Il n’aura fallu que quelques jours pour que la confusion de Steve Witkoff trouve son écho tremblant dans la voix de Massad Boulos. Après l’impossible “deal de paix” promis par Witkoff entre l’Algérie et le Maroc, c’est désormais le conseiller principal de Donald Trump pour les affaires arabes et africaines qui tente de donner un habillage diplomatique, à ce projet bancal.
Certainement pour rattraper la maladresse du fameux “délai de soixante jours” évoqué par Steve Witkoff, l’entourage de Massad Boulos a tenu à faire passer un message de courtoisie : il n’a jamais été question de manquer de respect à l’Algérie.
Cette référence, selon eux, relevait davantage d’un calendrier d’intention que d’un ultimatum, traduisant l’optimisme diplomatique d’un émissaire convaincu que la bonne volonté peut parfois accélérer le cours des choses.
L’Algérie, rappellent-ils, demeure pour Washington un acteur central, respecté pour sa stabilité, son indépendance et sa contribution constante aux équilibres régionaux.
Mais cette fois, la caméra ne ment pas : Massad Boulos “tromblotte” littéralement dès qu’il prononce le mot “Algérie”.
DE LA CERTITUDE À L’INCERTITUDE
Pendant plus de dix minutes, Boulos déroule un discours assuré sur le Soudan, la crise humanitaire et les efforts “quadripartites” américains, saoudiens, égyptiens et émiratis. Il parle vite, cite les chiffres, paraît préparé. Puis vient la question : “Un accord de paix entre le Maroc et l’Algérie est-il possible ?”
Le ton se casse. Les phrases s’allongent. Les hésitations s’empilent : “نحن نعمل يوميًا حتى مع الجزائريين… نحن نعرف أن الأصدقاء الجزائريين منفتحين للحوار البنّاء”. Des mots vagues, presque désincarnés. L’assurance disparaît ; la prudence prend le relais.
Il redevient l’émissaire d’une administration qui a un pied dans chaque camp : celui du Maroc, clairement assumé, et celui de l’Algérie, qu’il faut ménager pour ne pas tout perdre à l’ONU.
LES “Euh” DE L’EMBARRAS : QUAND LA LANGUE TRÉBUCHE SUR LA DIPLOMATIE
Dans l’interview, un détail sonore en dit long : les “euh” de Massad Boulos. Ces petites hésitations — « أييه… يعني… طبعاً… » — surgissent précisément au moment où il aborde le dossier algérien. Là où son ton était ferme, précis et rapide sur le Soudan, il devient soudain plus lent, haché, presque hésitant. Les pauses s’allongent, les phrases s’interrompent, les mots cherchent leur place. Ce ne sont pas des tics de langage, mais les signes d’une pensée qui n’ose pas dire tout haut ce qu’elle sait tout bas.
Massad Boulos “tromblotte” parce qu’il marche sur une ligne étroite : défendre une position pro-marocaine sans froisser Alger. Ces “euh” sont les soupirs d’une diplomatie qui se sait en porte-à-faux.
UNE CONTINUITÉ : LA DIPLOMATIE DE LA MISE EN SCÈNE
Witkoff avait déjà ouvert la voie en parlant d’un “accord de paix” entre deux nations qui ne sont pas en guerre. Boulos, lui, tente de sauver la façade : il prétend qu’un dialogue “quotidien” existe avec Alger, tout en rappelant que la souveraineté marocaine sur le Sahara est “irréversible”.
Autrement dit : Washington parle à l’Algérie, mais pour mieux la convaincre d’accepter un fait accompli.
Ce glissement est significatif. Il marque la continuité d’une approche américaine qui cherche à convertir la neutralité algérienne en consentement implicite, tout en faisant passer un alignement pro-marocain pour une médiation équilibrée.
LE LAPSUS POLITIQUE
Quand Boulos dit :
“Nous savons que nos amis algériens sont ouverts à un dialogue constructif.”
il ne livre pas une information, il masque un vide. Ni négociations, ni réunions, ni interlocuteurs algériens identifiés. Simple formule de politesse diplomatique, prononcée pour remplir le silence d’une politique sans relais réel à Alger.
Mon opinion : son “tromblotement” n’est pas une maladresse de langage ; c’est le signe d’un malaise structurel. Comment défendre une ligne pro-marocaine tout en prétendant au rôle d’arbitre ? Comment parler de “réconciliation” sans reconnaître les causes de la rupture ?
UNE ALGÉRIE QU’ON NE SAIT PAS LIRE
Depuis Witkoff, la stratégie paraît claire : utiliser le Maghreb comme un terrain de “succès diplomatique” pour la future campagne de Trump. Mais ces émissaires en série semblent ne rien comprendre à la logique algérienne.
L’Algérie ne négocie pas sous pression, ne troque pas sa position sur le droit international contre des promesses de visibilité. Elle écoute, observe, puis répond par la cohérence — celle d’un pays qui n’a pas besoin de “deal” pour exister, mais de respect pour dialoguer.
Et c’est là que le ton tremble chez Boulos : il sait que l’Algérie ne se laisse pas instrumentaliser. Il sait que, derrière la façade du “dialogue constructif”, se cache la peur d’un revers diplomatique majeur au Conseil de sécurité.
LA PEUR DE LA LUCIDITÉ ALGÉRIENNE
À la veille du vote onusien sur le Sahara occidental, Washington espère un consensus “linguistique” : une résolution qui reconduirait la mission de la MINURSO tout en consolidant, mot après mot, la légitimité du plan marocain.
Mais l’Algérie, lucide, ne cède ni au charme, ni à la pression. Et c’est cette résistance tranquille qui fait trembler la voix de l’envoyé de Trump.
Mon opinion : Massad Boulos n’est pas en train d’improviser. Il est en train de réaliser en direct que l’équilibre qu’on lui demande de jouer n’existe pas. Entre une certitude pro-marocaine et une diplomatie algérienne inébranlable, il n’y a pas d’espace pour un “deal” — seulement pour la gêne.
Ce tremblement, c’est la peur de heurter une nation qui ne se laisse pas acheter.
Hope&ChaDia
L’interview de Massad Boulos a SkyNews Arabia