Sur les étals algériens, en ce mois de mai, les oranges juteuses côtoient les fraises sucrées et les cerises gorgées de soleil. De nouveaux produits qui arrivent tôt en saison, parfois en plein cœur du désert. L’image est forte : l’agriculture algérienne se transforme en profondeur, portée par une volonté politique claire et par l’innovation technologique.
Il y a quelques années encore, les défis semblaient immenses. La dépendance aux importations, les effets du changement climatique, l’insuffisance des infrastructures pesaient lourdement sur le secteur.
Depuis, plusieurs leviers ont été actionnés : protection juridique renforcée des terres agricoles, allègements fiscaux pour les agriculteurs, développement de l’irrigation goutte à goutte, structuration des filières de transformation.
Le ministère de l’Agriculture a également lancé un vaste programme de replantation d’arbres fruitiers : trois millions d’arbres rustiques (cerisiers, abricotiers, pistachiers…) doivent être plantés d’ici fin 2024.
La dynamique est également perceptible sur le terrain de l’export.
Le 24 avril dernier, au ministère du Commerce extérieur, deux accords majeurs ont été signés avec des partenaires d’Arabie Saoudite, pour un montant de 5 millions de dollars.
Parmi eux, le groupe Souakri s’impose en pionnier : son projet de serres ultramodernes à El-M’Ghair (600 km au sud-ouest d’Alger), réalisé en partenariat avec une entreprise néerlandaise, produit déjà plus de 6 000 tonnes de tomates cerises à destination des marchés européens et moyen-orientaux.
Irrigation économe, contrôle climatique rigoureux, innovation continue : la modernité s’invite au cœur des sables.
Le mouvement ne se limite pas au Sud.
Dans l’est du pays, à Khenchela, de jeunes vergers de cerisiers Bigarreau s’épanouissent. Grâce aux pépinières locales et au soutien des autorités agricoles, les cerises algériennes entrent aujourd’hui en force sur les marchés nationaux et internationaux.
L’Europe est clairement dans le viseur : des discussions récentes entre le ministère et des représentants de la Commission européenne ont confirmé la volonté de renforcer les échanges commerciaux autour des produits agricoles algériens.
Mais au-delà des volumes, c’est une réinvention géographique de l’agriculture qui est en cours.
Désormais, on plante des fraises dans plusieurs régions ; les cerisiers se multiplient bien au-delà de leurs terroirs traditionnels. Et surtout, le désert lui-même devient une nouvelle frontière agricole.
Un pari audacieux, rendu possible par les nouvelles techniques, et qui pourrait faire de l’Algérie un acteur de premier plan sur le marché des productions hors saison.
Bien sûr, de nombreux défis demeurent : coût de l’irrigation, manque de main-d’œuvre qualifiée, nécessité de renforcer l’industrie de transformation (jus, confitures, conserves…).
Les autorités en sont conscientes : transformer l’abondance en valeur ajoutée sera la clé d’un positionnement durable sur les marchés mondiaux.
Mais une chose est sûre : l’Algérie agricole ne se contente plus de nourrir sa population. Elle cultive désormais une ambition plus large : celle de compter, demain, parmi les exportateurs de référence en Méditerranée et au-delà.
Hope&ChaDia