Pour concrétiser les projets agricoles sahariens visant à produire des produits stratégiques, M. Ferhat Ait Ali explique qu’il est nécessaire de consacrer quatre millions d’hectares aux cultures industrielles. Ces terres seraient réparties comme suit : 1,5 million d’hectares pour les céréales, deux millions pour le colza, le tournesol et la betterave sucrière, et 0,5 million pour les fourrages. Cela nécessiterait l’installation de 80 000 pivots, 20 000 puits et 2 000 km de canalisations de 160 mm de diamètre.
Il ajoute que l’exploitation de ces terres sahariennes implique de pomper l’équivalent de 40 milliards de m³ d’eau annuellement, une quantité théoriquement soutenable par la nappe albienne mais qui représente tout de même trois fois la consommation annuelle totale du pays et trente fois les capacités projetées de dessalement. Les forages descendraient en moyenne à 400 mètres de profondeur, nécessitant 8 000 km de tubes de forage de 220 mm.
Selon lui, sur la base d’un coût moyen de 15 000 dollars par hectare, incluant équipements de forage et pivots, le budget total s’élèverait à 60 milliards de dollars. Quant à la main-d’œuvre, avec une moyenne minimale de deux personnes par pivot de 50 hectares, il faudrait affecter 160 000 personnes à ces cultures, créant ainsi des emplois, mais qui restent à trouver même avec des salaires triplés.
M. Ait Ali précise que depuis la mise en place du dispositif de soutien en 2008, 400 000 hectares ont été mis en valeur chaque année, dont 260 000 pour les céréales. Il semble donc hypothétique de réaliser 400 000 hectares par an à l’avenir, avec 6 milliards de dollars d’investissements annuels, pour atteindre l’autosuffisance dans dix ans. À cette date, les premiers investissements devront être remplacés en raison de la salinité des nappes et de l’érosion due au sable.
L’ex-ministre indique avoir volontairement omis les équipements de production d’électricité, le réseau électrique et les charges de production dans ce calcul, mais ceux-ci devront suivre toutes les étapes d’extension des cultures. Les atouts naturels sont présents, mais le reste est à trouver selon un calendrier réaliste qui tient compte des ambitions affichées, mais aussi et surtout des réalités.
Il serait judicieux, selon lui, de consulter les spécialistes en pédologie, hydrologie et phytologie en milieu saharien que comptent nos universités, plutôt que des bureaucrates dont les prévisions théoriques sont rarement vérifiables sur le terrain. Pour exploiter rationnellement et progressivement les possibilités du Sud, dans les limites de la nature, de nos moyens et en optimisant le rapport entre rendement et investissement consenti.
M. Ait Ali souligne que la présence de ressources naturelles brutes n’a jamais été une source de richesse soudaine. Le Congo et le Soudan en sont des exemples, eux qui n’ont pas dépassé la Chine malgré leurs richesses naturelles. Les quarante dernières années illustrent bien la distorsion entre les horloges bureaucratiques et le temps scientifique universel, une distorsion qui ferait rougir Einstein de jalousie.
Pour des projets viables et fiables, il est crucial, selon M. Ait Ali, d’aligner les réalités avant les besoins et les rêves, même légitimes. Bien qu’il aurait aimé promettre un paradis clé en main pour l’année prochaine, il est conscient des réalités. Formé pour réfléchir et analyser, il préfère s’en tenir aux faits plutôt que de vendre des illusions.
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