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Karl Erich Müller, peintre de la mère-révolution Algérienne

by Toufan
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Disons-le d’emblée : à part le soutien de Picasso à notre indépendance et son célèbre portrait hommage à la grande moudjahida Djamila Boupacha, le grand public connait mal l’engagement des artistes étrangers en faveur de notre guerre de libération nationale. Je vous présente donc Karl Erich Müller, artiste-peintre est-allemand. Et ce n’est pas un petit pinceau, si je puis dire. Et pour l’histoire, j’ai découvert son travail en faisant un tour au marché aux puces d’El Harrach. C’était au printemps dernier, par une matinée froide. J’y étais allé à la recherche de romans  ou de livres de sociologie en allemand. Je vous en reparlerai plus tard. 

Né en 1917 à Halle, il grandit dans sa ville natale. De 1932 à 1938, il étudie la peinture de décoration. Son diplôme en poche, il fait de la peinture son métier. Quand le pouvoir nazi décide d’envahir et de coloniser la Pologne voisine, Karl est mobilisé de force. C’est la deuxième guerre mondiale et l’Allemagne nazie mène une politique d’expansion impérialiste en Europe. Le futur grand peintre est enrôlé de force dans l’armée allemande et devient le témoin direct des massacres nazies dans les pays de l’Est. Capturé avec ses camarades par les troupes soviétiques en 1943, il restera prisonnier jusqu’en 1946. Dans le camp pénitentiaire, il s’engage dans un comité antifasciste allemand.

A son retour au pays, Karl est membre fondateur de la «Fähre», l’association des peintres de Halle, en compagnie de peintres allemands de renom : j’ai nommé Fritz Freitag, Willi Sitte et Meinolf Splett. Tous les quatre forment ce qu’on appelait la « Halle-Schule » (l’école de Halle). C’était l’une des deux plus grandes écoles d’art en ex-République Démocratique Allemande. L’autre grande école était celle de Leipzig, dont le plus brillant  représentant était Werner Tübke. Karl Erich fait des études de perfectionnement de ses compétences de peintre, et finit par se spécialiser aussi comme illustrateur de livres. Dans ce sens, il s’est distingué par ses illustrations de « Le manteau » et « Le portrait », deux célèbres nouvelles de l’écrivain russe classique Nicolas Gogol.

K.E.Müller peaufine ses connaissances en faisant plusieurs voyages d’études en Roumanie, en Bulgarie et en ex-URSS. Entre 1966 et 1983, il voyage au Pakistan, au Népal, en Inde, au Sri-Lanka.

Son engagement en faveur de l’Algérie combattante :

Karl-Erich Müller, Algerischer Morgen

Après la fin de la deuxième guerre mondiale et le début des années cinquante, les « damnés de la terre », se soulèvent pour arracher leur indépendance par les armes, seul langage efficace contre la violence colonialiste. Karl ne pouvait rester indifférent à notre désir de justice et de liberté : l’art rime chez lui avec militantisme. Cela se voit dans l’une de ses œuvres de lithographie « Grundsätze der Sozialistischen Ethik und Moral », réalisée en 1957, où l’on voit un groupe de combattants portant le fusil en l’air, arabes et noirs, avec en dessous la description qui dit : « Du sollst Solidarität mit den um ihre Nationale Befreieung kämpfenden und den ihre Nationale Unabhängigkeit verteidigenden Völkern üben » (tu te dois d’exercer la solidarité avec les peuples qui luttent pour leur libération nationale et ceux qui la défendent ». C’est dans ce sens qu’il s’est attelé la même année à traduire son soutien aux algériens en une série d’œuvres d’art au langage clair et puissant. Série baptisée « Algerien [1]» (Algérie, en allemand). Je vais vous parler de celles qui m’ont le plus frappé :

  1. « Algerische Mutter » (mère Algérienne)

C’est la première œuvre du peintre que j’ai découverte, en feuilletant un livre d’art en allemand, chez un marchand de brocante et de livres d’occasions, au marché aux puces d’El Harrach. Cette œuvre, réalisée en 1962, montre une mère algérienne, dans un habit traditionnel propre à nos campagnes, tenant dans ses bras un enfant. Près d’elle se tient un enfant plus âgé. Il doit avoir dans les neuf ou dix ans. Derrière elle, on voit notre drapeau national.

