L’Afrique est en train de redéfinir les contours de son indépendance stratégique et de sa souveraineté. Ce processus de transformation s’inscrit dans un cadre plus large de remise en cause de la présence militaire étrangère sur le continent, notamment celle de la France, autrefois omniprésente au Sahel et en Afrique de l’Ouest. Le Tchad et le Sénégal ont récemment pris des décisions marquantes en mettant fin aux accords de défense qui les liaient à la France, symbolisant un tournant majeur dans la reconfiguration de l’ordre régional africain. Ces initiatives ne sont pas des cas isolés, mais le reflet d’une tendance continentale de réaffirmation de la souveraineté des États africains.
Les retraits successifs des troupes françaises du Mali, du Burkina Faso, du Niger, et désormais du Tchad et du Sénégal, sont autant de signaux forts adressés à Paris. Ce basculement stratégique n’est pas le fruit du hasard, mais le résultat d’une volonté populaire soutenue par des gouvernements de plus en plus sensibles aux revendications de leurs citoyens. La fin de ces accords de défense ne se limite pas à des décisions militaires. Elle s’inscrit dans un processus plus large de redéfinition des relations avec les anciennes puissances coloniales, où les Africains se positionnent désormais comme des acteurs et non plus des sujets.
Dans ce contexte, l’Algérie et l’Afrique du Sud émergent comme les piliers d’un nouvel ordre africain. Ces deux nations, fortes de leur passé de lutte contre les systèmes coloniaux et d’apartheid, incarnent aujourd’hui la revendication d’un continent libre et maître de ses choix. L’Algérie, dont l’histoire est marquée par une guerre de libération d’une rare intensité, place la souveraineté nationale au cœur de sa politique étrangère. Cette position a été illustrée par la rupture des relations diplomatiques avec le Maroc et l’opposition farouche à la reconnaissance par la France de la “marocanité” du Sahara Occidental. L’Algérie s’est fermement alignée sur le droit international et les résolutions des Nations Unies, position qu’elle partage avec de nombreux pays africains.
L’Afrique du Sud, quant à elle, s’est illustrée par son rôle au sein des BRICS et sa capacité à porter la voix de l’Afrique sur la scène internationale. Par son influence économique et politique, Pretoria a su se positionner comme un interlocuteur de poids dans les négociations internationales. En rejoignant l’Algérie sur la défense des causes sahraouie et palestinienne, elle réaffirme son engagement en faveur des peuples opprimés et des droits des nations à disposer d’elles-mêmes. Ce rapprochement stratégique entre Alger et Pretoria ouvre la voie à une coopération accrue sur les dossiers continentaux.
L’Algérie et l’Afrique du Sud ne se contentent pas de porter un discours souverainiste. Elles passent à l’action. La création d’une ligne directe entre Alger et Johannesburg est l’un des nombreux symboles de ce rapprochement stratégique. Cette ligne directe facilite les échanges économiques, commerciaux et culturels entre les deux nations, mais elle traduit surtout une volonté de renforcer les liens Sud-Sud. De même, la signature d’un mémorandum d’entente entre les Chambres de commerce des deux pays témoigne de la volonté des deux économies d’approfondir leurs relations commerciales et de promouvoir des investissements mutuels. Ces initiatives économiques participent à la construction d’une autonomie stratégique sur le plan économique, ce qui s’inscrit dans la perspective d’une Afrique autosuffisante.
Sur le plan politique, la convergence de vues entre les deux nations s’est traduite par la mise en place d’une Haute Commission bilatérale de coopération algéro-sud-africaine. Ce mécanisme de concertation vise à institutionnaliser les échanges stratégiques entre les deux pays et à coordonner leurs positions sur la scène internationale. Le soutien mutuel des deux États au sein des instances multilatérales, notamment les Nations Unies, est une illustration de cette volonté d’agir de manière concertée. Cette coopération s’étend également au domaine parlementaire, avec la création d’un groupe d’amitié parlementaire algéro-sud-africain en 2022, destiné à renforcer les liens entre les deux peuples et à promouvoir des partenariats solides dans divers secteurs.
Le socle de cette alliance entre l’Algérie et l’Afrique du Sud trouve ses racines dans l’histoire commune des deux pays. Dès les années 1950, l’Algérie avait offert un soutien indéfectible à la lutte contre l’apartheid en Afrique du Sud, notamment en accueillant Nelson Mandela lors de sa libération. Mandela n’a jamais caché sa gratitude envers l’Algérie, affirmant qu’elle avait joué un rôle crucial dans son parcours de libération. Ce lien historique a jeté les bases d’une relation fondée sur des principes de solidarité et de fraternité, que les dirigeants actuels des deux pays s’emploient à raviver.
Cette dynamique historique a récemment connu un nouveau souffle, marqué par la visite d’État du président sud-africain Cyril Ramaphosa en Algérie. Cette visite s’inscrit dans le cadre du renforcement des relations bilatérales et vise à donner un élan supplémentaire à la coopération économique, politique et culturelle entre les deux pays. Les discussions portaient sur la consolidation des relations stratégiques, le développement des investissements mutuels et la mise en place de nouveaux mécanismes de partenariat économique. Cette visite a aussi été l’occasion de réaffirmer la convergence de vues des deux nations sur les grandes questions internationales, notamment le soutien aux causes sahraouie et palestinienne.
Au-delà des déclarations d’intention, l’Algérie et l’Afrique du Sud entendent donner une nouvelle orientation à l’ordre africain. Ce nouvel ordre se distingue par la remise en question des partenariats inégaux hérités de la colonisation, la quête d’une autonomie stratégique et le refus des tutelles extérieures. Ce projet se concrétise à travers des initiatives concrètes, telles que la création d’un conseil d’affaires bilatéral, l’échange d’expertises parlementaires, la ligne aérienne directe entre Alger et Johannesburg, et la coordination diplomatique sur les grandes questions internationales.
Cet ordre africain sous l’égide de l’Algérie et de l’Afrique du Sud ne se limite pas aux décisions militaires ou aux accords économiques. Il s’appuie également sur un socle de valeurs communes, notamment la promotion de la justice sociale, le soutien aux luttes de libération des peuples opprimés et la consolidation de la souveraineté nationale. Les actions de ces deux pays, sur les scènes africaines et internationales, témoignent de leur engagement à défendre un ordre mondial plus équitable, à promouvoir le multilatéralisme et à renforcer le rôle des pays du Sud dans les processus de décision internationaux.
En somme, le nouvel ordre africain se construit sous l’impulsion de l’Algérie et de l’Afrique du Sud, qui incarnent la volonté de toute une génération de dirigeants africains de reprendre le contrôle de leur destin. Ce projet se concrétise par des actions politiques, économiques et stratégiques, qui visent à réduire la dépendance vis-à-vis des anciennes puissances coloniales et à affirmer l’autonomie stratégique du continent. Ce nouvel ordre ne se limite pas à l’Afrique, il s’inscrit dans la dynamique globale d’un monde multipolaire, où les anciennes hiérarchies internationales sont remises en question. La visite du président sud-africain Cyril Ramaphosa en Algérie témoigne de la vitalité de cette dynamique. Elle scelle une alliance stratégique durable, fondée sur la solidarité, la mémoire partagée et une vision commune pour l’avenir du continent africain. Cette nouvelle ère repose sur des bases solides, ancrées dans l’histoire et dans la volonté des deux pays de construire un partenariat qui serve de modèle au reste du continent.
Hope&Chadia