. Cette loyauté et ce dévouement à sa patrie et à ses valeurs ont fait de lui une légende, au-delà des chiffres et des titres.
Kamel Daoud : Une Récompense aux Relents Politiques
Kamel Daoud, écrivain algérien et chroniqueur résident en France, incarne la figure de l’intellectuel qui s’est éloigné des valeurs de son peuple pour embrasser celles de l’ancien colonisateur. En ce mois de Novembre, il reçoit le prix Goncourt pour son roman Houris, une œuvre controversée non pas pour sa qualité littéraire, mais pour sa capacité à plaire aux cercles influents de l’élite parisienne. Ce prix n’est pas une consécration innocente : il est le reflet d’une reconnaissance politique, une validation de discours qui sert les intérêts de ceux qui continuent de dénigrer l’Algérie et son histoire.
Daoud ne se contente pas de critiquer sa société d’origine, il en fait le bouc émissaire des maux qu’il expose aux yeux d’un public occidental avide de stéréotypes et d’exotisme intellectuel. En se présentant comme l’« alibi ethnique » qui confirme les idées reçues, il se fond dans le moule des intellectuels néocolonisés qui troquent la vérité historique pour la validation extérieure. Ses prises de position anti-islamistes et ses écrits, souvent repris par des médias qui cherchent à nourrir un discours islamophobe et raciste, le placent dans la lignée de ceux qui préfèrent la complaisance à l’authenticité.
La publication de son article en 2014, intitulé « Ce pourquoi je ne suis pas “solidaire” de Gaza », en plein massacre israélien contre la population palestinienne, est une preuve supplémentaire de son alignement avec des intérêts contraires à ceux de son pays et de sa communauté. En 2023, il récidive avec un article dans lequel il s’adresse à un Israélien anonyme, prônant la compréhension envers un État qui continue de perpétrer des actes de violence contre les Palestiniens. Ces écrits ne sont pas le fruit d’une simple opinion divergente ; ils sont le signe d’une adhésion calculée aux récits qui plaisent aux instances dominantes en France, un pays dont l’histoire coloniale continue d’imprégner ses rapports avec l’Algérie.
Le silence des médias français sur des aspects troublants de la vie de Daoud, tels que sa condamnation en 2019 pour « coups et blessures volontaires par arme blanche » sur son ex-épouse, renforce la perception d’un traitement privilégié. Ce mutisme contraste avec la couverture médiatique impitoyable réservée à d’autres figures publiques pour des faits similaires. Pourtant, Daoud continue d’être présenté comme un défenseur des droits de la femme, un paradoxe qui en dit long sur la complicité des médias dominants et leur volonté de maintenir une certaine image de l’auteur.
Il est indéniable que Kamel Daoud a trouvé sa place en tant que critique privilégié de l’Algérie dans les salons littéraires parisiens. Mais cette place, il l’a obtenue au prix de la trahison de sa propre communauté. Il incarne l’écrivain qui a troqué la vérité et la solidarité pour le succès, la célébrité et la reconnaissance. Contrairement à Rachid Mekhloufi, qui a sacrifié ces mêmes privilèges pour une cause juste et une nation en lutte, Daoud a choisi de s’aligner sur un discours qui flatte l’ego de l’ancien colonisateur et qui assure sa place sous les projecteurs.
Le contraste est flagrant : là où Mekhloufi a tout quitté pour défendre la dignité de son peuple, Daoud a tout utilisé pour séduire ceux qui la remettent en cause.
Le comportement face et pour à la Récompense
Le contraste entre Rachid Mekhloufi et Kamel Daoud reflète non seulement des trajectoires divergentes, mais aussi des comportements opposés face à la même tentation de la célébrité, de la gloire et de l’argent. Mekhloufi a renoncé à ces avantages pour se tenir aux côtés de son peuple dans un moment de crise, choisissant l’incertitude et le sacrifice plutôt que la reconnaissance facile et le confort. Il est resté fidèle à ses valeurs, faisant passer la cause collective avant ses intérêts personnels, et est célébré pour sa loyauté inébranlable.
Daoud, en revanche, est perçu par ses critiques comme celui qui a embrassé la gloire et les récompenses offertes par ceux dont les intérêts s’opposent aux siens. La quête de reconnaissance, même au prix de positions controversées et d’un discours qui sert les attentes d’un certain microcosme, contraste fortement avec l’intégrité et le dévouement de Mekhloufi.
Ces comportements opposés illustrent combien le prestige et la notoriété peuvent être des épreuves révélatrices du caractère. Mekhloufi est demeuré un héros intemporel par sa fidélité à une cause juste, tandis que Daoud est vu par beaucoup comme un opportuniste, prêt à céder aux sirènes de la reconnaissance occidentale au prix de l’authenticité. Cette dichotomie souligne l’importance de rester fidèle à ses convictions face aux tentations de la gloire et de l’argent.
Hope & Chadia