L’entretien télévisé du Président Abdelmadjid Tebboune, tenu hier au Palais d’El Mouradia, a offert un tour d’horizon dense : de l’IATF 2025 aux équilibres macroéconomiques, de la réforme politique à la numérisation, en passant par l’agriculture, la diplomatie et le rôle des collectivités. Voici les points clés, organisés par thèmes, avec une analyse de fond et, en filigrane, une mise en garde finale contre les « khayen eddar » — les traîtres de l’intérieur, (5eme colonne et autres sayanim).
IATF 2025 ET PROJECTION RÉGIONALE
Le Président revendique un succès stratégique : l’Algérie a prouvé sa capacité d’organisation et a brisé le récit de « l’isolement ». Contrats signés, promesses, afflux de décideurs africains — l’IATF est présentée comme un révélateur de stature et d’attractivité. Tebboune annonce un rendez-vous imminent avec les opérateurs économiques pour passer « de l’énumération des deals » à l’exécution. L’idée centrale : convertir l’effet-vitrine en création de valeur, d’emplois et d’intégration africaine.
L’IATF ne vaut que par son « après ». La crédibilité se jouera sur la vitesse d’exécution, la qualité contractuelle (change, délais, garanties), et l’ancrage des contrats dans les chaînes de valeur locales.
COMMERCE EXTÉRIEUR : FIN DE LA « FOIRE À L’IMPORT »
Le chef de l’État assume une politique d’importations « disciplinées » : importer oui, mais pour combler ce que la production nationale ne fournit pas encore. La clé : trouver un équilibre subtil entre disponibilité des biens et montée en puissance locale, avec une numérisation fine des flux pour piloter par les données (quantités par produit, saisonnalité, besoins réels). Pas de « pénurie » selon lui, mais des « soubresauts » parfois alimentés par des acteurs malveillants.
Le pilotage par la donnée est la condition sine qua non pour éviter les cycles d’excès et de manque. Sans traçabilité temps réel et interopérabilité douanes–banques–commerces, l’arbitrage fin entre import et offre locale restera fragile.
AGRICULTURE ET SÉCURITÉ ALIMENTAIRE : LE TOUT-TECH
Sur les céréales, Tebboune fixe l’horizon de l’autosuffisance en réaffirmant que l’État a déjà fourni intrants, irrigation (y compris nappes), moissonneuses et stockage de proximité. Le « contrat moral » demandé aux agriculteurs : livrer la totalité de la production éligible et bannir les détournements vers des circuits parallèles. Le nouveau ministre de l’Agriculture, profil tech, incarne la volonté d’industrialiser la filière : recherche-développement, protocoles agronomiques, capteurs, drones pour la mesure des surfaces et des rendements, fertilisation pilotée.
L’approche est juste : la sécurité alimentaire est un problème de productivité, de logistique et de gouvernance. Les ruptures viendront de l’agritech (semences adaptées, irrigation de précision, data-yield management) et de contrats d’achat fermes pour sécuriser les revenus des producteurs.
INDUSTRIE LAITIÈRE : LE PARTENARIAT « POWDER-TO-COWS »
Le projet « Baladna » à Adrar (poudre de lait, élevage intégré, 5 000 emplois) est présenté comme une solution transitoire intelligente : si la poudre est inévitable à court terme, autant la produire localement pour réduire la facture d’import et réancrer les flux (cheptel, fourrages, froid, logistique, transformation). Horizon technique : 3,5 à 4 ans. Des coopérations parallèles avec l’Italie et l’Arabie saoudite sont évoquées.
À condition d’éviter l’« enclave industrielle », ce modèle peut devenir une école d’effets d’entraînement : fournisseurs locaux, formation vétérinaire, ateliers de maintenance, et montée progressive vers le lait cru domestique.
REMANIEMENT, CAP ORDONNANCEMENT ET « MANAGEMENT DE TERRAIN »
Le choix d’un Premier ministre « de terrain » (Seif Eddine Ghrib) vise à combler le « chaînon de l’exécution ». La promesse : une programmation robuste et un suivi serré des décisions. À l’Agriculture, un ministre « technologie » pour accélérer la bascule vers des pratiques modernes.
