Il y a des affiches qui informent, d’autres qui vendent, et certaines, plus rares, qui vous offrent une véritable fresque de notre époque. Celle-ci, visiblement conçue dans un laboratoire de narratif global, coche toutes les cases du monde nouveau. Tout y est : un super-héros européen qui distribue la démocratie façon UberEats, un rappel douloureux des électeurs qui pensent mal, une Russie punie à coups de sanctions baristas, un Tolkien déconstruit pour coller à l’époque, un Israël en tournée musicale sous treillis… et, cerise sur la seringue, un vaccin Pfizer soldé à -75 %.
À première vue, aucun lien entre tout ça. Mais si l’on prend un peu de hauteur, un fil rouge saute aux yeux : tout doit être administré, contrôlé, redirigé. L’électeur, le consommateur, le spectateur, le citoyen — chacun à sa place, chacun son rappel. Que ce soit une dose de démocratie, un filtre idéologique ou un booster de moral autorisé, le message est clair : circulez dans le bon sens, tout est sous contrôle.
C’est dans cette ambiance de pilotage automatique qu’entre en scène Macronescu, figure mythologique de l’ordre euro-compatible. Le super-héros de la démocratie européenne, grand défenseur des “valeurs communes”, s’est posé cette fois en Roumanie. Son pouvoir ? Faire apparaître un candidat “pro-UE” là où le suffrage risquait de pencher du mauvais côté. Miracle de la diplomatie moderne : la démocratie, aujourd’hui, ne consiste plus à choisir librement, mais à choisir correctement. Et quand le peuple hésite, Macronescu se charge de corriger son tir.
Il faut dire que l’Europe n’en est pas à sa première campagne de redressement idéologique. Souvenons-nous : en 2005, 54,86 % des Français avaient commis l’irréparable en votant “NON” à la Constitution européenne. Depuis, ce chiffre rôde comme un spectre embarrassant dans les couloirs de Bruxelles. On en parle peu, mais on n’oublie pas. Et comme il serait inconvenant d’accuser les citoyens d’avoir pensé par eux-mêmes, on suggère : et si c’était les Russes ? Une hypothèse bien commode, qui remplace l’analyse par le soupçon. Quand l’électeur se trompe, autant chercher une main étrangère.
À Moscou, justement, on ne s’émeut plus trop. Le 17e paquet de sanctions vient d’arriver, et cette fois, attention, on sort l’artillerie lourde : les capsules de café sont ciblées. Oui, vous avez bien lu. Plus de ristretto made in Russia pour les amateurs européens. Si le Kremlin n’a pas encore tremblé, les buveurs de Nespresso, eux, risquent la crise de nerfs. Mais la guerre moderne se fait aussi par privation aromatique — c’est la stratégie du café vide.
Dans cette ambiance raffinée de rééducation douce, le cinéma, lui aussi, fait sa part. Hollywood, toujours prompt à sentir le vent idéologique, a décidé de revisiter Tolkien. Adieu Gandalf, bonjour Gandolfion ; adieu Frodon, place à Frodine. Des hobbits plus inclusifs, des elfes moins cisnormés, et un Mordor bientôt réhabilité. Le Seigneur des Anneaux devient une lutte contre le patriarcat — l’Anneau Unique ? Un symbole toxique à déconstruire d’urgence. C’est beau, c’est divers, c’est labellisé.
Mais la palme de l’inclusivité armée revient sans doute à Israël. Après avoir fait sensation à l’Eurovision, le pays poursuit sa tournée internationale en envoyant un groupe au Festival del Mariachi au Mexique. Un nom évocateur : Tsahal del Amor. Guitares, uniformes, et fierté nationale emballée dans des rythmes latins. C’est doux, c’est fort, c’est prêt-à-consommer. Une diplomatie de précision, calibrée pour toucher juste.
Et quand il s’agit de piquer au bon endroit, rien ne vaut une bonne vieille injection. Pfizer l’a bien compris : -75 % sur la piqûre de rappel, c’est maintenant ou jamais. Le même produit, mais en solde, comme s’il fallait absolument écouler le stock avant que le virus du doute ne se propage. C’est propre, efficace, validé par les experts — tout comme les votes bien orientés, les films bien pensés, et les sanctions bien ciblées.
Hope et ChaDia