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DÉCOLONISER NOTRE HISTOIRE : DE L’UNIVERSALISME CONFISQUÉ AUX MÉMOIRES RETROUVÉES

by Hope Jzr
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Al24News consacre une « Préface » pas comme les autres à une question qui fend le temps : faut-il « décoloniser » notre histoire ? À la table, trois voix qui se répondent et se bousculent : le chercheur Olivier Gloag (Duke University), lecteur acéré des imaginaires coloniaux dans la littérature française ; l’historien Hosni Kitouni, auteur-témoin de Ce que la mort m’a pris de toi ; et James McDougall (Oxford), spécialiste du Maghreb qui pense l’Algérie par ses structures sociales, ses villes et ses campagnes.

Ce débat naît d’un constat clair : pendant trop longtemps, « l’histoire de l’Algérie a été écrite sur nous, sans nous ». Kitouni remonte la généalogie d’un récit figé par des officiers, des colons puis l’Université d’Alger, récit devenu norme au point d’éclipser les rares voix algériennes d’avant 1962. D’où l’intérêt stratégique de l’historiographie anglo-saxonne : moins prise dans la familiarité présumée (« nous connaissons les Algériens »), elle aborde l’Algérie avec d’autres problèmes, d’autres méthodes, et surtout sans l’huis clos du champ francophone. À mes yeux, cette ouverture méthodologique n’est pas un luxe : c’est la condition pour respirer hors du bocal d’une histoire auto-certifiée.

Gloag rappelle ensuite la portée universelle des résistances : de Toussaint Louverture à l’Émir Abdelkader, elles font passer « l’autre » du statut d’objet au statut de sujet. La littérature française a vacillé devant cette irruption — Hugo, Lamartine, Chateaubriand s’y sont heurtés — mais l’école républicaine a souvent fini par neutraliser ce choc, reléguant la révolution haïtienne ou l’exemplarité morale de l’Émir au rang de curiosités. Le retour du refoulé tient à une vérité simple : l’universel n’est pas un monopole, il est une pratique. Mon sentiment : chaque fois que l’universel a été affirmé comme propriété privée, la littérature a servi de chambre d’écho pour rappeler qu’il se gagne dans la lutte, pas dans les slogans.

Sur ce terrain s’avance la figure sombre du maréchal Bugeaud. Kitouni le définit comme théoricien d’un « pouvoir d’exception » : au lieu d’appliquer aux colonisés les principes proclamés en France, on les redéfinit comme « autres » et « inférieurs », justifiant une violence « circonstancielle » hors de la loi commune. McDougall prolonge en soulignant la coïncidence historique : au moment où Guizot publie Histoire de la civilisation en Europe (1830), la conquête de l’Algérie érige « la civilisation » en propriété d’un groupe contre les autres. L’universalisme devient masque, tandis que le traité de la Tafna (1837) illustre l’ambiguïté des langages : souveraineté reconnue dans la version arabe, souveraineté niée dans la lecture française — jusqu’à la rupture. Mon intuition : la décolonisation de l’histoire commence par une décolonisation des mots.

McDougall déplace la focale : pour comprendre l’Algérie, il faut renouer avec Ibn Khaldoun — la dynamique villes-campagnes, les cycles de fondation et de déclin, les solidarités qui montent des marges pour refonder le centre. Ce n’est pas seulement une clé du passé médiéval : c’est une grammaire sociale qui traverse la période coloniale et explique la capacité de la société à résister, à se recomposer, puis à porter la révolution. Kitouni rappelle combien l’outillage colonial a durci le réel : territorialiser la tribu, opposer « Kabyles, Arabes, Maures » selon des reliefs ou des mythologies de papier, c’est méconnaître des réseaux d’alliances, d’échanges, de mariages — un tissu mobile, non des cases sur carte. Je trouve décisive cette leçon : partir des sources locales, des catégories endogènes, sans renoncer à l’exigence scientifique.

LIRE POUR DÉCOLONISER : L’URGENCE DE SORTIR DU CERCLE FRANCOPHONE

DÉCOLONISER NOTRE HISTOIRE, CE N’EST PAS SEULEMENT LA RÉÉCRIRE — C’EST AUSSI APPRENDRE À LIRE AUTREMENT. LIRE HORS DU PRISME HEXAGONAL, HORS DES MANUELS QUI REPRODUISENT LES CATÉGORIES DE LA COLONISATION.

LES TRAVAUX D’HOSNI KITOUNI, D’OLIVIER GLOAG ET DE JAMES MCDOUGALL EN SONT L’ILLUSTRATION : TROIS CHERCHEURS QUI, CHACUN À SA MANIÈRE, PENSENT L’ALGÉRIE DEPUIS DES UNIVERSITÉS AMÉRICAINES OU BRITANNIQUES, LIBÉRÉS DES RÉFLEXES NATIONAUX FRANÇAIS ET DE LA POLITISATION DU SAVOIR.

