MAÂMAR FARAH / lesoirdalgerie.com
Oui, nous avons le sentiment d’une grande injustice envers notre championne Imane Khelif, privée d’une belle finale et d’une consécration mondiale par une décisions inattendue. Nous comprenons que la loi doit être respectée et qu’elle est au-dessus de tous. Mais où était cette loi durant les autres confrontations de la boxeuse et pourquoi la brandir juste au moment où elle tapait aux portes de la gloire ? C’est comme si l’on espérait qu’elle tombe sur le ring avant cette étape décisive et que, face à la témérité et au professionnalisme de notre star du noble arabe, l’on n’ pas trouvé mieux que sortir le carton rouge « biologique » pour la bloquer.
Les Algériens ont été choqués après que la boxeuse algérienne Imane Khelif ait été exclue de la finale (66 kilogrammes) du championnat du monde féminin à New Delhi, en Inde, par le bureau exécutif de l’Association internationale de boxe pour des raisons « médicales ».
Tout d’abord, de quoi s’agit-il ? l’élément stéroïdien nommé testostérone est une hormone sexuel mâle qui se trouve aussi chez les femmes, parfois en grandes quantités. Outre ses propriétés nécessaires au bon fonctionnement de la sexualité de l’homme, elle est connue comme pouvant donner une énergie accrue. Pour certaines associations sportives, cet androgène donnerait aux sportives les capacités d’un mâle, autrement dit des chances supplémentaires de battre des femmes normales. Au lieu d’expliquer ce qui se passe scientifiquement, les responsables du comité olympique algérien et de la fédération de boxe ont noyé le poisson dans le terme « médical » qui, à lui seul, ne veut rien dire. Par pudeur probablement.
Dans pareil cas, la sportive est suspendue si son taux de testostérone est trop élevé. On la dirige alors vers un traitement médical qui abaissera ce taux pour qu’elle puisse reprendre la compétition.
Un précédent cas concernant une athlète sudafricaine a créé une polémique entre l’IAAF (athlétisme) et le monde médical. Mokgadi Caster Semenya a été médaillée d’or olympique en 2012 et 2016. Mais un simple examen de routine a montré un niveau de testostérone plus élevé que la moyenne dans son sang. Elle a été immédiatement bannie des compétitions internationales pendant près d’un an. Depuis, les femmes qui souhaitent participer à des épreuves internationales doivent avoir un niveau de testostérone de 5 nanomoles par litre ou moins.
Les scientifiques se posent des questions à propos de ces 5 nanomoles. La profession médicale n’a jamais défini le fait d’être une femme d’après le niveau de testostérone dans le sang ou la sensibilité aux hormones sexuelles. Il y a d’autres considérations qui entrent en jeu. Certains rejettent donc cette « preuve » qui établit qu’une femme ayant un fort taux de testostérone est plus proche des capacités physiques de l’homme que de la femme. Et ils vont plus loin : « Il existe actuellement très peu de preuves scientifiques que la testostérone est une hormone mâle. Les femmes ont de la testostérone dans le sang et ce taux est très variable chez les femmes qui s’entraînent régulièrement. » répond la professeure Cara Tannenbaumns dans le « Britich Medical Journal »
A la question de savoir si ce seuil n’a pas pour but d’éviter de donner un avantage injuste à certaines athlètes, elle répond : « mais qui peut affirmer qu’un taux de testostérone plus élevé vous rend plus susceptible de gagner une médaille? Comment savoir si ce n’est pas seulement en raison de votre entraînement ou parce que vous avez une prédisposition génétique qui vous donne des muscles puissants ? »
Et elle conclut, sur un ton plus féministe : « Cette règle stigmatise les athlètes féminines en les catégorisant et en les étiquetant sans aucune preuve scientifique. Sinon, nous parlons de supériorité génétique sans aucun argument crédible. Après tout, aucun homme n’est privé de compétition parce qu’il présente un taux de testostérone élevé. »
Voilà le problème, certes dans une autre discipline sportive, mais il est réel et peut expliquer une décision que nous ne rejetons pas entièrement mais dont le timing nous surprend. Si ce cas a été découvert aux premières étapes de ce championnat, avec les mêmes conséquences, pour l’athlète, il n’aurait pas fait tout ce bruit.
Il est donc clair qu’on a voulu priver Imane d’un titre mondial.
M.F.