Le 13 février 1960, à 7h04, le désert algérien de Reggane s’embrase sous une lumière aveuglante. « Gerboise Bleue », la première bombe atomique française, explose avec une puissance équivalant à quatre fois celle d’Hiroshima. Soixante-cinq ans plus tard, le sable vitrifié, les cancers rampants et les enfants nés avec des malformations congénitales témoignent d’un crime colonial toujours impuni .
Un Héritage Empoisonné
Entre 1960 et 1966, la France a réalisé 17 essais nucléaires au Sahara algérien, dont 4 atmosphériques à Reggane et 13 souterrains à In Ekker. Malgré l’indépendance de l’Algérie en 1962, les accords secrets d’Évian ont permis à la France de poursuivre ses expérimentations jusqu’en 1966, exposant des milliers d’Algériens à des radiations mortelles. Des documents déclassifiés en 2013 révèlent que le nuage radioactif de « Gerboise Bleue » a contaminé une zone s’étendant de la Libye à la Sicile, bien au-delà des déclarations rassurantes des autorités françaises de l’époque.
Cobayes Humains et Mensonges d’État
« Ils nous ont dit de couvrir nos yeux avec nos mains et de nous tourner. Personne ne nous a parlé des radiations », raconte un survivant de Reggane, aujourd’hui rongé par un cancer de la thyroïde. Des soldats français et algériens, ainsi que des civils, ont été sciemment exposés pour étudier les effets des radiations. Lors de l’essai souterrain « Béryl » en 1962, un nuage toxique s’échappe, irradiant jusqu’à des ministres français présents sur place. Gaston Palewski, alors ministre de la Recherche, meurt d’une leucémie en 1984, liée à cet incident.
Une Génération Maudite
À Reggane, les cliniques sont remplies de cas inexplicables : cancers du poumon, thyroïdes hypertrophiées, enfants nés sans membres ou avec des malformations neurologiques. « Nous avons des maladies que même les médecins ne savent pas nommer », confie une infirmière locale. Une étude de la Ligue algérienne des droits de l’homme estime à 30 000 le nombre de victimes directes, tandis que l’Agence internationale de l’énergie atomique qualifie les sites de « zones interdites à vie » .
Le Combat Impossible
Malgré la loi Morin de 2010, censée indemniser les victimes, seuls deux Algériens ont été reconnus en treize ans, contre des centaines en Polynésie. Les archives restent classées secret-défense, et la France refuse de révéler l’emplacement exact des déchets radioactifs enfouis, entravant toute dépollution . « Comment nettoyer un poison invisible sans savoir où il se cache ? », s’indigne un militant des droits humains.
Le Silence des Sables
Aujourd’hui, les nomades continuent de récupérer des débris métalliques irradiés pour construire leurs maisons, ignorant que ces reliques émettent encore des radiations 60 ans après. À In Ekker, les portes en béton des tunnels d’essais menacent de céder, laissant échapper des résidus toxiques. « C’est une bombe à retardement », alerte un ingénieur nucléaire algérien.
Épilogue : Une Mémoire qui Résiste
« La France a transformé notre terre en laboratoire, nos vies en expérience », lance une victime lors d’une commémoration. Alors que l’Algérie exige réparation et transparence, Paris oppose un silence diplomatique, préférant enterrer les preuves sous les sables du Sahara. Mais dans les hôpitaux surpeuplés de Reggane, parmi les tombes anonymes et les enfants mutilés, la colère persiste, portée par un seul espoir : que justice soit rendue avant que la dernière victime ne disparaisse.
« Ils ont cru que le désert ensevelirait leurs crimes. Mais le sable a une mémoire. » .
Hope & ChaDia