Un an après sa prise de fonction à la tête des Verts, Vladimir Petković s’est livré, dans un long entretien accordé à la chaîne FAF TV, sur le parcours accompli, les défis surmontés, et ceux qui restent à venir. À travers ce dialogue direct avec le sélectionneur national, souvent posé et introspectif, il revient sur les premiers mois d’incertitude, le travail de reconstruction mené avec son staff, les critiques encaissées, l’énergie du public, mais aussi sa philosophie de sélection et ses ambitions claires : remettre l’équipe d’Algérie sur le chemin de la Coupe du Monde. Loin des effets d’annonce, Petković expose une méthode — discrète, structurée, patiente — où l’humilité n’efface pas la détermination.
Après plus d’un an à la tête de l’équipe nationale, quel est votre bilan des résultats obtenus jusqu’à présent ?
Avant tout, je suis très heureux d’être ici. J’ai trouvé un environnement très chaleureux et motivé, animé par l’envie de progresser dans sa façon de penser et dans sa manière d’obtenir des résultats. Cela m’aide, moi et mon staff, à tout donner et à trouver encore plus d’énergie pour réussir.
Au départ, tout était inconnu, à découvrir. On a commencé par deux matchs tests, qui m’ont permis d’identifier les qualités et les difficultés de certains joueurs. Ensuite, on a entamé les éliminatoires pour la Coupe du Monde. Malheureusement, on a perdu le premier match contre la Guinée. C’était sans doute le point le plus bas de cette période. Mais nous avons choisi d’en faire un point de départ.
Nous avons su rester organisés, positifs, respectueux et déterminés à poursuivre le travail. En Suisse, j’avais aussi perdu mes deux premiers matchs, avant de connaître une période de succès prolongée. Inshallah, nous espérons faire la même chose ici.
Nous avons progressé dans notre style de jeu, dans notre solidité mentale, et c’est ce qui est fondamental pour la suite. Les résultats ont aussi facilité d’autres choses : ils nous ont permis de nous améliorer, de regarder vers l’avenir avec plus d’optimisme.
Vous avez pris vos fonctions dans un contexte difficile, après plusieurs échecs dont une élimination précoce en Côte d’Ivoire. Comment avez-vous géré ce défi ?
C’était un moment particulier, mais ce sont précisément ces moments qu’il faut saisir pour initier des changements. Il faut convaincre les joueurs qu’ils sont forts, convaincre tout l’environnement qu’on peut y arriver. Et ce n’est pas facile. Les résultats aident, bien sûr, mais ce qui aide encore plus, c’est la qualité des joueurs.
J’ai découvert petit à petit le football local, les joueurs locaux et ceux évoluant à l’étranger. J’y ai vu un potentiel réel. Au début, je cherchais encore la meilleure formule, car avec une équipe nationale, on a peu de temps pour s’entraîner. Il faut beaucoup parler, surtout lors des regroupements.
Aujourd’hui, je suis heureux de voir que les joueurs arrivent avec le sourire, les bras ouverts, contents d’être là. Cela facilite énormément mon travail.
On remarque chez vous une diversité dans les schémas tactiques d’un match à l’autre. Cela dépend-il des spécificités de chaque rencontre ?
Pour moi, la tactique n’est pas ce qu’il y a de plus important. Ce qui compte, ce sont les principes du jeu. Chaque joueur doit comprendre son rôle et celui de ses coéquipiers, pour que tout fonctionne en groupe. Qu’un joueur soit 10 mètres plus haut ou 15 mètres plus à droite ne change pas grand-chose si les principes sont assimilés.
L’essentiel, c’est d’avoir la bonne mentalité et de tout donner pour ce maillot. Surtout devant des supporters qui, jusqu’à présent, ont été formidables.
Vous avez réussi à maintenir une bonne condition physique du groupe malgré la fréquence et la difficulté des matchs…
C’est vrai, et cela est rendu possible grâce à plusieurs éléments : le soutien de la FAF, la logistique, mais aussi la qualité des joueurs et l’expérience de notre staff technique.
Avec notre préparateur physique, nous avons pu planifier les efforts de façon optimale, du premier au dernier jour. Il ne suffit pas d’être prêt physiquement — il faut aussi avoir l’envie, l’état d’esprit de sacrifice. Et nos joueurs l’ont démontré.
Un problème récurrent lors de chaque rassemblement est celui des nombreuses blessures. Pourtant, vous ne vous en êtes jamais servi comme excuse…
Je ne me plains pas. Je choisis toujours les 23 meilleurs disponibles pour gagner. Accorder trop d’attention à ceux qui ne sont pas là, c’est faire du tort à ceux qui sont présents.
On gère aussi les difficultés individuelles : un joueur en méforme ou blessé peut être convoqué et soutenu. Et ça a payé. Ils le ressentent, ils nous le rendent. Cette confiance leur permet parfois de faire la différence.
La richesse de l’effectif et la variété des profils ne vous mettent-ils pas sous pression lors de chaque sélection ?
C’est effectivement un point positif. Depuis le début, j’ai dit que la porte est ouverte à tous. Les joueurs, par leurs performances en club, me mettent sous pression. Même ceux qui ont déjà joué peuvent être challengés par d’autres.
C’est difficile de faire une liste élargie, puis de la réduire à 23 joueurs, et encore plus à 11 titulaires. Mais cela fait partie du métier. Je prends mes décisions en étant convaincu à 100 %, avec l’appui de mon staff. Et j’attends des joueurs qu’ils acceptent leur rôle — titulaires, remplaçants ou non convoqués — en donnant toujours le meilleur d’eux-mêmes.