Le nerf de la guerre n’est pas l’annonce, c’est l’ordonnancement : qui fait quoi, quand, avec quels indicateurs, et comment on sanctionne la non-exécution. Sans PMO gouvernemental transversal outillé, l’intention se dilue.
PLACE DES FEMMES : DU SYMBOLE À L’OPÉRATIONNEL
Neuf ministres femmes dans des portefeuilles clés. Le Président insiste : la participation féminine n’est ni une « faveur » ni une « exception ». Elle s’étendra selon la performance.
Le vrai test viendra des résultats mesurables des équipes dirigées par des femmes et de l’accès des femmes aux postes d’exécution (directions générales, agences, entreprises publiques), pas seulement aux cabinets.
SOCIAL, INFLATION ET POUVOIR D’ACHAT
Tebboune revendique un différentiel inflationniste maîtrisé (≈3,7–3,8 %) et des filets sociaux élargis (allocation chômage, bourses étudiantes, retraites), avec la promesse de nouvelles révisions 2026–2027 selon la capacité budgétaire. Objectif : maintenir les prix des denrées de base accessibles, tout en lissant les pointes hors saison.
Tenir l’inflation sous 4 % exige de la discipline : stocks tampons, veille concurrentielle (contre les cartels locaux), logistique fraîche performante et politique de change cohérente. L’indexation ciblée des transferts sur les plus vulnérables est préférable à des subventions généralisées fontes-de-recettes.
NUMÉRISATION : DE L’ANTIFRAUDE À LA JUSTICE FISCALE
La numérisation est posée comme la clé de voûte : passer de « la rumeur » aux « chiffres », tracer la dépense publique (ex. subventions, allocations), objectiver les superficies cultivées (drones), éclairer le foncier, les transactions immobilières, l’eau et l’énergie. Philosophie : « la data comme lumière » contre « les zones grises ».
La numérisation n’est pas un « projet IT », c’est une réforme institutionnelle. Il faut interopérabilité des registres, identité numérique, facturation électronique, open-data des prix et sanctions effectives pour les fraudeurs. Sans ça, la data reste une promesse.
START-UP NATION, VERSION AFRIQUE
Annonce d’un fonds pour start-up africaines, dans une logique de rôle continental : accueillir, former, financer, et attirer des pépites africaines à s’industrialiser depuis l’Algérie. L’ambition : créer un « climat start-up » transfrontalier avec capillarité vers les filières nationales (industrie, agri, énergie, fintech, GovTech).
Un fonds n’est efficace que s’il s’adosse à un deal-flow robuste (incubateurs, universités), à des pilotes avec grands comptes publics/privés et à des marchés test. L’État peut être premier client (logistique, e-santé, edtech), catalysant l’effet d’échelle.
BANQUES, DINAR ET « CASH WAR »
Les banques affichent une liquidité confortable ; le dinar se raffermit lorsque l’inflation et les prix sont maîtrisés. Le Président dénonce l’« économie de cash » et annonce un durcissement contre les sous-déclarations, notamment immobilières, qui alimentent la spéculation et l’iniquité (ex. charges eau/énergie). La carte et la traçabilité sont réaffirmées malgré des « résistances ».
La lutte anticash demande des incitations (fiscalité, cashback, plafond espèces) et une expérience utilisateur impeccable (TPV, QR, instant payments). Sinon, la préférence pour le cash persiste. La conformité notariale et l’audit des transactions immobilières sont des game-changers.
POLITIQUE : LOI SUR LES PARTIS, ÉLECTIONS ET RÔLE DE L’ANIE
Cap sur une révision de la loi sur les partis via concertation institutionnelle. L’argent politique sera davantage combattu (achat de voix, fraude). Pour l’ANIE : recentrage sur la transparence et le contrôle, avec la logistique matérielle rendue à l’Intérieur — un partage des tâches pour « professionnaliser » l’organisation. Les locales et législatives doivent redevenir des lieux de résolution des problèmes concrets, non des arènes d’invectives.
La crédibilité électorale repose sur : registre électoral assaini, résultats publiés par bureau, financement des campagnes tracé et plafonné, et sanctions publiques rapides. Sans ces rituels de confiance, le soupçon gagne.
