par Hope&ChaDia
Il y a un an, nous écrivions qu’il devenait nécessaire de réduire l’exposition de l’Algérie aux risques de l’économie française. Non pas par posture, mais parce que les chiffres parlaient d’eux-mêmes : déficits hors de contrôle, endettement croissant, instabilité politique.
‘Red Flag’ pour l’Algérie : La France de 2024 ressemble de plus en plus à la Grèce de 2010 … Comment se protéger ? – AAH.JZR
Ce 12 septembre 2025, l’agence Fitch a abaissé la note de la France à A+, le plus bas niveau jamais attribué à ce pays par une grande agence de notation. Ce déclassement ne surprend pas les observateurs attentifs : il traduit une incapacité à stabiliser la dette et confirme une trajectoire qui, depuis des années, se dégrade inexorablement.
Pour l’Algérie, ce constat ne doit pas être un motif de triomphalisme mais un appel au réalisme. La France reste un partenaire historique, mais elle devient un partenaire fragile. Dans un monde marqué par la volatilité financière et les recompositions géopolitiques, il est vital de renforcer notre autonomie.
Cela suppose de :
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Réduire l’exposition aux actifs français dans les portefeuilles de nos institutions financières.
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Diversifier nos débouchés commerciaux vers l’Asie et l’Afrique subsaharienne, où la croissance est plus robuste.
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Orienter les investissements étrangers vers des secteurs stratégiques (énergie, numérique, agro-industrie), en privilégiant des partenariats avec des pays émergents.
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Encourager l’innovation et l’internationalisation de nos entreprises pour limiter la dépendance à un seul marché.
À cela s’ajoutent deux urgences nouvelles :
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Réduire la dépendance à l’euro dans nos réserves de change, en donnant plus de place aux monnaies asiatiques et africaines.
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Mettre en place un suivi permanent de la soutenabilité des dettes souveraines de nos principaux partenaires, afin de mieux anticiper les risques.
La dégradation de la note française rappelle que le monde change vite et parfois brutalement. L’Algérie, en choisissant la vigilance et la diversification, peut transformer ces turbulences en opportunité de renforcer sa résilience.
Pendant ce temps-là, à Paris…
Alors que Fitch sanctionne la France en abaissant sa note souveraine à A+, certains responsables politiques choisissent une tout autre focale. Dans une tribune publiée au Figaro, David Lisnard, maire de Cannes et président du mouvement Nouvelle Énergie, s’en prend directement à l’Algérie. Selon lui, Boualem Sansal, écrivain de 80 ans, « croupit dans les geôles algériennes », victime d’un « régime de plus en plus liberticide, dont la seule martingale politique consiste à attaquer la France et à jouer de sa faiblesse ».
Lisnard parle de « trois cents jours d’injustice et de souffrance » pour un intellectuel, et transforme cette situation en symbole de « l’effacement de la France ». En d’autres termes, au moment où la France est affaiblie par ses propres contradictions budgétaires et sa paralysie politique, le discours d’une partie de ses élites est de mettre en avant un récit où Alger devient l’agresseur et Paris la victime.
Le contraste est saisissant. Les marchés financiers ne lisent pas Le Figaro Idées. Ils ne réagissent ni aux éditoriaux ni aux indignations sélectives. Ils se basent sur les chiffres : déficit à 5,4 % du PIB, dette en hausse continue, incapacité à former un gouvernement stable, cinq Premiers ministres en moins de deux ans. C’est pour ces raisons factuelles, et non à cause de l’Algérie, que la note de la France a été abaissée.
Cette simultanéité révèle une mécanique ancienne : lorsque la France s’affaiblit structurellement, une partie de son discours public se déplace vers l’Algérie, utilisée comme écran commode. Mais les réalités économiques, elles, restent implacables. Fitch, Standard & Poor’s ou Moody’s n’évaluent ni la littérature de Sansal ni les éditoriaux de Lisnard : ils évaluent la soutenabilité d’une dette publique qui dérape.
Et c’est bien là tout l’enjeu pour l’Algérie : ne pas se laisser happer par ces narrations importées, mais garder le cap sur l’essentiel — construire sa propre résilience face à une France fragilisée, et tourner son regard vers d’autres horizons de coopération.
Hope&ChaDia