Par Hope&ChaDia
Dans sa dernière chronique, Kamel Daoud déplore la marginalisation du français en Algérie. Mais il se trompe de coupable : ce n’est pas Alger qui tue le français, c’est le monde entier qui a tourné la page.
Loin des envolées lyriques, l’évolution linguistique de l’Algérie obéit à des logiques universelles : scientifiques, technologiques, économiques. Et face à ces dynamiques globales, ce n’est ni la mémoire coloniale ni les sentiments qui décident de l’avenir des langues.
1. Le recul du français : une tendance mondiale documentée
Il ne s’agit ni d’idéologie ni d’un réflexe anti-français. Les chiffres sont sans appel : la langue française perd du terrain sur tous les fronts.
Dans les institutions internationales, la production en français chute vertigineusement : à l’ONU, elle est passée de 25 % en 1990 à moins de 5 % en 2023 (Observatoire de la Francophonie). L’Union européenne, quant à elle, privilégie l’anglais dans 88 % des textes législatifs (EU Lingua 2024).
Dans la recherche scientifique, l’anglais domine de manière écrasante : seulement 1,3 % des publications mondiales sont en français contre 94 % en anglais (Scimago 2024). Même en Algérie, les publications universitaires en anglais ont quadruplé en dix ans.
Sur le plan économique, le basculement est total : 90 % des offres d’emploi internationales exigent l’anglais, contre seulement 8 % pour le français (LinkedIn Global Recruiting Trends 2024).
À la lumière de ces données, maintenir le français comme langue première dans les secteurs scientifiques ou économiques revient à naviguer à contre-courant du monde moderne.
2. L’Algérie face à un choix pragmatique, non idéologique
Kamel Daoud présente l’évolution linguistique algérienne comme une forme d’amnésie historique ou de soumission religieuse. Or, cette lecture ignore les choix concrets des acteurs algériens eux-mêmes.
Les étudiants ? 70 % des inscrits en master scientifique optent pour des filières anglophones (MESRS 2024). Les entreprises ? 82 % des offres d’emploi qualifié en Algérie requièrent l’anglais (Emploi Partner 2023). Les startups innovantes comme Yassir ou Talan travaillent en anglais pour dialoguer avec le monde, lever des fonds, et recruter des talents.
Parler anglais, aujourd’hui, n’est pas rejeter le passé — c’est investir dans l’avenir.
3. Pourquoi l’anglais s’impose comme la langue du XXIe siècle
Ce basculement s’explique par trois moteurs :
-
Démographie : 60 % des Algériens ont moins de 30 ans et consomment quotidiennement des contenus en anglais.
-
Technologie : les outils numériques, de ChatGPT à GitHub, sont pensés et mis à jour en anglais.
-
Mobilité : les étudiants algériens visent des bourses, des formations et des carrières bien au-delà du monde francophone.
Même la diaspora algérienne en France, que Daoud décrit comme attachée au français, évolue. 45 % des jeunes Franco-Algériens parlent désormais mieux l’anglais que le français (INED 2023). Le lien affectif avec le français n’est donc pas une garantie de sa transmission, ni un argument contre l’évolution.
4. Un regard biaisé sur une réalité complexe
La chronique de Daoud adopte un ton alarmiste, voire messianique, sur la “mort” du français. Il évoque une “désalgérianisation”, une “trahison”, comme si l’usage de l’anglais relevait de l’auto-mutilation culturelle. Ce discours rappelle celui d’un collaborateur dogmatique, plus soucieux de défendre l’honneur d’un héritage colonial que d’analyser les besoins actuels du pays.
Il ne s’agit pas ici de tuer une langue, mais de ne pas être prisonnier d’un attachement sentimental lorsque les impératifs de développement imposent d’autres choix.
5. Le choix de l’anglais : une opportunité, pas une menace
Plutôt que de pleurer la prétendue “mort du français”, il serait plus utile de :
-
Investir massivement dans l’apprentissage de l’anglais, comme l’ont fait l’Égypte ou la Turquie.
