Dans sa dernière émission, “Why Israel is ‘DISINTEGRATING’: Ilan Pappé on the End of Zionism”, diffusée sur la chaîne Zeteo, l’historien israélo-britannique Ilan Pappé a livré une conversation d’une rare densité avec Mehdi Hasan, face à une audience de membres abonnés sur Zoom. L’entretien, vif et méticuleux, éclaire ce moment historique où, selon Pappé, l’idéologie sioniste atteint sa phase terminale.
Cette discussion accompagne la sortie de son nouveau livre, Israel on the Brink: Eight Revolutions That Could Lead to Decolonization and Coexistence, dans lequel il expose les huit mutations profondes — sociales, idéologiques, géopolitiques — qui pourraient transformer la région. C’est un texte qui, qu’on l’aime ou non, force à regarder la réalité en face : Israël n’est plus ce qu’il était, et le sionisme, en vieillissant, révèle son essence génocidaire et coloniale.
Dans l’émission, Pappé revient d’abord sur la désintégration interne d’Israël. Il parle d’un pays devenu une “State of Judea”, animé par un messianisme dur, un racisme décomplexé, une théocratie assumée et un appareil politique qui ne partage plus aucune vision commune de l’avenir. Pour lui, cette fragmentation interne compte autant — sinon plus — que la pression internationale. C’est sans doute l’un des points les plus puissants : Israël n’est pas seulement contesté de l’extérieur, il se fissure de l’intérieur.
Sur le plan idéologique, Pappé démonte la fiction d’un sionisme “progressiste”. Il parle de “diet Zionism”, cette tentative de présenter une colonisation “adoucissante” ou “humaniste”. Sa phrase est brutale : « On ne peut pas être colonisateur progressiste, ni socialiste génocidaire. » Et elle enterre, en une ligne, des décennies de rhétorique occidentale cherchant à maquiller l’essence du projet.
L’historien démonte aussi l’argument de “l’indigénéité juive” comme justification politique. « Si les Juifs sont indigènes à la Palestine, alors tous les chrétiens et tous les musulmans du monde le sont aussi », dit-il. Le lien spirituel — réel, ancien, respectable — ne crée pas un droit à la dépossession. Il est rare d’entendre une clarté aussi frontale.
Face à Mehdi Hasan, Pappé aborde ensuite le terrain politique concret : la possibilité d’une décolonisation non violente. Il admet que ce serait un miracle — l’histoire montre que les décolonisations pacifiques sont rares. Mais il insiste sur la clé : pression internationale réelle, sanctions, fin de l’immunité occidentale, notamment américaine et européenne. Sans cela, dit-il, Israël continuera sa trajectoire, oscillant entre “génocide dramatique” et “génocide incrémental”.
Un passage marquant concerne le leadership palestinien. Mehdi Hasan lui demande si Marwan Barghouti — probablement le seul leader capable de rassembler — pourrait être libéré. Pappé répond non. Ni Israël, ni même certains cercles de l’Autorité palestinienne ne veulent voir émerger un homme que tous les sondages placent en tête. Un aveu amer, qui en dit long sur la peur qu’inspire une vraie alternative démocratique.
L’autre pivot de la conversation : le futur post-sioniste. Pappé défend un État unique démocratique, avec droit au retour, justice transitionnelle et restitution. Une vision que beaucoup jugent utopiste — mais que lui voit comme la seule issue réelle. Les jeunes Palestiniens qu’il rencontre, dit-il, imaginent un futur qui ne ressemble ni au Hamas ni au Fatah, mais à une politique nouvelle, hybride, moderne, connectée.
Enfin, il insiste sur la nécessité de préparer intellectuellement et institutionnellement l’après-sionisme. Son projet de Nakba Memorial Foundation, basé à Londres, vise à préserver les archives israéliennes (que l’État tente de reclassifier ou détruire), à établir le lien entre la Nakba de 1948 et les massacres actuels, et à rappeler la responsabilité occidentale. Une manière de dire : la fin du sionisme ne sera pas un automatisme historique, il faut la structurer, la documenter, l’accompagner.
Ce nouvel ouvrage, Israel on the Brink, s’inscrit donc dans un moment où l’histoire vacille. Pappé y voit une chance d’éviter la barbarie d’une fin violente. À condition que le monde arrête de détourner le regard. À condition que les sociétés civiles prennent le relais des gouvernements paralysés. À condition que les Palestiniens puissent enfin redevenir les auteurs de leur propre avenir.
Ce livre n’est pas un manifeste idéologique : c’est un acte de lucidité historique. Pappé ne prophétise pas l’effondrement d’Israël ; il en décrit les mécanismes déjà visibles, presque mécaniques. Et il dit clairement : il est temps de préparer l’après — parce que l’après, qu’on le veuille ou non, arrive.
Hope&ChaDia
1 comment
Il aurait été désespérant et suicidaire pour l’humanité qu’un apartheid colonial et génocidaire, excusez le double pléonasme, puisse se pérenniser après avoir imposé par le crime et la tromperie son prétendu et quasi sacro-saint droit à l’existence !!
Si cela peut consoler ou/et achever les élus de leur dieu psychopathe, qu’ils sachent que l’état $ioniste ne sera pas le premier, loin s’en faut, a allonger l’interminable liste des états disparus et, dans ce siècle apocalyptique au sens strictement étymologique du terme, il m’étonnerait fortement que cette malfaisante entité soit la dernière a disparaitre. . .