 

2. « Plantagenbesitzer

 » (le propriétaire de plantation). réalisée en 1957. Première œuvre de la série. Elle montre un colon, propriétaire terrien regardant un groupe d’algériens travaillant la terre pour lui. Le propriétaire porte un casque colonial, les bras croisés. Et les travailleurs ont le dos courbé, chéchia sur la tête. Ils sont esclaves du colonialisme.

3. « Für die Freiheit Algeriens » (pour la liberté de l’Algérie)

4ème œuvre du cycle. Réalisée en 1957. Trois moudjahidines dans un camp de concentration colonial. Ils ont le visage grave et déterminés. On voit dans leurs yeux qu’ils poursuivront la lutte pour l’indépendance nationale, coute que coute. Derrière les trois hommes on voit un mur avec des barbelés.

4. « Die Freiheitsarmee » (l’armée de la liberté) : 10ème œuvre. Réalisée en 1957. Hommage de l’artiste à notre ALN. Montre des soldats de l’Armée de libération nationale avec une casquette frappée de l’étoile et du croissant. En ordre de marche, fusil à l’épaule. Même expression de détermination et de combativité sur leurs visages

Il faut souligner aussi que l’anticolonialisme était la politique extérieure de l’ex-RDA, l’état Est-Allemand. En effet, dès le début de notre guerre d’indépendance contre la France coloniale, la presse est-allemande a entrepris de sensibiliser l’opinion publique locale à l’Algérie combattante. Sur le plan culturel aussi, la RDA a fait des choses, notamment la réalisation de films documentaires en faveur de notre indépendance (par exemple le film « l’Algérie en flammes », de René Vautier, a été produit en ex-RDA en 1958, et le film « l’Algérie en flammes », de René Vautier, a été produit en ex-RDA en 1958, et le film « allons enfants pour l’Algérie », de Karl Gass, en 1961). La trilogie de Mohamed Dib en allemand été traduite et publiée pour la première fois en ex-RDA, pendant la guerre. Ajoutons à cela les nombreux soins aux blessés algériens, militaires et civils et les aides généreuses en médicament aux réfugiés algériens en Tunisie. N’allez pas conclure que la solidarité de Karl Erich Müller a été commandée par les autorités est-allemandes. Pour info, les collègues artistes peintres de Karl et membres de l’école d’art de Halle n’ont jamais produit la moindre œuvre de solidarité avec notre guerre de libération nationale. Donc tout porte à croire que la solidarité de Müller avec notre lutte pour l’indépendance est un acte de conviction et de foi dans les causes justes.

Par ses œuvres anticolonialistes, Karl Erich Müller a contribué à peindre l’Histoire. Plus précisément, une partie de notre grande Histoire. Il est décédé en 1998. Vielen dank, Genosse Müller! (merci beaucoup, camarade Müller !)

Ecrit par : Mohamed Walid Grine, écrivain-traducteur. Maître-assistant à l’Université d’Alger.

[1] Toutes les œuvres du cycle « Algerien » sont exposées actuellement au Museum Schloss Bernburg (Musée du château de Bernburg, dans le Land de Saxe-Anhalt, en Allemagne orientale)

 

Sources :

Karl Erich Müller – Kunst in der DDR / Künstler (bildatlas-ddr-kunst.de)

Karl Erich Müller (uni-halle.de)

Zyklus Algerien » [Object group] :: Museum Schloss Bernburg :: museum-digital:deutschland

Flammendes Algerien | PROGRESS

Painting drawing postcard Karl Erich Moller Algerian Mother | eBay

produire des films sur la guerre d’Algérie en RDA – Regards sur la RDA et l’Allemagne de l’Est (hypotheses.org)

babzman.com

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