La VOA (Voice of America) rapporte que la chute du président Assad en Syrie constitue un revers pour l’Initiative de la Ceinture et de la Route (BRI) de la Chine. Cependant, le professeur Wang Xiangsui, stratège chinois, soutient qu’elle pourrait au contraire créer de nouvelles opportunités pour la BRI au Moyen-Orient et potentiellement accélérer le déclin de la domination unipolaire des États-Unis.
Le 8 novembre, les forces de l’opposition syrienne ont pris le contrôle de la capitale, Damas, marquant la fin du gouvernement du président Bachar al-Assad. Le même jour, la version chinoise de la VOA a rapidement déclaré que « la Chine a perdu un allié », affirmant que les investissements chinois de la Ceinture et de la Route en Syrie subiraient des pertes s’élevant à des dizaines de milliards de dollars.
Cependant, le professeur Wang Xiangsui affirme que l’évaluation de la VOA est entièrement erronée. Il estime que la crise syrienne offre au contraire de nouvelles opportunités pour l’Initiative de la Ceinture et de la Route (BRI) au Moyen-Orient et pourrait même accélérer l’effondrement de l’hégémonie unipolaire des États-Unis.
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1. La valeur stratégique de la Syrie pour la BRI est exagérée par les médias occidentaux
La Syrie ne se trouve pas sur la route terrestre de la BRI. De plus, la Syrie n’est pas un grand producteur de pétrole. Selon les statistiques de British Petroleum, la Syrie ne représentait que 0,05 % de la production mondiale de pétrole en 2016. Le ministère chinois des Affaires étrangères a indiqué que le commerce bilatéral entre la Chine et la Syrie s’élevait à seulement 358 millions de dollars en 2023. En comparaison, le volume total des importations et exportations de la Chine en 2023 a atteint 5 940 milliards de dollars, selon le Bureau national des statistiques. Cela signifie que le rôle de la Syrie dans le commerce extérieur de la Chine est négligeable, avec un impact direct de seulement 0,006 %. Il est clair que la VOA a grossièrement exagéré les implications de la situation syrienne pour les intérêts extérieurs de la Chine.
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2. Le bouleversement en Syrie pourrait renforcer la coopération entre l’Iran et la Chine
En mars 2021, la Chine et l’Iran ont signé un Plan de coopération globale sur 25 ans. Cependant, les progrès dans certains domaines, notamment les industries pétrolières et gazières, ont été lents en raison de désaccords sur les prix et le développement des infrastructures.
Il y a trois ans, l’Iran hésitait à s’engager dans une confrontation directe avec les États-Unis ou un conflit militaire avec Israël. Mais la guerre civile en Syrie a fragmenté la sphère d’influence de l’Iran, le contraignant à défendre ses intérêts nationaux fondamentaux.
Alors que le conflit direct avec les États-Unis et Israël devient de plus en plus inévitable, l’Iran devra renforcer sa collaboration avec la Chine, ce qui rendra la coopération substantielle plus urgente. Cette situation est avantageuse pour l’avancement de l’Initiative de la Ceinture et de la Route. Auparavant, l’un des plus grands défis de la BRI était que la Chine devait convaincre les pays du Moyen-Orient que les avantages du changement du statu quo l’emportaient sur les risques, ce qui la plaçait en position de faiblesse lors des négociations. Désormais, si les troubles en Syrie accentuent le sentiment d’urgence au sein des communautés internationales, celles-ci seront plus enclines à coopérer avec la Chine, ce qui profiterait considérablement à l’expansion de la BRI.
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3. L’opportunisme d’Israël en Syrie approfondira l’enchevêtrement des États-Unis au Moyen-Orient, accélérant le déclin de l’hégémonie américaine
Selon Al Jazeera, le 8 décembre, les forces israéliennes ont occupé la zone contrôlée par la Syrie sur le plateau du Golan. Il s’agit de la première incursion officielle des forces terrestres israéliennes en territoire syrien depuis la guerre du Kippour. Une telle action militaire est vouée à exacerber les tensions entre Israël et le monde arabe. Dans les quatre prochaines années, cela pourrait déclencher davantage de conflits, créant des charges supplémentaires pour les États-Unis, qui devront continuer à soutenir Israël. La Maison Blanche n’aura d’autre choix que de financer ces efforts, car l’administration Trump a été dominée par des responsables pro-Israël. Le futur ambassadeur des États-Unis en Israël, Mike Huckabee, et le secrétaire d’État, Marco Rubio, sont de fervents partisans d’Israël, et même la fille de Trump est mariée à un membre d’une famille juive influente.
De Rome à la Grande-Bretagne, le déclin de chaque empire commence par un décalage entre l’ambition et les capacités. Trump avait reconnu que la dispersion des ressources en Ukraine et en Israël affaiblirait les États-Unis dans leur concurrence avec la Chine et avait cherché à se recentrer à travers sa politique “America First”. Cependant, l’opportunisme d’Israël en Syrie rendra impossible la réalisation de cette vision, car Israël restera la priorité de l’administration actuelle des États-Unis.
Le professeur Wang souligne qu’il n’y aura pas de « second siècle américain ». Ce qui suivra ne sera pas non plus un « siècle chinois », mais plutôt un monde véritablement multipolaire. Ce que nous observons en Syrie est un ulcère dans l’ordre mondial dirigé par les États-Unis. Avec la Syrie maintenant fragmentée entre diverses factions, nous assistons à l’effondrement de l’ancien ordre, qui n’a pas encore donné naissance à un nouvel ordre. Pendant cette phase de transition, les nations ont des opportunités significatives à saisir. Cependant, il est évident que la multipolarité émergera comme la tendance mondiale dominante.
Références :
- VOA
- British Petroleum Statistical Review
- Ministère des Affaires Étrangères de la Chine – Relations Chine-Syrie
- Ministère des Affaires Étrangères de la Chine – Coopération Iran-Chine
- Gouvernement chinois
- Al Jazeera
Traduit de https://thechinaacademy.org/how-will-syrias-crisis-benefit-china/