Alors que l’Iran a démontré, sous la pression des conflits et des infiltrations occidentales, qu’une simple dépendance au GPS pouvait devenir une faille stratégique mortelle, l’Algérie doit réfléchir à ses propres vulnérabilités. Le basculement vers le système chinois Beidou, ou l’adoption d’une stratégie hybride plus ambitieuse, apparaît aujourd’hui comme une piste sérieuse pour préserver la souveraineté technologique et l’indépendance nationale. Cette réflexion, inspirée par la leçon iranienne, mérite qu’on s’y attarde sans tabou.
Ces dernières semaines, la guerre larvée entre les États-Unis et l’Iran a mis en lumière une réalité stratégique trop souvent ignorée : la vulnérabilité des nations face aux systèmes de navigation par satellite contrôlés par des puissances étrangères.
Quand Téhéran a dû faire face à une série d’attaques ciblées et d’opérations de renseignement, un point faible a refait surface : l’infiltration massive et la surveillance permanente facilitées par la dépendance au GPS américain. Cette dépendance est un talon d’Achille dont aucun pays souverain ne peut se satisfaire sur le long terme.
À mon avis, l’exemple iranien montre que la navigation et la synchronisation temporelle sont devenues des enjeux de souveraineté aussi critiques que le contrôle des frontières physiques.
Face à ce constat, une question se pose pour l’Algérie : peut-on, et doit-on, envisager un basculement vers Beidou, le système chinois de géolocalisation ?
Pourquoi penser à Beidou a court terme?
Beidou n’est plus une expérience technologique : c’est un système mature, opérationnel à l’échelle mondiale depuis 2020. Il offre les mêmes services que GPS :
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le positionnement précis ;
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la navigation maritime, aérienne et terrestre ;
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la synchronisation des infrastructures critiques comme l’électricité, les télécoms ou la finance.
Pour l’Algérie, qui entretient des relations stratégiques solides avec Pékin, Beidou représente une alternative crédible et un levier de diversification. L’exemple iranien montre que l’accès au GPS peut être interrompu, dégradé ou manipulé, en particulier lors de conflits ou de sanctions.
GPS vs Beidou : Les grandes différences
✅ Satellites : GPS en compte 29, Beidou 35, donc meilleure couverture.
✅ Précision : Beidou atteint ~30 cm contre 60–150 cm pour GPS.
✅ Communication : GPS est unidirectionnel (le récepteur reçoit seulement), alors que Beidou est bidirectionnel : le récepteur peut aussi envoyer de courts messages via satellite. Cette capacité bidirectionnelle renforce l’intérêt stratégique de Beidou et demontre son leadership technologique.
Est-ce techniquement possible ?
Oui, remplacer GPS par Beidou est faisable sur le plan technologique. Les puces modernes sont souvent multiconstellations : elles captent GPS, Beidou, Galileo et parfois GLONASS. L’armée, les ports et les infrastructures pétrolières algériennes utilisent déjà du matériel compatible.
En revanche, une bascule totale et rapide nécessiterait :
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un recensement précis des équipements civils et industriels ;
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un plan de migration logiciel et matériel ;
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des formations adaptées ;
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un accompagnement pour le secteur privé et le grand public.
Je pense qu’il serait irréaliste de couper GPS du jour au lendemain sans provoquer des perturbations majeures. La meilleure approche serait un basculement progressif, avec des zones pilotes et une période de double compatibilité.
Combien de temps cela prendrait-il ?
Sur la base des expériences observées en Iran et ailleurs, on peut estimer :
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1 à 3 mois pour les installations et sites sensibles et prioritaires ;
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3 à 6 mois pour les grandes infrastructures critiques ;
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6 mois à 2 ans pour la population et les entreprises privées.
Cette échelle de temps peut être raccourcie si des mesures exceptionnelles sont prises, mais cela supposerait des coûts et des tensions importantes.
Pourquoi c’est stratégique ?
L’infiltration et la collecte de données sont au cœur des conflits modernes.
Pendant les tensions avec l’Iran, la géolocalisation GPS a permis de suivre des convois, de préparer des frappes ciblées, et d’alimenter les opérations de guerre électronique.
Il est clair que rester dépendant d’un système contrôlé par un rival potentiel expose à un risque permanent.
En Algérie, où la sécurité énergétique, la souveraineté territoriale et l’indépendance technologique sont des priorités, l’exemple iranien doit être étudié avec attention.
Un projet souverain : un défi technologique et financier colossal
Certains pourraient penser que la meilleure garantie d’indépendance serait de créer un système satellitaire 100 % algérien, à l’image du GPS américain ou de Beidou. Pourtant, la réalité est infiniment plus complexe. Mettre en orbite une constellation globale exige des investissements colossaux : plus de 20 satellites de navigation, des stations de contrôle réparties sur plusieurs continents, des horloges atomiques d’une précision extrême et une capacité de lancement autonome. Rien que le budget initial peut dépasser 10 milliards de dollars, sans compter les frais d’entretien et de renouvellement des équipements tous les dix ans. La diplomatie spatiale est également un passage obligé : il faut négocier les fréquences internationales, coordonner les trajectoires orbitales et garantir la compatibilité avec les systèmes existants.
À mon avis, même pour une grande puissance régionale, un tel projet demanderait des décennies de préparation et une coopération technologique avec plusieurs partenaires majeurs. Pour l’Algérie, la voie la plus pragmatique reste donc de miser sur un système hybride : diversifier ses dépendances entre Beidou, Galileo et d’autres constellations, tout en renforçant les capacités locales de réception et de protection des signaux.
Voici comment un scénario algérien pourrait se dérouler
1️⃣ Une loi instaurant le principe d’indépendance satellitaire, avec obligation de compatibilité Beidou.
2️⃣ Lancement d’un audit national pour cartographier tous les usages du GPS.
3️⃣ Approvisionnement en récepteurs multiconstellations.
4️⃣ Phase pilote sur quelques infrastructures cles, ministères, ports et aéroports.
5️⃣ Extension progressive vers les secteurs critiques.
6️⃣ Plan de formation et de sensibilisation pour les entreprises et les citoyens.
7️⃣ Mise en place d’un mécanisme de secours pour conserver l’accès GPS si nécessaire, afin d’éviter une rupture brutale.
Une autre voie intelligente de souveraineté : la stratégie hybride
Pour l’Algérie, la voie la plus réaliste n’est pas de choisir entre GPS et Beidou de façon exclusive, mais d’adopter une stratégie hybride fondée sur la redondance et la flexibilité. En combinant plusieurs constellations — Beidou, Galileo, GPS, voire GLONASS — et en développant des capacités locales de contrôle et de filtrage, le pays peut garantir une continuité de service même en période de tension internationale. Cette approche permet non seulement d’accroître la précision et la résilience du signal, mais aussi de conserver la possibilité de bloquer sélectivement l’accès à l’un ou l’autre système en cas de besoin stratégique. À mon avis, c’est cette polyvalence qui incarne le mieux une souveraineté technologique moderne : ne dépendre d’aucune puissance unique, tout en se donnant les moyens d’arbitrer librement ses priorités.
(signé Hope&ChaDia)