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Son nom a traversé les frontières pour figurer dans les portefeuilles de grosses entreprises étrangères. Gara Djebilet, ce nom est synonyme de minerai de fer, un investissement rentable pour les acteurs étrangers et une alternative aux hydrocarbures pour l’Algérie.
PAR ABDELLAH B.
Préservé dans les casiers du ministère de l’énergie et des mines depuis des décennies, comme les traces rupestres gravées sur les rochers, ce site sort enfin de l’anonymat et attire de plus en plus d’investisseurs étrangers, arabes et chinois en particulier. C’est à
partir de ce lieu, au fin fond du désert, que le pays se lance dans la bataille de l’acier et compte se propulser au rang des plus importants exportateurs mondiaux de minerai de fer, avec une production de 40 à 50 millions de tonnes par an.
Mais où se trouve cet endroit mystérieux et comment fait-on pour le gagner ? Avion, train, bus ? Aucun moyen de transport ne porte une plaque vers cette destination. Les préposés aux guichets des aéroports, des gares routières ou les chauffeurs de taxi seront bien étonnés si vous leur demandez un billet pour Gara Djebilet. Ceux qui se rendent là pour travailler sont soit des militaires, soit des ingénieurs ou ouvriers chargés de l’extraction du minerai de fer.
Accompagnant une délégation officielle d’hommes d’affaires chinois, de responsables et d’experts du ministère de l’énergie et des mines, nous nous sommes rendus à Gara Djebilet, à 180 km au sud-est du chef-lieu de la wilaya de Tindouf, pour percer le secret de
ce site mystérieux.
9h. Le soleil domine le ciel jaunâtre du désert et commence à envoyer des ondes de chaleur auxquelles ne peut résister ni la climatisation du bus allemand qui nous transportait ni les Chinois réputés pour leurs capacités d’adaptation à toutes les conditions climatiques.
La chaleur atteint un pic et le chemin à parcourir est encore long. Après une heure de route, nous pénétrons dans un immense champ de pierres calcinées. Sous cette couche noire qui couvre les plaines se cache un énorme trésor, estimé à 3,5 milliards de tonnes de
minerai de fer.
Tout ce que vous voyez, c’est du fer, c’est une mine à ciel ouvert
nous confie un quinquagénaire, conseiller au ministère de l’énergie et des mines.
Des débuts prometteurs
Attirés par l’odeur du fer, les responsables chinois se tournent rapidement vers les fenêtres. Ils commencent à échanger dans leur langue indéchiffrable, mais trahissent leur enthousiasme par des gesticulations. Leurs hochements de tête expriment leur intérêt pour le projet. Ce qui se confirme à notre arrivée sur le chantier puis, par la suite, par la signature d’un mémorandum d’entente avec le partenaire algérien Feraal.
En se rapprochant, petit à petit, du point final de notre visite, une poussière rougeâtre
embrume le ciel. C’est ici que la conquête du marché international commence. Une demi-heure après, nous quittons la route bitumée pour emprunter un chemin accidenté qui mène au chantier.
De près, nous constatons que la mine commence à prendre forme. Des engins ronronnent ; concasseurs, broyeurs sont en pleine activité. « Ce n’est que le début », affirme le PDG du groupe public Sonarem, M. Harami, pour qui le projet n’est qu’en phase expérimentale.
« Nous visons une production de 2 millions de tonnes par an jusqu’en 2026. Nous ne pouvons pas nous lancer dans l’extraction de volumes importants avant la mise en place
des infrastructures d’accompagnement », explique-t-il.
Pourquoi se précipiter
Malgré la richesse du sol et du sous-sol en minerai de fer – un volume estimé à 3,5 milliards de tonnes facile à extraire – la société algérienne du fer et de l’acier Feraal, chargée du développement de ce projet, juge nécessaire de limiter la production, dans une
première phase d’exploitation, à 2 millions de tonnes jusqu’en 2026.
« Le transport fait défaut. Cette quantité sera transportée par camion sur une distance de 1000 km dans les premiers temps », affirme son PDG.
Pour remédier à cette question, la réalisation d’une ligne de chemin de fer de 1000 km pour le transport de plus de 20 millions de tonnes par an sera entamée dès ce mois-ci. « Ce n’est qu’après la réception de ce projet que le travail sérieux commencera », explique le PDG de Feraal.
En fait, d’après les explications fournies par les experts du ministère de l’énergie et des mines, la première phase du projet concerne l’exploitation d’un tiers de la surface globale de la mine, estimée à 15.000 hectares, soit 1,26 milliard de tonnes de minerai de
fer, dont 980 millions de tonnes mesurées, 210 millions de tonnes indiqués et 70 millions de tonnes probables. Des volumes destinés en premier lieu à l’approvisionnement du marché local, estimé à 6 millions de tonnes de minerai de fer par an.
Mise en place d’une véritable industrie minière
Après avoir constaté de près l’évolution et l’avancement des travaux au niveau de la mine de Gara Djebilet, un homme d’un certain âge, dans un costume noir, portant des lunettes de vue pour ne rater aucun détail, s’approche du PDG de Sonarem. Lui, c’est Zhou Zhepinp, président du consortium chinois CMH. Il s’exprime pendant quelques minutes
en mandarin, que le traducteur a résumé en deux phrases :
” Nous sommes intéressés pour l’investissement dans le développement de la mine. Nous avons de la technologie innovante et un savoir faire pour cela.”
Des phrases qui réussissent à illuminer le visage de M. Harami, qui esquisse un large sourire qui veut tout dire. Pour rentabiliser ce gisement, les autorités publiques se sont lancées dans la deuxième phase du mégaprojet de Gara Djebilet : la préparation de l’infrastructure d’accompagnement.
Face à la rareté des ressources en eau et en énergie sur les lieux, un programme de réalisation des installations de traitement et de transformation a été élaboré. Ces unités
seront implantées entre Béchar et Naâma ou une première plateforme industrielle de 200 hectares est déjà identifiée. Pour le moment, deux acteurs, sont en lice : le chinois CMH et le turc Tosyali, qui envisagent l’implantation des unités de transformation dans le nouveau pôle sidérurgique de Béchar, en attendant l’arrivée d’autres investisseurs.
Les Chinois prévoient d’investir 1,5 milliard de dollars dans le traitement du minerai de fer et les Turcs consacrent une enveloppe de 900 millions de dollars pour la production de minerai de fer concentré.
Facile à extraire, le minerai riche en fer de la mine de Gara Djebilet, avec une teneur de 57%, donc une faible consommation d’énergie pour le concassage et le broyage, présente des atouts qui s’ajoutent aux facilitations accordées par les autorités pour les
investissements dans le secteur minier, ce qui fait de cet endroit l’un des plus convoités.
L’exploitation de cette mine hissera le pays au rang d’important acteur sur le marché international, où les prix du minerai de fer et de l’acier atteignent des niveaux élevés. En d’autres termes, le gisement de Gara Djebilet représente une occasion pour l’Algérie de
diversifier ses exportations et de réduire l’incidence des hydrocarbures sur l’économie.
A. B.