L’histoire est souvent perçue comme un maître cruel, répétant inlassablement ses leçons dans l’espoir que nous en tirions quelque chose. Les récents événements au Moyen-Orient, notamment en Palestine et au Liban, évoquent une étrange résonance avec la période coloniale en Algérie, particulièrement en 1958. De l’intensité des combats à la nature même de l’oppression coloniale, un parallèle frappant émerge, confirmant que l’histoire, bien qu’unique dans ses détails, est souvent cyclique dans ses dynamiques.
Le cessez-le-feu : un soulagement fragile mais porteur d’espoir
Le récent cessez-le-feu entre Israël et le Hamas, bien que fragile, offre une lueur d’espoir dans une région marquée par 467 jours de violences ininterrompues. Cet accord prévoit la libération de 33 otages israéliens contre 1000 prisonniers palestiniens, ainsi qu’une suspension des bombardements sur Gaza. Pourtant, les conditions humanitaires déplorables à Gaza rappellent les sacrifices immenses endurés par les populations sous occupation coloniale. L’image de deux millions de personnes déplacées, de 70 % des infrastructures détruites, et d’une crise humanitaire écrasante résonne avec les années d’oppression et de privations imposées aux Algériens par le régime colonial français.
L’Algérie en 1958 : un pic de force marquant le début de l’effondrement colonial
En 1958, l’Algérie était plongée dans une lutte intense pour l’indépendance contre le pouvoir colonial français, une lutte marquée par des sacrifices immenses et une résilience sans faille. Plus de 1,5 million d’Algériens ont péri pendant la guerre, une perte humaine qui souligne l’ampleur de la violence subie par une population déterminée à récupérer sa souveraineté. La politique de “pacification” française, à travers des opérations militaires de grande envergure, des centres de regroupement et des déplacements massifs, résonne avec les méthodes employées par Israël pour déplacer les Palestiniens et détruire leurs infrastructures. Environ 2 millions d’Algériens, soit près du quart de la population à l’époque, ont été regroupés dans des camps, un chiffre rappelant les conditions actuelles à Gaza, où des millions de Palestiniens vivent dans des abris de fortune.
Le massacre de Sakiet Sidi Youssef en Tunisie, perpétré par les forces aériennes françaises en 1958, a été un tournant majeur. Plus de 70 civils ont été tués, y compris des femmes et des enfants, sous prétexte de frapper des bases du FLN. Cet événement, qui a suscité une condamnation internationale, évoque les attaques régulières contre des zones civiles à Gaza, où des bébés et des enfants figurent parmi les milliers de victimes. De même, les stratégies françaises de diviser pour mieux régner en manipulant les divisions internes de la société algérienne rappellent les tactiques israéliennes visant à fragmenter les Palestiniens politiquement et territorialement.
Sur le plan international, le soutien de l’OTAN à la France dans sa guerre en Algérie reflète le rôle des puissances occidentales dans le soutien inconditionnel à Israël. Les efforts français pour présenter la guerre d’Algérie comme une affaire “intérieure” étaient similaires aux efforts israéliens visant à dépolitiser la question palestinienne, en la réduisant à des questions de sécurité et de “terrorisme”.
Malgré cette domination apparente, l’Algérie a continué à résister. En 1960, les grandes manifestations populaires, telles que celles du 11 décembre, ont démontré une mobilisation de masse qui a été cruciale pour contrer le récit français et obtenir un soutien international. Cette résilience trouve un écho dans les marches du retour organisées par les Palestiniens à Gaza, malgré la répression sanglante qu’elles ont suscitée. Enfin, le rôle de figures comme Ben Bella et Krim Belkacem dans la diplomatie clandestine résonne avec les efforts des dirigeants palestiniens pour mobiliser le soutien mondial contre l’occupation israélienne.
Le présage d’Ilan Pappe : le dernier souffle du sionisme
L’historien israélien Ilan Pappe prédit que le projet sioniste entre dans sa phase finale, marquée par une intensification des violences et une tentative d’éradication systématique de la présence palestinienne. Selon lui, comme d’autres mouvements coloniaux, cette phase brutale et ambitieuse signale l’éventualité d’un effondrement. L’obsession actuelle d’Israël à étendre son hégémonie régionale à travers des campagnes militaires massives, évoque étrangement la logique du colonialisme français en Algérie, qui cherchait à renforcer sa domination par des moyens similaires.
En 1958, la France, au sommet de sa puissance coloniale en Algérie, avait mobilisé tous les moyens pour écraser la révolution. Pourtant, ces mêmes actions avaient alimenté l’indignation internationale et galvanisé la résistance algérienne. De même, les stratégies militaires israéliennes actuelles, bien qu’élaborées, suscitent un rejet croissant au niveau mondial, notamment parmi les jeunes juifs américains et les mouvements de solidarité globaux. Cette érosion du soutien international présage un tournant similaire.
Assassinat de dirigeants : un moment de force ou de fragilité ?
L’assassinat de dirigeants de la résistance, comme Hassan Nasrallah et Yahya Sinwar, suivi de l’intensification des attaques israéliennes, évoque également un épisode clé de l’histoire algérienne. Yahya Sinwar, tombé sur le champ de bataille, rappelle la fin tragique d’Ali La Pointe, combattant emblématique de la bataille d’Alger, qui incarne la résistance armée et le sacrifice ultime. En revanche, la disparition de Hassan Nasrallah, théoricien et stratège, établit un parallèle poignant avec Larbi Ben M’hidi, figure intellectuelle et visionnaire du FLN, capturé et exécuté par les forces coloniales. Ces deux types de leadership – les combattants sur le terrain et les penseurs de la lutte – illustrent la profondeur et la complexité des mouvements de libération, qu’ils soient en Algérie ou en Palestine.
La mort de ces leaders pourrait apparaître comme une victoire pour Israël, mais elle reflète aussi une crainte existentielle : un système qui tue ses opposants sans relâche ne prévoit pas de futur durable. Ilan Pappe souligne que les crises internes israéliennes, accentuées par les divisions sociétales et la perte de contrôle sur le narratif global, indiquent que la trajectoire actuelle n’est pas viable.
Une histoire qui se répète
À travers ces événements, le parallèle entre le conflit israélo-palestinien et la guerre d’Algérie devient évident. Les deux contextes mettent en lumière la nature cyclique des luttes de libération contre l’oppression coloniale. Comme en 1958, lorsque le « pic » de la domination française a précédé un effondrement, l’état actuel d’Israël semble marquer une transition vers une nouvelle époque.
Cependant, tout comme en Algérie, la réalisation de cette transition dépendra de la résilience et de la détermination des peuples concernés. Les sacrifices des Palestiniens et leur refus de l’éradication rappellent l’esprit indomptable des Algériens. Cette résilience, combinée à une solidarité internationale élargie, pourrait, à terme, ouvrir la voie à un avenir où la justice triomphera des forces de l’oppression.
Hope&Chadia