En un temps révolu, Souk Ahras, pareille à une muse d’antan, captiva l’âme créative de Jules Verne, éminent parmi les immortels Flaubert, De Maupassant, et Daudet de la glorieuse littérature française. Tel un pèlerin littéraire, le grand écrivain quitta les rives de son Paris natal pour s’enivrer des délices de cette contrée envoûtante, où il tissa les fils de son illustre ouvrage, les Mirifiques aventures de Maitre Antifer.
C’est ainsi, dans les coulisses de ce lieu enchanteur, que les destins de Jules Verne et de son fervent admirateur, Jules Ferry, s’entrelacèrent pour la première fois. Le rendez-vous du destin eut lieu au sein de l’établissement de l’Hôtel d’Orient, sous l’égide des étoiles, un jour de gloire dont l’histoire précise l’empreinte au 10 ou 11 avril de l’an 1892.
Qu’il me soit permis, ô lecteurs avares de curiosité, de vous offrir la plume du célèbre écrivain lui-même, décrivant avec art et émotion les charmes ineffables de Souk Ahras et de sa place Thagaste. Dans les lignes 467 à 470 de son oeuvre « les Mirifiques aventures de Maitre Antifer. » , s’épanouit la véritable essence de ce lieu béni, où les mots s’entrelacent telles les racines d’un vénérable chêne, pour offrir à l’esprit voyageur l’émerveillement d’une aventure littéraire sans pareille.
Récit de Jules Verne :
Le pays était magnifique, surtout aux environs de Moughtars. Toutefois, personne n’en put rien voir par cette nuit très obscure, embrouillée de longues brumes. Il y avait lieu, d’ailleurs, d’être irrésistiblement subjugué par le besoin de sommeil, après quarante-trois heures d’un voyage si cahoté.Le jour commençait à poindre, lorsque maître Antifer et ses compagnons arrivèrent à Soukharas, au bout d’un interminable lacet, jeté sur le flanc de la colline, qui relie la bourgade au thalweg de la vallée.Un confortable hôtel – l’Hôtel Thagaste – tout près de la place de ce nom, offrit bon accueil aux voyageurs éreintés. Cette fois, les trois heures qu’ils y passèrent ne leur parurent pas trop longues, et certainement, elles leur auraient paru trop courtes s’ils avaient voulu visiter cette pittoresque Soukharas. Inutile d’ajouter que maître Antifer et le banquier Zambuco pestèrent contre le temps perdu à ce relais. Mais la voiture ne pouvait pas en repartir avant six heures du matin.« Calme-toi, répétait Gildas Trégomain à son irritable compatriote. Nous serons à Bône à temps pour prendre le train demain matin…–Et pourquoi, avec un peu plus de hâte, n’aurions-nous pas pris celui de ce soir ? riposta maître Antifer.– Il n’y en a pas, mon oncle, observa Juhel Qu’est-ce que cela fait !… Est-ce une raison pour rester en panne dans ce trou ?…– Tiens, mon ami, dit le gabarier, voici un caillou que j’ai ramassé à ton intention… Le tien doit être usé depuis que tu le mâchonnes ! »Et Gildas Trégomain remit à maître Antifer un joli gravier de la Medjerda, gros comme un pois vert, et qui ne tarda pas à grincer entre les dents du Malouin.Le gabarier lui proposa alors de les accompagner, seulement jusqu’à la grande place. Il refusa net, et, tirant de sa valise l’atlas, il l’ouvrit à la carte d’Afrique, et se plongea dans les eaux du golfe de Guinée, au risque d’y noyer sa raison.Gildas Trégomain et Juhel allèrent faire les cent pas sur la place Thagaste – vaste quadrilatère, planté de quelques arbres, bordé d’habitations d’aspect très oriental, de cafés déjà ouverts malgré l’heure matinale, et où affluaient les indigènes. Sous les premiers rayons du soleil…..
source :fb MELKAM