DJ.SNAKE vs B.HABBA ou L’ARTISTE vs LE SCIENTIFIQUE …. et LA LOI D’AIRAIN

La légende raconte que le grand peintre Pablo Picasso payait ses repas aux restaurants qu’il fréquentait en dessinant des croquis sur les nappes. On raconte aussi qu’une fois un restaurateur lui avait demandé de signer ce qu’il avait dessiné sur la nappe, ce à quoi l’artiste répondit sèchement qu’il était venu pour manger et non pour acheter le restaurant.

Cette anecdote illustre la richesse que peut procurer l’art et la grande influence immédiate que peut exercer un grand artiste sur l’émotion du grand public, une puissance que l’homme de science n’exerce que sur la raison d’une niche*, d’un public très reduit, puisque les arts, le sport et les passions sont de nature plébéienne alors que la science et la raison sont au contraire de nature élitiste et aristocratique.

Alors, que l’on ne s’étonne pas de voir la presse populaire s’intéresser trop aux artistes et aux sportifs et ne s’intéresser que trop peu aux scientifiques. Car ce qu’on appelle la presse n’est en réalité qu’un ensemble de sociétés commerciales qui n’ ont pour raison d’être que la réalisation des bénéfices, or les bénéfices ne se font qu’avec les grands tirages, et dans les temps modernes, les tirages ne sont alimentés quasiment que par l’art-spectacle et le sport de masse. Et que l’on ne s’étonne pas non plus du fait que les élus du monde artistique et sportif qui atteignent les sommets gagnent par conséquence beaucoup plus d’argent que ne gagnent les scientifiques, car dans le monde de la scalabilté le gain de chacun est toujours proportionnel au bénéfice qu’il rapporte aux personnes qui sont derrière lui.

La venue de l’artiste algero-français Snake pour assister à la clôture des JM d’Oran a provoqué une polémique stérile qui se renouvelle de façon récurrente chaque fois qu’un événement se produit et que la presse algérienne tend massivement les micros aux artistes et aux sportifs qui drainent les foules et moins aux autres. Et alors, de manière presque instinctive, on compare l’artiste et le sportif algérien à l’homme de science que l’on considère déclassé et lésé et qui mériterait mieux richesse et reconnaissance de la part de ses compatriotes.

Mais au-delà de ces considérations, qui de Belgacem Habba ou DJ Snake (les personnes et non l’artiste et le scientifique) mérite le mieux égard et reconnaissance de la part des algériens? qu’est-ce qui unit ces deux personnages et qu’est-ce qui les sépare? qu’est-ce qui peut motiver l’engouement des algériens pour eux ? qui des deux rapporte à l’Algérie une valeur ajoutée ?

Habba est né en Algérie, y a vécu longtemps, et y a été formé. Sur la base d’un engagement contractuel et moral, il a bénéficié d’une bourse algérienne pour subir une formation dans les universités américaines. Et, après une tres courte période de travail en Algérie, il a choisi de s’installer définitivement aux USA et a fait le choix de prendre, lui est ses enfants, la nationalité d’un pays qui n’admet pas un patriotisme concurrent. Quant à DJ Snake, il est né en France, fils de père français et de mère algérienne, il n’a pas choisi l’exil définitif, il l’a subi, et malgré cela, à chaque occasion il exhibe fièrement son algerianité au risque de s’exposer aux foudres étrangères. Beaucoup de jeunes dans son cas ont coupé les ponts définitivement avec la mère patrie, alors que lui, c’est quand il a mûri en âge et artistiquement qu’il a montré toute sa passion pour l’Algérie.

Riche de sa renommée, B. Habba revient en Algérie de manière cyclique pour exploiter cette renommer et vendre le produit Habba. Il sillonne le pays, raconte narcissiquement sa vie américaine, énumère les inventions qu’il aurait apporté aux américains, reçoit les honneurs, et quand les vacances se terminent, il rentre chez lui retrouver sa famille americanisée. Quant à DJ Snake, riche de quelques millions de fans à travers le monde, il ne vient pas vendre le produit DJ Snake, il n’a pas besoin pour cela de s’afficher ni de sillonner le territoire, mais il vend actuellement mieux que personne le produit Algérie à l’étranger sans rien attendre en contrepartie.

Enfin, et c’est à mon sens ce qu’il y’a de plus dangereux,…

Habba ne se contente pas uniquement de vendre le produit Habba, il vend en même temps à notre élite scientifique prédisposée à l’exil le rêve américain parfois et des miroirs aux alouettes souvent, participant ainsi au siphonage des meilleurs du produit de l’université algérienne et ce au détriment de son pays de corps et au bénéfice de son pays du coeur.

Rejetant mon argumentaire, un ami ma répondu que tant mieux si Habba s’est exilé puisqu’il n’a pas été reconnu dans son pays, et s’il n’a pas pu faire bénéficier son pays de son génie qu’il fasse alors bénéficier l’humanité. Il a échappé à cet ami que je respecte beaucoup qu’il est fort probable que nous payons très cher en devise forte ce que les Hebba du monde occidental offrent non à l’humanité mais aux stratups et aux entreprises étrangères qui les emploient, contribuant ainsi à leur enrichissement et, par ricochet, à notre appauvrissement.

En ces temps difficiles où le patriotisme économique et intellectuel sont devenus des nécessités absolues, et dans le cadre du donnant-donnant, faire honneur à DJ Snake se conçoit mieux que de faire honneur à Belgacem Habba. Et s’il faut honorer les scientifiques, et il le faut absolument, il vaut mieux honorer ceux de notres qui, malgré leurs capacités, ont résisté à la tentation de l’exil et ont préféré continuer à donner, à servir et à maintenir debout l’université algérienne qui malgré toutes ses difficultés continue à produire de la qualité, Habba lui-même en est la preuve.

PS: je doit à ma cadette Ikram de m’avoir appris la différence entre un public qui est généralement large et diversifié et une niche qui est un public restreint et homogène. J’en ai conclu: À Snake son public et à Habba sa niche.