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Financement Monétaire, Indépendance de la Banque d’Algérie et Risques d’Inflation : Discussion de la Présentation du Pr Kamel Dib

by Hope Jzr
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Suite à la publication de la vidéo-présentation du Kamel Dib, intitulée « أ.د.كمال ديب : رفع سقف التمويل غير التقليدي في الجزائر بحوالي 400% عما كان عليه في السابق », je souhaite engager une réflexion approfondie sur les enjeux économiques soulevés par son exposé. Dans cette intervention, le professeur Dib alerte sur l’augmentation notable du seuil de recours du Trésor algérien au financement non traditionnel assuré par la Banque d’Algérie, avec un relèvement – à son estimation – d’environ 400 % par rapport aux mécanismes antérieurs. C’est un sujet de toute première importance pour l’économie algérienne, et il mérite que l’on en discute à la fois avec respect, curiosité et rigueur.

D’abord l’intervention du professeur a le mérite d’ouvrir un débat essentiel sur la relation entre la politique budgétaire et la politique monétaire, et sur les risques d’un recours excessif au financement de l’État par la Banque d’Algérie. C’est un effort réel de vulgarisation, avec des exemples internationaux parlants, et il est juste de commencer par vous en remercier : ce type de pédagogie manque souvent dans l’espace public algérien.

Dans ce qui suit, je voudrais reconnaître ce que le diagnostic pointe correctement, puis montrer, dans un langage volontairement académique mais accessible, là où la logique économique ne tient plus tout à fait, ou là où elle mériterait d’être nuancée. L’objectif n’est pas de contredire pour contredire, mais de raffiner le raisonnement pour que le débat soit à la hauteur des enjeux.

Ce que l’exposé du Professeur met justement en lumière

Plusieurs points fondamentaux.

D’abord, la distinction entre politique budgétaire (gérée par le gouvernement et le ministère des Finances) et politique monétaire (confiée à la Banque centrale) est bien posée. La politique budgétaire agit via les recettes (impôts, fiscalité pétrolière, revenus du patrimoine public…) et les dépenses publiques ; la politique monétaire agit via la quantité de monnaie, les taux d’intérêt, les conditions de refinancement des banques, les réserves obligatoires, etc. Cette séparation conceptuelle est un pilier de l’analyse macroéconomique.

Ensuite, le rappel du rôle d’une banque centrale indépendante est légitime. Les expériences internationales montrent qu’un gouvernement qui, durablement, utilise la banque centrale comme “imprimeuse à billets” pour financer ses déficits finit par déstabiliser la monnaie, faire fuir l’épargne en devise, et parfois provoquer de graves crises sociales. Sur ce point, les exemples de Venezuela, Zimbabwe, Argentine ou Turquie sont, au moins qualitativement, éclairants.

Enfin, il etait aussi important de rappeler que le financement monétaire du Trésor devrait rester une exception, strictement encadrée dans le temps et dans le montant. La phrase selon laquelle ce mode de financement ne doit pas devenir une “habitude” est économiquement fondée. Sur ce plan, l’alerte est utile et salutaire.

Les hypothèses implicites du raisonnement

Pour comprendre où la logique économique se fragilise, il faut expliciter les hypothèses implicites de la démonstration. En En effet le raisonnement repose, en simplifiant, sur l’enchaînement suivant :

  1. Le Parlement autorise le Trésor à demander jusqu’à 20 % des recettes de l’année précédente à la Banque d’Algérie.

  2. Ces avances représentent, selon vos calculs, un montant pouvant aller jusqu’à l’équivalent d’environ 12–13 milliards de dollars.

  3. Ce montant sera effectivement créé et injecté dans l’économie réelle.

  4. Cette injection potentielle à un financement monétaire massif, de nature comparable à celui du Venezuela ou du Zimbabwe.

  5. Et en conclusion le risque de perte de confiance dans le dinar, d’inflation élevée et de tensions sociales est imminent.

Le problème n’est pas que cet enchaînement ne soit pas correct; il est cohérent si toutes les hypothèses sont vraies. Mais plusieurs d’entre elles ne le sont pas nécessairement,  et toujours économiquement.

Plafond légal ≠ émission effective

La première clarification nécessaire tient au passage du droit aux faits.