DÉCENTRALISATION, COLLECTIVITÉS ET ÉCOLE
Réflexion engagée sur la reclassification des communes, les compétences et la soutenabilité financière. Diagnostic clair : des communes riches (base fiscale solide) et d’autres structurellement dépendantes. Mesure saillante : l’État reprendra la charge de fonctions scolaires essentielles (chauffage, maintenance, gardiennage) là où les communes n’ont pas les moyens — pour sécuriser la qualité du service éducatif.
C’est une approche pragmatique. À terme, une péréquation nationale dynamique, des contrats-objectifs régionaux et un « guichet de projets » pour les petites communes accélèreraient la résorption des inégalités territoriales.
MOBILITÉ DES PERSONNES : DOTATION VOYAGE
Bilan intermédiaire : ~500 000 bénéficiaires et ~400 M€ mobilisés pour la dotation voyage ; maintien d’un niveau acceptable de réserves (≈ 16–18 mois d’imports selon son cadrage, « un an et cinq/six mois »), malgré un pétrole moins porteur. Les pèlerins ont eu un schéma dédié (ex. 1 000 $).
Utile socialement et psychologiquement, le dispositif doit rester calibré pour ne pas créer de tensions de change ; la montée des recettes hors-hydrocarbures et l’après-IATF seront déterminantes.
DIPLOMATIE : PALESTINE, ONU ET VISION AFRICAINE
Tebboune réaffirme la ligne : État palestinien sur les frontières de 1967 avec Al-Qods pour capitale, et travail multilatéral soutenu (Assemblée générale, Conseil de sécurité). Sur l’Afrique : « l’Afrique aux Africains », priorité au développement (emploi, formation, investissement) plutôt qu’aux « champs d’essai d’armements ». Avec les voisins (Tunisie, Mauritanie, Libye) : fraternité et projets concrets (routes, santé, échanges).
La crédibilité diplomatique s’auto-alimente : constance de position + capacité d’exécution interne = influence externe. Les succès Onusiens pèsent davantage si l’Algérie avance vite chez elle (numérisation, industrie, énergie, compétences).
GOUVERNER PAR LES CHIFFRES : L’HORIZON 2026–2027
Le cap est précis : objectifs chiffrés à 2026–2027, « l’Algérie sera une autre Algérie » si les cibles sont tenues. Condition centrale : exécution et synchronisation inter-ministérielle, sous pilotage data.
Il faut publier des « tableaux de bord citoyens » trimestriels (projets, délais, coûts, livrables) et des engagements ministériels traçables. La confiance se nourrit de preuves — pas seulement d’intentions.
UN MOT SUR LE TON ET LA MÉTHODE
Tout l’entretien oppose deux logiques : l’ancienne économie des opacités et l’économie de la transparence ; l’annonce et l’exécution ; la polémique et le service. Le Président insiste sur la civilité dans le débat public (non au dénigrement, oui à la critique utile) et revendique l’élévation des filets sociaux et de l’école comme biens communs.
La qualité du débat conditionne la qualité des politiques publiques. Désintensifier l’invective, institutionnaliser la contradiction et accélérer l’évaluation indépendante — voilà la voûte d’une démocratie efficace.
MISE EN GARDE FINALE : « KHAYEN EDDAR »
En conclusion, Tebboune lance une alerte limpide : la menace la plus dangereuse n’est pas celle qui vient de l’extérieur, mais celle des « khayen eddar » — les traîtres de l’intérieur, que le Président a déjà désignés par le passé comme la « cinquième colonne », et auxquels j’ai toujours ajouté ces « sayanim » qui propagent rumeurs, sabotages et manipulations pour briser la cohésion, entamer la confiance et gripper les réformes. Message adressé aux journalistes et, au-delà, à l’opinion : vigilance, discernement, responsabilité.
L’histoire enseigne que les transformations échouent rarement par manque de plans ; elles échouent par sabotage des coalitions de mise en œuvre. Identifier les risques d’ingérence interne, protéger les chantiers critiques (numérisation, finances publiques, élections), et répondre par la preuve — voilà l’antidote face aux « khayen eddar ».
— Hope&ChaDia