LEUR FORCE, AU-DELÀ DE LEUR STATUT DE CHERCHEURS DE CLASSE MONDIALE, RÉSIDE DANS LEUR CAPACITÉ À DÉPLACER LE CENTRE DU SAVOIR. ILS NE PARLENT PAS SUR L’ALGÉRIE, ILS PENSENT AVEC ELLE. LEUR APPROCHE CROISE L’EXIGENCE UNIVERSITAIRE AVEC UNE ÉCOUTE AUTHENTIQUE DES MÉMOIRES ET DES TERRITOIRES. ILS REFUSENT LES CODES D’UNE HISTOIRE HIÉRARCHISÉE, OÙ L’EUROPE EST MESURE DE TOUT. LEUR TRAVAIL RESTAURE LA LÉGITIMITÉ D’UNE HISTOIRE ALGÉRIENNE COMPLEXE, CONNECTÉE AU MONDE MAIS FIDÈLE À SES PROPRES RYTHMES.

EN RÉALITÉ, LEUR GRANDEUR NE TIENT PAS SEULEMENT À LEUR SAVOIR, MAIS À LEUR HUMILITÉ INTELLECTUELLE : CELLE D’ÉCOUTER, DE COMPRENDRE, ET DE RENDRE VISIBLES CEUX QUE L’HISTOIRE OFFICIELLE AVAIT TENUS DANS L’OMBRE.

DIFFUSER CES TRAVAUX, LES TRADUIRE, LES PARTAGER DANS NOS UNIVERSITÉS ET MÉDIAS, C’EST DÉJÀ UN ACTE DE DÉCOLONISATION.

EN SORTANT DU MONOPOLE DU REGARD FRANÇAIS, ON REDONNE À L’ALGÉRIE LE DROIT DE SE DIRE ELLE-MÊME — AVEC SES PROPRES MOTS, ET AVEC CEUX QUI L’ÉCOUTENT SANS LA JUGER.

Vient alors l’épreuve Camus. Gloag, dans Oublier Camus, montre une ligne de force rarement assumée : du soutien au projet Blum-Violette à la célèbre formule « entre la justice et ma mère… », Camus privilégie la pérennité d’une Algérie française, au mieux aménagée par de menues justice. Ce n’est pas l’humanisme contre l’injustice coloniale ; c’est l’humanisme pour contenir le nationalisme. Opinion franche : aimer l’œuvre n’oblige pas à sanctifier l’homme — et l’universalisme véritable commence là où l’on accepte d’examiner ses idoles.

La discussion revient au politique français : de Jules Ferry à Renan, l’inégalité des « races » a servi de colonne vertébrale à une République qui se disait égalitaire. Paradoxalement, c’est parfois la littérature (Maupassant dans Bel-Ami, par exemple) qui a mieux exposé manipulations, intérêts et hypocrisies que la scène politique elle-même. C’est une ironie structurante de notre modernité : la fiction dit le réel que le discours officiel travestit.

Enfin, le débat se referme par l’intime. Kitouni insiste : la « grande » histoire n’existe qu’à travers les « petites » histoires — gestes du quotidien, résistances ténues, regards d’enfants. Son livre est une chambre d’échos où la subjectivité n’est pas l’ennemie de la vérité mais sa matière : ce qui donne chair aux concepts, ce qui arrime les dates à des vies. McDougall rejoint ce point par sa méthode : écrire l’Algérie en partant de la société, non des seuls partis, pour montrer comment, sous la colonisation, la société devient actrice et fabrique l’identité politique qui portera l’indépendance. À mon sens, c’est là le cœur d’une histoire « décolonisée » : une histoire qui restitue l’initiative aux acteurs sociaux et lève les filtres qui les réduisaient au silence.

Faut-il « décoloniser » notre histoire ? À écouter ces trois voix, la réponse n’est ni posture ni anathème : c’est un programme de travail. Ouvrir les archives et les horizons (anglo-saxons autant que locaux), reprendre la main sur les catégories, relire la littérature pour ce qu’elle révèle et non ce qu’elle cache, reconnecter la grande fresque aux vies minuscules. Bref, sortir de la ventriloquie coloniale pour retrouver notre propre timbre. Le reste — mémoire partagée, universel vivant — suivra. Et si l’Algérie profonde n’était pas une énigme, mais une pluralité de voix qu’il fallait simplement laisser parler ?

— Hope&ChaDia

l’emission complete jointe.

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