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Enrico Mattei et Nord Stream (volet 2)

by Hope Jzr
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Dans le contexte immédiat et direct du sabotage des pipelines Nord Stream, nous présenterons ici la 2ème partie d’extraits du magistral essai biographique sur Mattei par son ancien collaborateur Nico Perrone, portant sur les relations entre l’URSS et Mattei en matière d’hydrocarbures.

Le 1er volet fut publié le 30 avril sur Réseau InternationalEnrico Mattei et Nord Stream

D’origine humble, sans éducation formelle, le génie qu’était Enrico Mattei (1906-1962) est devenu l’artisan de l’essor industriel de l’Italie et le stratège d’une nouvelle politique étrangère1,2. Si ce n’était pour son assassinat en 1962, l’Italie aurait repris le rang glorieux dans le monde de prima inter pares qu’elle avait occupé pendant la Renaissance.

***
Situons d’abord le désastre que confrontait Mattei en 1945

Ainsi que le décrit Nico Perrone :

« En 1945, l’Italie était dans un état tellement sinistré que l’on pouvait lui prédire de tomber dans la dépendance économique sur la durée, et peut-être même de façon irréversible ; elle était carrément absente du classement des puissances industrielle (…).

« Le revenu national brut était moins de la moitié de 1939, et celui per capita était sans doute inférieur aux valeurs de 1861 (sic). L’index d’inflation (1929=100), était arrivé à 2058, contre 157 au Royaume-Uni et 376 en France, pour atteindre en 1948 en Italie 5437. Il y avait 2 millions de chômeurs… quoiqu’il n’existât plus de recensement officiel car il n’y avait plus d’éléments fiables de référence relatifs à l’éventuelle augmentation de la population ou de la force de travail. Dans l’agriculture, on estimait à 30% le nombre des paysans sans travail.

« La misère était un phénomène si omniprésent qu’elle suscita une enquête parlementaire qui emplit 13 volumes (…) six années après la fin de la guerre en 195, 15% de la population était sur les listes d’assistance pour pauvres, 14,9% en Calabre, 13,5 en Sicile ; la moitié de la population du Sud vivait dans la misère. La mortalité infantile était de 89/1000 dans des parties de la Calabre, où 30% des habitants était analphabète. À Matera, 23,4% des logements étaient insalubres (…). Le développement technologique était inexistant, sans qu’il n’y ait d’issue apparente, et la dépendance sur les pays étrangers était pratiquement totale. L’organisation industrielle était arriérée et sans comparaison possible avec d’autres pays alors que ceux-ci avaient été tout autant ravagés par la guerre, et ainsi n’était pas compétitive sur le plan international (…) puisqu’elle reposait sur l’exploitation d’une main d’oeuvre affamée. La présence de l’État dans l’industrie se limitait à l’Institut pour la Reconstruction industrielle (IRI)… sans qu’il n’y eut un dessin articulé d’ensemble du rôle de l’État dans l’économie. 

« C’est en telle situation qui semblait sans perspective aucune pour notre pays qu’apparut sur la scène Enrico Mattei, le 28 avril 1945. »

Citons Wikipedia3, qui réussit la prouesse de ne faire aucun mention du rôle de Enrico Mattei :

« Par exemple, durant les quatre années de 1959 à 1962, le taux de croissance des revenus a atteint des valeurs record : 6,4 – 5,8 – 6,8 et 6,1% pour chaque année analysée. »

« Le secteur industriel, en seulement trois ans (1957–1960), a enregistré une augmentation moyenne de la production de 31,4%. L’augmentation de la production est encore plus significative dans les zones où prédominent les grands groupes italiens : automobiles +89%, mécanique de précision +83% et fibres textiles +66,8% (…) ».

Ainsi, l’année de la mort de Mattei, parmi les puissances industrielles mondiales l’Italie était passée d’un classement zéro, inexistant, jusqu’à arriver au au 8ème/9ème rang, selon les sources, en 1962.

C’est tout dire. Nous reprenons maintenant les extraits de l’ouvrage de Nico Perrone, là où nous avions arrêté hier : le grand accord entre l’Italie et l’URSS du 11 octobre 1960.