Vous avez effectué plusieurs tournées dans les wilayas pour observer la réalité du football local. Quelles sont vos principales observations ?
On a investi beaucoup de temps et d’énergie là-dedans. Cela nous a permis de comprendre le football algérien, de voir les réalités sur le terrain, de rencontrer entraîneurs, dirigeants, présidents de clubs, et aussi de nous présenter.
Nous sommes là pour aider, autant que possible — les clubs, le football local, le développement du football de jeunes. Ce sont les bases. Il faut commencer par là pour faire émerger les talents de demain.
Nous faisons des rapports, des propositions, sur ce que nous voyons, et sur ce qu’il est possible d’améliorer pour continuer à former des joueurs capables d’intégrer l’équipe nationale dans 5 ou 10 ans.
Vous avez assisté à une réunion de la commission technique et à plusieurs matchs du championnat local. Vous suivez aussi de près la sélection des locaux. Cela confirme-t-il votre intérêt pour le football national ?
Absolument. Nous avons aussi permis à des entraîneurs diplômés de venir observer nos entraînements. Ces échanges, ce partage d’expériences sont très enrichissants.
Nous collaborons aussi avec les préparateurs physiques, les entraîneurs des gardiens, pour proposer des pistes d’amélioration. Certains pensent que ce n’est pas nécessaire, mais moi je pense que si. C’est essentiel pour que le football algérien avance de manière cohérente, positive, et collective.
Vous avez déclaré que la priorité était la qualification à la Coupe du Monde, avant même la CAN. Est-ce un objectif personnel fort ?
C’est ma manière de travailler : bien préparer aujourd’hui pour réussir demain. Nous restons concentrés sur les prochains objectifs immédiats : les deux matchs de juin.
Les victoires appellent les victoires. Elles donnent confiance, de l’élan, de la sérénité. Notre priorité actuelle, c’est de bien finir cette fenêtre, puis d’arriver en septembre, prêts à entamer les éliminatoires du Mondial avec l’ambition de se qualifier le plus tôt possible.
Une fois cela acquis, on pourra penser à d’autres compétitions.
L’équipe nationale va affronter le Rwanda et la Suède en match amical. Quel est l’objectif de ces rencontres ?
Ce n’était pas facile de trouver des adversaires. En Europe, beaucoup d’équipes sont engagées dans des compétitions comme la Ligue des Nations ou préparent les tournois estivaux. En Afrique aussi, les équipes sont mobilisées.
Grâce à la FAF et à son président, et avec un bon réseau, nous avons pu organiser ces deux rencontres : contre le Rwanda et contre la Suède. Deux adversaires très différents, mais chacun peut nous apporter quelque chose.
Contre le Rwanda, ce sera une bonne préparation dans le cadre africain, puisque nous sommes déjà qualifiés pour la prochaine phase. Et contre la Suède, c’est un profil européen, qui nous permettra de nous jauger face à un style de jeu différent, de voir jusqu’où nous avons progressé, et de planifier, inshallah, notre préparation vers la Coupe du Monde.
C’est un moment difficile de la saison : les joueurs sortent d’une longue année, certains clubs préfèrent les ménager. Mais comme toujours, nous ne cherchons pas d’excuses. Tous ceux qui viennent doivent être à 100 %, avec le sourire, et prêts à donner le maximum pour l’équipe nationale.
Les Verts poursuivent leur tournée à travers différents stades du pays, et c’est maintenant au tour de Constantine…
C’est exact. Comme je l’ai mentionné, en mars dernier nous avons parcouru le pays, visité plusieurs villes, et ressenti l’accueil chaleureux de la population. Nous avons constaté la disponibilité des infrastructures, l’engagement des acteurs du football local, et la volonté politique d’accueillir l’équipe nationale.
Je suis très heureux de cette dynamique. Elle nous a permis de mieux nous faire connaître, de tisser des liens avec les clubs, les responsables sportifs, et de partager notre vision. Les supporters nous ont soutenus pendant 90 minutes, avec passion. Cette énergie invisible, mais bien réelle, nous donne de la force, surtout dans les moments difficiles.
Constantine est une ville historique, une ville de football, et elle mérite cette reconnaissance. Elle suit le football de haut niveau, y compris sur la scène africaine. C’est donc avec plaisir que nous y venons, pour nous présenter et, ensemble, essayer de gagner.
Un dernier mot sur le public algérien et ce que vous attendez du groupe dans les prochains mois ?
Depuis notre tournée en mars, nous avons ressenti la chaleur du public, la disponibilité des structures, l’envie des gens de recevoir l’équipe nationale.
Le soutien en tribunes nous a portés. Cette énergie invisible, mais ressentie, est précieuse. Même dans les moments difficiles, elle nous permet de rebondir.
Constantine est une ville qui mérite cette reconnaissance, une ville qui vit le football à un haut niveau. Nous venons ici pour gagner, ensemble.
Un message final ?
Nous devons continuer à former un groupe uni, à l’échelle du pays. Tous les Algériens doivent soutenir cette équipe. Et nous devons leur rendre cette confiance avec des résultats.
La pression à domicile diminue, remplacée par un plaisir de bien faire, une volonté de satisfaire le public. Et je suis sûr que, inshallah, même dans les moments compliqués, nous saurons tous ensemble transformer ces défis en points de départ. Il n’y a pas de limite à notre ambition.
Entretien traduit intégralement en français à partir des réponses en italien de Vladimir Petković et des visuels de questions affichées en arabe.
Hope&ChaDia