Le débat sur la reconnaissance de l’assassinat de Larbi Ben M’hidi en 1957 par l’État français refait surface, notamment avec les récentes déclarations sur un éventuel « geste mémoriel » d’Emmanuel Macron. La question divise, certains y voyant une avancée vers la réconciliation, tandis que d’autres dénoncent une manipulation politique.
Restitution des archives : un pas vers la réconciliation
Dans le cadre des efforts pour apurer le contentieux mémoriel entre la France et l’Algérie, l’État français a récemment restitué à l’Algérie plus de deux millions de documents historiques. Ces archives, d’une valeur inestimable, font partie des travaux de la commission mixte algéro-française « Histoire et Mémoire », créée suite à la Déclaration d’Alger signée le 27 août 2022 par Abdelmadjid Tebboune et Emmanuel Macron. Ce geste s’inscrit dans une démarche plus large de reconnaissance des événements douloureux de la période coloniale, notamment la restitution en 2020 de crânes de résistants algériens conservés en France.
Benjamin Stora, président de la commission d’historiens côté français, a récemment évoqué avec Macron la possibilité de reconnaître la responsabilité de la France dans l’assassinat de Ben M’hidi, figure emblématique de la guerre d’indépendance. Arrêté à Alger en février 1957 et assassiné en mars de la même année, Ben M’hidi, initialement présenté comme un suicide, a en réalité été tué sur ordre supérieur, comme l’ont révélé plus tard les déclarations du général Paul Aussaresses. Ce dernier a reconnu dans ses mémoires avoir exécuté l’ordre, corroborant les aveux d’autres militaires français.
Pour Macron, la reconnaissance de ce crime, comme il l’a fait précédemment avec Maurice Audin et Ali Boumendjel, serait un nouveau pas vers la réconciliation. « Il veut poursuivre le travail mémoriel », a affirmé Benjamin Stora, précisant que Macron semblait déterminé, quelle que soit la réaction des Algériens.
Un geste critiqué : manipulation politique ou vraie démarche ?
Cependant, ce potentiel geste de Macron ne fait pas l’unanimité en Algérie. Certains y voient une tentative de manipulation politique à l’approche de la visite du président français au Maroc, prévue pour réaffirmer la reconnaissance de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental. Selon ces critiques, le geste mémoriel proposé par Macron servirait à apaiser les tensions avec l’Algérie, en compensation du soutien français au Maroc sur cette question sensible.
Des voix algériennes dénoncent ce qu’elles perçoivent comme une instrumentalisation de la mémoire de Ben M’hidi. Pour elles, reconnaître l’assassinat sans dénoncer pleinement les responsables de la répression coloniale serait insuffisant, voire insultant. « Ben M’hidi appartient exclusivement à l’histoire de l’Algérie », clament les opposants à ce geste, qui considèrent que la France ne peut évoquer son souvenir qu’en condamnant sans ambiguïté les crimes commis durant la colonisation.
Ils appellent plutôt à une démarche de recherche historique libre et autonome, dirigée par les Algériens eux-mêmes, sans que la France n’impose sa version ou son rythme. « Nous continuons à écrire sous la dictée des maîtres », déplore un critique, rejetant toute reconnaissance partielle qu’il qualifie de « saucissonage » de l’histoire en petits morceaux destinés à plaire à l’opinion publique française.
Réconciliation ou tension prolongée ?
Le geste proposé par Macron soulève ainsi un dilemme complexe. D’un côté, certains considèrent la reconnaissance comme un pas symbolique nécessaire dans le processus de réconciliation entre les deux nations. De l’autre, des Algériens voient dans cette initiative une manœuvre politique visant à désamorcer les tensions sans apporter de réponse véritable aux blessures du passé.
Il reste à voir si Emmanuel Macron choisira de franchir cette étape dans la reconnaissance des crimes coloniaux, et surtout comment ce geste sera perçu des deux côtés de la Méditerranée. La question de la mémoire reste un terrain miné, où chaque avancée peut soit rapprocher, soit creuser encore plus le fossé entre l’Algérie et la France.
References :
Assassinat de Ben M’hidi : Macron fera-t-il un geste mémoriel ?
Hope & Chadia