L’Union européenne a récemment surpris Alger en annonçant, de manière unilatérale, l’ouverture d’une procédure d’arbitrage au titre de l’Accord d’association signé en 2002 et entré en vigueur en 2005. Selon Bruxelles, des restrictions au commerce et à l’investissement imposées par l’Algérie contreviendraient à ses engagements.
Cette décision, dénoncée comme « hâtive » et « contraire à l’esprit de l’accord » par le ministère algérien des Affaires étrangères, intervient alors que six des huit différends soulevés par l’UE étaient en voie de règlement, et que des propositions concrètes avaient été faites par Alger sur les deux points restants. L’Algérie souligne en outre que le Conseil d’association, pourtant seul habilité à juger de l’évolution des consultations, n’a pas été convoqué depuis cinq ans, malgré ses demandes répétées.
Un accord figé malgré vingt ans de transformations économiques
Au cœur du différend : une volonté algérienne de renégocier des termes devenus obsolètes. Depuis la signature de l’accord, la structure économique de l’Algérie a profondément évolué. L’économie nationale est aujourd’hui engagée dans un processus de diversification, de montée en gamme industrielle et de redéploiement géographique de ses échanges commerciaux, notamment vers l’Afrique, l’Asie et les pays du Sud.
Les déficits commerciaux structurels enregistrés depuis 2005 avec l’UE — accompagnés d’un déséquilibre criant dans les transferts technologiques et les investissements productifs — ont conduit Alger à demander une relation commerciale plus équilibrée. Une demande jugée légitime dans toute logique de coopération bilatérale, mais immédiatement requalifiée en “entrave” par Bruxelles, dès lors que les intérêts européens ont été légèrement contrariés.
Quand Bruxelles tente de frapper Alger mais s’agenouille à Pékin
Le paradoxe devient criant à la lumière des récents échanges entre l’UE et la Chine. Lors du sommet du 24 juillet 2025 à Pékin, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a exprimé une inquiétude similaire à celle formulée par l’Algérie… mais dans l’autre sens.
Face à un déficit commercial de plus de 305 milliards d’euros, l’UE a exhorté la Chine à rééquilibrer les échanges, dénonçant un dumping industriel, un manque de réciprocité et un déséquilibre croissant. Exactement les griefs que l’Algérie avait elle-même adressés à l’Union européenne quelques années auparavant — sans que cela ne suscite la moindre empathie ni révision d’accord.
Et pourtant, à Pékin, la posture de Bruxelles fut toute autre. Ni arbitrage, ni menaces de contentieux. Mais une demande posée avec tact, suivie d’une réponse ferme et glaciale du président Xi Jinping, rappelant aux Européens que leurs déséquilibres venaient bien davantage de leurs dépendances, de leurs divisions internes et de leurs choix géopolitiques (notamment vis-à-vis de la guerre en Ukraine), que des exportations chinoises.
Un double standard révélateur
Ce contraste entre la fermeté vis-à-vis d’Alger et la prudence vis-à-vis de Pékin illustre un double standard assumé : les pays du Sud, en particulier ceux du Maghreb, sont sommés de se plier à des accords inéquitables, tandis que les puissances asiatiques bénéficient d’un traitement de faveur dicté par le rapport de force.
Ce n’est pas seulement injuste ; c’est économiquement incohérent. Car l’UE fragilise des partenaires proches, pour ensuite quémander des rééquilibrages à ceux qui n’en ont que faire.
Et pendant ce temps… l’Algérie regarde, note, et sourit
Le communiqué algérien est resté diplomatique. Mais l’observateur attentif y décèle une ironie contenue. Car ce que l’Europe reprochait hier à l’Algérie, elle le subit aujourd’hui de la Chine — et avec bien moins de marge de manœuvre.
Pas besoin d’un long discours. Le refrain d’une chanson de Thouraya, dans les années 70, suffit à résumer la situation :
يا شاري دَلة، يا شاري دَلة… راك بخير يا خويا ولا في حالة ؟
Autrement dit : Toi qui pensais t’en sortir en jouant au plus fort, u vas bien mon frère… ou t’es déjà dans la galère ?
Article inspire de : أ.د.كمال ديب: الأيام دول…. و يا شاري دالة. – YouTube