La loi fixe un plafond : jusqu’à 20 % des recettes de l’année précédente. Ce plafond est un maximum autorisé, non une obligation d’émission. Entre un plafond légal de 12 milliards de dollars et une injection effective de 12 milliards, il existe plusieurs étapes :

  • le gouvernement peut décider de n’utiliser qu’une fraction de ce plafond ;

  • les avances peuvent être temporaires et rapidement remboursées ;

  • une partie des fonds peut rester sous forme de dépôts du Trésor, sans se transformer immédiatement en demande additionnelle dans l’économie.

En d’autres termes, le raisonnement “plafond légal de 12 milliards = création automatique de 12 milliards = choc inflationniste” n’est pas rigoureusement correct. Il dramatise un potentiel sans distinguer le juridique du macroéconomique effectif.


4. Financement monétaire ≠ hyperinflation : conditions économiques ignorées

En théorie comme en pratique, la relation entre création monétaire et inflation n’est ni mécanique ni instantanée. L’égalité comptable M ×V=P×YM  (équation de la monnaie) rappelle que :

  • M : masse monétaire; : vitesse de circulation de la monnaie; : niveau général des prix; : production réelle (PIB réel).

Augmenter M ne provoque une hausse durable de P que si :

  • la production réelle Y ne peut pas augmenter ;

  • la vitesse V ne diminue pas ;

  • et la création monétaire se traduit en demande additionnelle non couverte par l’offre.

Dans une économie où :

  • la demande intérieure est contenue ;

  • les capacités productives sont sous-utilisées ;

  • les banques prêtent peu malgré une liquidité abondante ;

  • la vitesse de circulation est faible ;

une augmentation de la base monétaire peut avoir un effet inflationniste très limité. Elle peut financer des investissements, absorber des tensions de trésorerie, ou remplacer d’autres modes de financement plus coûteux, sans déclencher une spirale des prix.

En assimilant tout financement du Trésor par la Banque d’Algérie à une dérive à la vénézuélienne, la logique fait l’impasse sur ces paramètres fondamentaux et devient alors plus morale que macroéconomique : “impression = faute”, indépendamment du contexte.

Le rôle des instruments de stérilisation de la Banque d’Algérie

Une autre limite de l’argumentation est l’absence de toute mention de la stérilisation monétaire.

Même si la Banque d’Algérie accorde une avance au Trésor, elle dispose de plusieurs instruments pour neutraliser l’excès de liquidité :

  • relever le taux de réserve obligatoire des banques ;

  • émettre des bons de la Banque d’Algérie ou encourager l’émission de bons du Trésor placés auprès des banques et des épargnants ;

  • utiliser des opérations d’open market pour absorber la monnaie excédentaire.

Sans ces éléments, le suppose implicitement que chaque dinar créé reste dans le circuit économique et alimente la demande de biens et services. En réalité, une partie de cette monnaie peut être “recyclée” vers la Banque d’Algérie ou immobilisée dans des actifs financiers.

L’omission la panoplie d’outils de stérilisation, réduit la banque centrale à un simple imprimeur, ce qui n’est ni théoriquement exact, ni compatible avec le fonctionnement moderne des banques centrales.

Différences structurelles entre l’Algérie et les pays cités

Les cas des pays cités — Venezuela, Zimbabwe, Argentine, Turquie — ont en commun plusieurs caractéristiques inquiétantes :

  • déficits jumeaux (budgétaire et externe) persistants ;

  • dollarisation de fait de l’économie ;

  • forte dette en devise étrangère ;

  • perte de crédibilité de l’État et de la banque centrale ;

  • instabilité politique et parfois sanctions internationales.

L’Algérie, à ce stade, se trouve dans une situation très différente :

  • excédent ou forte amélioration de la balance courante ;

  • réserves de change en hausse ;

  • dette extérieure limitée ;

  • dette publique principalement domestique ;

  • absence de dollarisation massive des transactions internes.

Comparer un mécanisme encadré de financement partiel du Trésor par la Banque d’Algérie à l’hyperinflation vénézuélienne, sans préciser ces différences structurelles, constitue une extrapolation forte. L’analogie est utile pédagogiquement pour dire “attention”, mais elle n’est pas économiquement factuelle si on la prend au pied de la lettre.

Indépendance de la Banque centrale et rôle du Parlement

Un point important a été prit en exemple: le Parlement a autorisé le recours à 20 % des recettes de l’année précédente, et est consideré comme une “prise de contrôle” de la politique monétaire par le politique.

