Quelqu’un m’a dit qu’en Algérie on ne dit pas « bon appétit à celui qui a faim et n’a rien à se mettre sous le dent… on dit Bon Apathie… peut-être pour lui ôter toute envie de manger et lui rappeler le seul souvenir susceptible de le démanger … One, two, three voici toute l’histoire de l’Algérie racontée brièvement par Jean-Michel Apathie. VIDEO DE JEAN-MICHEL APATHIE De deux choses l’une :Est-ce qu’il dit vrai ou est-ce qu’il refait l’histoire ? S’il dit vrai, c’est toute l’histoire qu’il faut réécrire. S’il ne dit pas vrai, la vérité ne veut plus rien dire !
La déclaration de Jean-Michel Apathie :
La conquête, l’exploitation, la guerre : ce sont trois bonnes raisons de présenter des excuses aux Algériens aujourd’hui, car ce que la France a fait en Algérie pendant 130 ans est franchement scandaleux. Quelqu’un m’a dit qu’en Algérie, on ne dit pas “bon appétit” à celui qui a faim et n’a rien à se mettre sous la dent. Non, on dit “bon appétit”, peut-être pour lui ôter toute envie de manger et lui rappeler le seul souvenir susceptible de le démanger. Voici toute l’histoire de l’Algérie racontée brièvement.
La conquête, l’exploitation, puis la guerre. La conquête débute le 5 juillet 1830, lorsque les troupes françaises entrent à Alger. Pourquoi ? Personne ne le sait vraiment, car il n’y a pas de bonne raison. On a parlé de bateaux pirates, mais c’est faux : la marine anglaise avait déjà détruit les bateaux pirates algériens en 1827, et en 1830, il n’en restait que trois à Alger. Ainsi, si Charles X décide de la conquête d’Alger, c’est pour des raisons de politique intérieure : son pouvoir est contesté, les libéraux progressent, il veut réaliser une opération de prestige. Alger est conquise le 5 juillet, mais le 30 juillet, Charles X est renversé, et c’est Louis-Philippe qui lui succède. À Paris, personne ne sait alors quoi faire de l’Algérie, et dès lors, les militaires prennent en main la situation. C’est là que tout le drame algérien se noue : les militaires, un peu autonomes, vaguement guidés par Paris, sans aucun projet clair, vont après Alger conquérir l’Oranie et le Constantinois. C’est la France qui crée l’Algérie, un pays qui n’existait pas avant. Mais lorsque les militaires se livrent à la conquête algérienne, ils le font avec une brutalité qui épouvante même l’Europe. En 1845, une campagne de presse éclate : des journaux anglais, allemands et français dénoncent la manière dont l’armée française se comporte vis-à-vis des musulmans, la qualifiant d’inacceptable.
Le maréchal Thomas Bugeaud, figure emblématique de cette barbarie – il faut bien l’appeler ainsi – est encore honoré aujourd’hui à Paris. Et je ne comprends pas pourquoi la municipalité parisienne, qui se dit humaniste et tout ce qu’on veut, ne supprime pas cette place Bugeaud, car Bugeaud est un assassin. Voilà pour la conquête, qui dure 27 ans. Alexis de Tocqueville, dans un rapport sur l’Algérie où il dit beaucoup de bêtises, fait toutefois cette remarque très juste : “Nous avons rendu la société musulmane plus barbare qu’elle ne l’était avant de nous connaître.” Il y a eu des lanceurs d’alerte en Algérie.
Une fois la conquête terminée, l’exploitation commence. La Troisième République vote des lois agraires qui exproprient pour des bouchées de pain les musulmans occupant ces terres depuis des siècles. Les musulmans sont chassés, ils connaissent des années de famine sur leurs propres territoires. Pourquoi ? Personne ne peut l’expliquer, mais des familles coloniales, d’origine européenne – française, mais aussi beaucoup d’Espagnols et d’Italiens – s’installent en Algérie. L’Algérie française est en réalité composée d’étrangers, ce qui est assez cocasse. Ces familles créent une situation politique figée. Déjà, Paris s’intéressait peu à l’Algérie, et c’est encore plus vrai par la suite. Les pieds-noirs prennent tout en main : on vole les terres aux habitants. Pourquoi ? Personne ne peut l’expliquer. On les vole, elles nous appartiennent désormais, dégagez ! Vous êtes là depuis des siècles ? On s’en moque. Ces familles pieds-noirs vont organiser la déscolarisation de tous les jeunes Algériens pendant près d’un siècle. On va plonger un peuple dans l’ignorance. Nous, Français, avons martyrisé un peuple pendant un siècle. C’est terrible.
Puis vient la guerre. Je me souviens, quand j’étais jeune, d’avoir appris que la dictature argentine jetait ses opposants depuis des avions dans l’océan, et je trouvais cela inouï, cette barbarie. Et bien, on a appris plus tard que l’armée française avait procédé de la même manière. Je voudrais vous montrer une photo : cette image est le symbole de l’armée américaine bombardant au napalm les villages vietnamiens. L’armée française a fait cela en Algérie, et je ne sors pas cette information de mon chapeau.
P.S : Il existe de très rares témoignages d’aviateurs français, comme celui de Germain Chambost, qui témoigne au début des années 1990. Il était aviateur français pendant la guerre d’Algérie. Il raconte : “Je me souviens d’une fois où j’ai largué ce qu’on appelait pudiquement des ‘bidons spéciaux’. Il était interdit de prononcer à la radio en vol le mot ‘napalm’, car le napalm était interdit. On appelait ça pudiquement des ‘bidons spéciaux’. J’ai largué des ‘bidons spéciaux’, et après avoir largué le bidon dans la vallée qu’on m’avait demandé de bombarder, un avion marqueur avait lancé un fumigène. On m’a dit de larguer mon bidon sur le fumigène. J’ai largué mon bidon sur le fumigène, et en repartant, j’ai vu quelqu’un qui courait, le dos en feu. J’avais brûlé un homme.” Oui, c’est vrai. On y repensait après : nous avions brûlé des gens.
Deux options se présentent : ou bien il dit la vérité, et dans ce cas, c’est toute l’histoire qu’il faut réécrire. Ou bien il ne dit pas la vérité, et dans ce cas, la vérité ne veut plus rien dire.