***

« L’ENI lança les négociations pour un nouveau contrat avec l’URSS, pour lequel la voie avait été aplanie par la visite du Président Gronchi à Moscou en février 1960.

« Il s’agit cette fois d’un accord complexe, prévu pour la période 1961 à 1965, signé à Moscou par Mattei et le Ministre soviétique du commerce Patolicev le 11 octobre 1960. Le contrat prévoyait l’importation par l’Italie de 12 millions de tonnes de pétrole (…) et l’approvisionnement en gaz naturel, contre l’exportation vers l’URSS de caoutchouc synthétique de l’ANIC, de machines et appareillages pour l’industrie pétrolière produits par la fabrique Nuovo Pignone et des tubes d’acier produits par la FINSIDER, société contrôlée par l’IRI. Les matériaux de Nuovo Pignone et FINSIDER étaient destinés à soutenir l’industrie pétrolière soviétique d’extraction et de transport, notamment à travers l’Oléoduc de la Volga.

« Le président de l’ENI, Pietro Nenni, notait dans son journal personnel : « voilà une grosse affaire, qui va permettre à l’Italie de faire l’économie d’environ 60 milliards (de lire – ndlr) et nous ouvre un vaste domaine pour intensifier nos échanges avec l’Est. Opération révolutionnaire, qui nous attire des attaques depuis les USA et depuis leurs relais ici (…) Néanmoins l’accord a été ratifié par le gouvernement ».

« Mattei avait évidemment l’influence pour orienter le gouvernement en faveur de l’ENI, et même sur une question qui avait un impact considérable sur les relations avec l’allié US.

« Du point de vue des USA, le problème était le remarquable mécanisme d’échanges que les accords italiens avec l’URSS avaient mis en place. Le National Petroleum Council notait que « des entreprises industrielles liées à l’ENI  préparaient des ventes significatives de biens industriels et technologie au bloc soviétique. L’URSS s’est engagée à acheter auprès d’autres sociétés liées à l’ENI, 50 000 tonnes de caoutchouc synthétique, 240 000 tonnes de tubes de 40 pouces ainsi que d’autres appareillages, pompes et dispositifs divers destinés aux oléoducs. L’Italie importe du bloc soviétique un pourcentage de pétrole notablement plus important que de toute autre pays du marché commun. Sa position concernant les importations de pétrole du bloc soviétique a des implications majeures pour toute la Communauté économique européenne (…). »

« En URSS entre 1959 et 1963, on projetait de construire l’Oléoduc de l’Amitié qui irait de l’Oural à la Pologne, l’Allemagne de l’Est, la Tchécoslovaquie, la Hongrie et jusqu’aux terminaux baltes de Ventspils et Klaipeda ; l’Oléoduc de l’Oural et du bassin de la Volga ; l’Oléoduc de la zone de Stalingrad aux ports de Tuapse et Novorossiisk sur la Mer Noire. L’aide que l’ENI allait fournir à ces projets irritait fortement les USA : « Rappelons-nous que ces nouveaux systèmes d’oléoducs apporteront du brut aux terminaux où se trouvent de grandes concentrations de forces militaires soviétiques et des pays satellites. Ces communications rendront possible une arrivée plus fiable et plus constante de carburants auxdites forces. Les oléoducs vers la mer Baltique seront utiles pour ravitailler les navires. »

« (…) Parmi les fournisseurs de l’URSS, l’Italie se trouvait au second rang derrière l’Allemagne de l’Ouest, mais les opérations de l’ENI inquiétaient bien plus les USA que celles des Allemands (sur qui d’aussi fortes pressions ne furent point appliquées) sans doute parce que les opérations de l’ENI s’inscrivaient dans le contexte du dessin politique de Mattei, que Washington voyait comme notoirement déstabilisateur.

« Ainsi, le National Petroleum Council écrit : « le potentiel des exportations communistes vers le monde libre vont augmenter, et mettront le bloc soviétique dans une meilleure position pour exercer des pressions économiques et politiques sur les nations occidentales qui feront confiance aux fournitures de pétrole soviétique. Par ailleurs, ces exportations vont permettre au bloc soviétique d’augmenter leurs achats d’appareillages et technologies qui sont d’une importance critique pour le monde libre. »

(à suivre)

Source : Mendelssohn Moses

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