-
Maintenir le français comme atout secondaire pour certains secteurs culturels, touristiques ou diplomatiques.
-
Abandonner les discours identitaires qui figent la réflexion linguistique dans une nostalgie stérile.
Conclusion : dépasser l’imaginaire pour embrasser le réel
Loin de la posture de Kamel Daoud, qui s’apparente à une tribune littéraire défensive d’un ordre linguistique en déclin, l’Algérie choisit un alignement scientifique et rationnel avec les dynamiques du monde. Ce n’est ni une guerre contre la France, ni une soumission à un autre empire. C’est un choix stratégique.
Le vrai débat n’est pas “quelle langue avons-nous héritée ?” mais “avec quelle langue nos chercheurs, nos ingénieurs et nos startups seront compétitifs en 2045 ?”
Et sur ce plan-là, les faits parlent plus fort que les souvenirs.
2 comments
Monsieur Daoud semble ignorer que l’anglais est porté par l’impérialisme anglo-américain, l’impérialisme de la première puissance militaire et d’espionnage du monde. Une langue, de surcroît, qui véhicule les valeurs de la finance de Wall Street et de la City, celles de l’ultralibéralisme et du libre-échangisme mondial, celles des GAFAM et Cie qui veulent gouverner le monde ?
L’anglo-américain, le globiche, est ainsi devenu la langue de la globalisation, la langue du compactage humain, celle qui a pour but de détruire le citoyen pour qu’il ne soit plus qu’un simple consommateur, une langue qui n’est plus internationale puisqu’elle tend à tuer les nations.
La liberté, c’est avoir le choix, alors, au nom de la liberté, il faut, dans la communication internationale, dans la Recherche, comme dans tout autre domaine, avoir le choix entre plusieurs langues à portée internationale qui ne soient pas forcément l’anglais : l’espagnol, l’arabe, le russe, le mandarin, le français, etc.
Aujourd’hui, on parle de la survie des espèces vivantes, mais comment vouloir prétendre sauver les espèces vivantes et la diversité qu’elle représente, si on n’est même pas capable de sauver les langues de l’uniformisation par la politique du tout à l’anglais ?
Les États-Unis disposent du monopole de la monnaie, et même d’une sidérante extraterritorialité de leurs lois. Alors pourquoi ne pas leur donner aussi le monopole de la langue, n’est-ce pas ?
« Il y va de l’intérêt économique et politique des États-Unis de veiller à ce que, si le monde adopte une langue commune, ce soit l’anglais ; que, s’il s’oriente vers des normes communes en matière de télécommunications, de sécurité et de qualité, ces normes soient américaines ; que si ses différentes parties sont reliées par la télévision, la radio et la musique, les programmes soient américains ; et que, si s’élaborent des valeurs communes, ce soient des valeurs dans lesquelles les Américains se reconnaissent. » (David Rothkopf, directeur général du cabinet de conseils « Kissinger Associates », dans « Praise of Cultural Imperialism », 1997)
Certains veulent imposer leur langue au monde pour d’évidents intérêts économiques, tandis que d’autres souhaitent justement qu’on impose cette langue parce que personne n’en est jamais mort, parce que c’est dans l’ordre des choses, parce que c’est l’évolution, parce que c’est plus simple de collaborer que de résister, etc.
« Ceux qui possèdent les mots, la langue, possèdent aussi la pensée et, si l’on possède la pensée des autres, on possède tout le reste. » (Vladimir Volkoff).
Enfin, le problème des langues sera peut-être résolu avec l’intelligence artificielle, qui donnera à chacun la possibilité de parler à celui qui ne parle pas votre langue, sans être obligé de passer par la béquille de l’anglais.
mon article reponse a daoud etait une reponse a son adoration du francais, votre commentaire tel que presenter et tout a fais dans l’esprit de ma reponse, j approuve et merci.