Dans tous les systèmes démocratiques, pourtant, le cadre juridique de la banque centrale (ses missions, les limites de ce qu’elle peut financer, les cas d’exception) est défini par la loi, donc par le Parlement. L’indépendance ne signifie pas absence de cadre ni absence de contrôle démocratique, mais :

  • autonomie dans l’utilisation des instruments pour atteindre ses objectifs (inflation, stabilité financière…) ;

  • interdiction de financement permanent et illimité des déficits ;

  • obligation de transparence et de reddition de comptes.

Un plafond exceptionnel, limité dans le temps, voté par une assemblée, ne suffit pas, en soi, à conclure à la disparition de l’indépendance monétaire. Le vrai test sera :

  • la fréquence de l’usage de ce mécanisme ;

  • les conditions de remboursement effectif des avances ;

  • la capacité de la Banque d’Algérie à dire “non” ou à imposer des contreparties si la situation devient risquée.

En présentant la simple existence du mécanisme comme une preuve de “tutelle politique”, la logique politise ce qui, en économie, est plutôt une question de calibrage et de gouvernance.

 

Sur les chiffres : de 3 à 12 milliards, un saut important mais pas une catastrophe automatique

La demonstartion, chiffres à l’appui, montre qu’en passant de 10 % des recettes ordinaires à 20 % des recettes totales (y compris fiscalité pétrolière), la capacité de financement monétaire passe d’environ 3 à environ 12 milliards de dollars. Le calcul est effectivement correct : le plafond est multiplié par quatre.

Mais là encore, plusieurs points doivent être rappelés :

  • il s’agit d’un plafond annuel, pas d’un chèque en blanc pluriannuel ;

  • ce montant est un maximum théorique, qui n’est pas nécessairement appelé en totalité ;

  • le financement monétaire reste une dette interne de l’État envers sa banque centrale, pas un “cadeau” : il doit être remboursé ou compensé (par excédents futurs, par baisse de dépenses, par hausse de recettes ou, éventuellement, par inflation future, ce qui est le vrai risque).

L’augmentation du plafond est donc un signal de relâchement de la discipline budgétaire et monétaire, qu’il est légitime de discuter et de critiquer. Mais y etablir un lien automatique entre ce relâchement et une future catastrophe inflationniste n’est pas, en l’état, économiquement démontré : il est plausible dans certains scénarios, pas inévitable.

 

Quel débat économique utile pour l’Algérie ?

Cependant, je reitere que la prsentation du professeur ouvre une brèche féconde, surtout sur la question suivante : dans quelles conditions le financement monétaire du Trésor peut-il être acceptable, et où se situe la ligne rouge ?

Un débat académique rigoureux pourrait poser des questions très concrètes :

  • À quel niveau de déficit global (en % du PIB) et pendant combien d’années le financement monétaire devient-il dangereux ?

  • Quels garde-fous imposer : plafonds cumulatifs, échéances maximales, règles de remboursement, transparence des montants utilisés ?

  • Comment articuler ce financement avec la politique de change, la gestion des réserves de change, et le contrôle de l’inflation ?

  • Comment informer le public, chaque année, de l’usage réel (et non seulement du plafond théorique) de ces avances ?

Sur ce terrain, l’ntervention a une vraie utilité : elle oblige les autorités à expliciter leurs choix, et les économistes à clarifier leurs diagnostics, au lieu de se contenter de slogans sur “l’impression de billets” ou sur “la souveraineté monétaire”.

En définitive, le plaidoyer pour la prudence monétaire est légitime et extremement necessaire, et la démarche de vulgarisation mérite respect. Là où je m’en éloigne, c’est lorsque l’argument quitte le terrain des principes pour faire des analogies alarmistes qui ne tiennent pas pleinement compte de la structure macroéconomique de l’Algérie, des instruments de la Banque d’Algérie, ni de la différence entre un plafond juridique et une émission effective.

Continuer à alerter sur les dérives possibles est une obligation intellectuelle; mais le faire avec toutes les nuances économiques renforce la crédibilité et augmente la probabilité de sa prise en considération, et, au bout du compte, sert mieux la protection du dinar et de l’épargne des Algériens.

RESPECTUESEMENT

Hope&ChaDia

 

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