C’est la première fois qu’un ouvrage est consacré à Amar Ezzahi, l’icône de la chanson chaâbi. Son parcours, son œuvre, sa personnalité : tout est dévoilé dans ce livre écrit par Abdelkader Bendamèche et publié aux éditions Enag.
De son vrai nom Amar Aït Zaï, le célèbre chanteur a vu le jour le 1er janvier 1941 à Ighil Bouames, commune Iboudrarène (Beni-Yenni). Il avait un seul frère, son aîné de 7 ans, tombé au champ d’honneur en 1957, à l’âge de 23 ans.
Les parents de Amar se sont séparés alors que Amar était encore jeune. En 1950, le petit garçon suit sa mère Ouardia Issaad à Alger (quartier rampe Vallée actuelle rampe Louni-Arezki) où vivent son grand-père et ses oncles maternels.
Amar n’est pas porté sur les études et préfère rejoindre le monde professionnel. Il trouve un travail comme assistant chez un médecin vétérinaire français.
Très jeune, le futur artiste est attiré par la musique chaâbi. À 11 ans, il fréquente un copain : Boualem Bellemou qui possède une guitare. Amar lorgne avec envie l’instrument. «Le jeune Boualem s’est rendu compte de l’attachement qu’éprouvait son ami, en tenant dans ses mains cet instrument. Il le lui prêtait très souvent, jusqu’au jour où il décide de le lui offrir… Il apprend à jouer de la guitare très rapidement en réussissant à former quelques airs, comme celui de la ritournelle introductive de la célèbre chanson Ana El Kaoui, un grand succès interprété par Cheikh El Hadj Boudjemaâ El Ankis.»
Le jeune Amar prend des cours de solfège, pendant 3 mois, chez une dame à la rue Charras (Hamani). Il veut parfaire ses connaissances dans le domaine musical afin de composer des chansons chaâbi comme ses idoles qu’il admire tant. «Cheikh El Hadj Boudjemaâ El Ankis va devenir son premier modèle et son principal guide spirituel… Il découvre, également, Cheikh El Hadj M’hamed El Anka.»
Le décès de sa mère en 1960 va complètement l’anéantir et le déstabiliser. Il a alors 19 ans. «D’une nature extrêmement sensible, Amar versait une larme à chacune des pensées qu’il avait pour elle. Elle sera présente malgré tout ce qui pourrait arriver, dans toutes ses prières et à tous moments… Il vivra, en effet, une partie de son enfance dans l’absence d’affection, de vide parental et de famille qui ne sera jamais comblé.»
Pendant plusieurs mois, Amar économise sur son salaire d’assistant-vétérinaire pour s’offrir son premier mandole, dans une boutique située à Bab-Azzoun. «Cet instrument fait corps avec lui, debout ou assis, il le maîtrise très bien en produisant, par finesse de ses doigts, des sonorités toutes aussi attrayantes les unes que les autres.»
L’été 1963 marque sa première participation à l’animation d’une fête de mariage dans son quartier de la rampe Vallée. «Le marié n’est autre que le célèbre gardien de but de l’Étoile sportive d’Alger (ESA), Mahieddine-Larabi dit M’quièche pour les amis et proches.»
Amar Nait Zai a connu plusieurs noms de scène : «Amar El Ankis», «Amar rampe Vallée» puis finalement Amar Ezzahi (le joyeux) en 1968 sur proposition de Kamel Hamadi. Ce dernier en a soufflé l’idée à son producteur Mahboub Safar Bati qui la valida immédiatement.
Deux premiers disques sont sortis cette année-là chez ce producteur qui avait son studio d’enregistrement à la rue Zabana (ex-Hoche). «L’impact de ses produits en disques 45 tours dépasse toutes les prévisions sur le marché, battant ainsi tous les records de vente et rivalisant, par là même, avec les grosses pointures établies dans d’autres genres musicaux.»
Le chapitre 3 de cet ouvrage s’intitule «L’éclipse ordonné ou l’instinct ascète». L’auteur y détaille le changement qui s’est opéré dans la vie du chanteur qui s’éloigne peu à peu du tumulte de la vie sociale et de la scène musicale. «Vivant très modestement au sein du quartier populaire de Sidi-Abderrahmane-Thaâlebi à la rampe Louni-Arezki (ex-rampe Vallée), Cheikh Amar Ezzahi décline toutes les invitations qui se présentent à lui, fussent-elles des grandes institutions organisatrices de spectacle publiques ou privées ou encore des hautes autorités de l’État. Il rejette toutes les propositions de spectacles qui pouvaient lui apporter des sommes colossales. Il décide de supprimer ainsi le faste de sa vie et tous les biens matériels consommables ici-bas. Simple il a choisi d’être et simple il le demeurera tout au long de son existence.»
L’auteur rapporte que le chanteur refusait automatiquement toute rétribution du ministère de la Culture. «La dernière tentative pour lui remettre le chèque a été menée par Cheikh El Hadj El Hachemi Guerouabi (1938-2006) qui s’est déplacé chez lui. Là aussi, il refuse de prendre possession de ce document. Il explique à son visiteur de marque, qu’il n’a pas fourni d’effort pour accepter et recevoir cette somme d’argent. ‘‘Il fallait la donner à d’autres artistes qui en avaient le plus besoin’’, lui disait-il calmement et avec une grande conviction.»
Dans la dernière partie du livre de Abdelkader Bendameche, vous découvrirez les témoignages d’artistes qui l’ont bien connu à l’instar de Cheikh Namous, El Hadj Saïd Badji, Mahmoud Bachetobji, Yacine Ouabed, Cheikh El Hadj Abderahmane Koubi, Kamel Hamadi, Abdelkader Chaou… Une galerie de photos inédites est également offerte aux lecteurs.
Ce livre, hommage à Amar Ezzahi, est écrit dans deux langues : français et arabe.
Soraya Naili
Cheikh Amar Ezzahi ou l’éclat juvénile de la chanson chaâbi. De Abdelkader Bendamèche. Éditions Enag. 2022. 2500 da.
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