Le Mali a été secoué hier par un événement tragique : une attaque de drones a tué au moins 21 civils, dont 11 enfants, dans le village de Tinzaouatine, près de la frontière algérienne. Cette frappe aérienne, revendiquée par l’armée malienne comme une opération contre des “terroristes”, a suscité l’indignation des groupes pro-indépendance touaregs, qui dénoncent une attaque délibérée contre des civils.
Alors que le Niger et le Burkina Faso se concentrent sur des stratégies économiques pour renforcer la stabilité et le développement de leurs nations, le Mali, sous la direction d’Assimi Goïta, continue de s’enfoncer dans un chaos politique et sécuritaire, amplifié par des alliances incertaines et des partenariats douteux. Dans ce contexte, la notion d’une Alliance Économique du Sahel (AES) commence à apparaître davantage comme une chimère politique malienne, propagée par la junte au pouvoir pour attirer ses voisins dans une stratégie vouée à l’échec.
Le Niger : Une Stratégie Économique Axée sur l’Infrastructure et l’Énergie
Le Niger, sous le commandement du général Abdourahamane Tiani, a pris des mesures décisives pour diversifier ses partenariats économiques et renforcer ses infrastructures stratégiques, notamment à travers des projets ambitieux avec le Nigeria et l’Algérie.
L’un des projets phares est la nouvelle ligne ferroviaire Kano-Maradi, actuellement en construction, qui reliera le nord du Nigeria à la ville nigérienne de Maradi. Ce projet, d’une longueur de 283 kilomètres, est un véritable pari “gagnant-gagnant” pour les deux nations. Il vise à renforcer les échanges commerciaux en facilitant le transport des marchandises nigériennes vers les ports nigérians, réduisant ainsi les coûts de transport et stimulant l’économie du Niger, un pays enclavé. Ce projet, financé à hauteur de 1,3 milliard de dollars et soutenu par des entreprises chinoises et portugaises, est également perçu comme un instrument de stabilité politique, en consolidant les relations bilatérales malgré les tensions récentes entre les deux pays.
Par ailleurs, le Niger a intensifié sa coopération avec l’Algérie, notamment à travers la relance du projet stratégique du Trans-Saharan Gas Pipeline (TSGP). Ce gazoduc de 4 128 kilomètres, qui traversera le Nigeria, le Niger et l’Algérie, vise à transporter 30 milliards de mètres cubes de gaz naturel par an des champs pétroliers du Nigeria vers l’Europe via l’Algérie. Ce projet, considéré comme l’un des plus longs gazoducs au monde, est crucial pour la diversification des sources d’énergie de l’Europe et la sécurité énergétique de la région. Lors d’une visite officielle en Algérie, le Premier ministre nigérien Ali Mahamane Lamine Zeine, accompagné de sept ministres, a réitéré la volonté de son gouvernement de renforcer la coopération avec l’Algérie, notamment dans les domaines de l’énergie et des infrastructures. Ce projet, s’il est mené à bien, pourrait transformer le Niger en un acteur clé du secteur énergétique en Afrique de l’Ouest, tout en créant des emplois et en stimulant la croissance économique.
Burkina Faso : Une Relance Économique Ambitieuse
Au Burkina Faso, le capitaine Ibrahim Traoré a lancé des réformes économiques audacieuses pour stimuler la croissance et réduire la dépendance aux aides internationales, marquant ainsi un tournant significatif dans la stratégie de développement du pays.
Le 2 août 2024, Traoré a inauguré la Banque des Dépôts du Trésor (BDT) à Ouagadougou. Cette institution, présentée comme un symbole de la souveraineté économique et financière du Burkina Faso, vise à renforcer l’économie nationale en offrant des services bancaires adaptés aux besoins du pays. La BDT, ouverte aussi bien aux institutions publiques qu’aux entreprises privées et aux particuliers, se positionne comme un outil central pour le financement de projets structurants et le développement socioéconomique du Burkina Faso. Traoré a insisté sur le rôle de cette banque dans la construction d’une économie souveraine, invitant tous les acteurs économiques à y recourir pour contribuer au développement du pays.
En parallèle, le Burkina Faso a annoncé un plan d’investissement ambitieux de 117 millions de dollars pour moderniser son secteur ferroviaire. Ce projet, mené par la nouvelle Société Faso Rail, dont l’État burkinabè détiendra 75% du capital, vise à établir une industrie locale de fabrication de rails et de pièces détachées pour les équipements ferroviaires. Cette initiative, qui s’inscrit dans une vision à long terme de faire du secteur ferroviaire un pilier de la croissance économique, vise à réduire la dépendance du pays à l’importation de matériel ferroviaire et à renforcer l’intégration régionale en améliorant les infrastructures de transport. Le projet, qui devrait se concrétiser dans les 18 mois à venir, permettra également de soulager la pression sur le réseau routier national, facilitant ainsi les échanges commerciaux intérieurs et avec les pays voisins.
Mali : Désordre Politique, Alliances Incertaines et Violence Croissante
Contrairement à ses voisins, le Mali est englué dans un désordre politique profond. La junte militaire au pouvoir, dirigée par Assimi Goïta, a vu ses efforts pour stabiliser le pays s’effondrer face à une recrudescence des violences et des conflits internes. L’instabilité chronique a poussé le gouvernement malien à chercher des alliances dans des directions controversées, notamment avec le groupe paramilitaire russe Wagner, mais aussi avec des partenaires comme le Maroc et les Émirats Arabes Unis (UAE). Ces alliances, cependant, semblent davantage opportunistes que stratégiques, créant plus de confusion que de solutions durables pour le pays.
L’influence du Maroc et des Émirats Arabes Unis au Mali s’est révélée particulièrement néfaste. Le soutien apporté par ces pays, souvent axé sur des intérêts géopolitiques propres, a exacerbé les divisions internes et compliqué les efforts de réconciliation nationale. Le Maroc, par exemple, a cherché à étendre son influence en Afrique de l’Ouest à travers des accords économiques et diplomatiques, tandis que les Émirats ont utilisé leur pouvoir financier pour soutenir des factions politiques locales, augmentant ainsi l’instabilité plutôt que de contribuer à une paix durable.
L’instabilité au Mali a atteint un nouveau sommet avec l’attaque de drones dans le nord du pays, près de la frontière algérienne, le 25 août 2024. Cette attaque, qui a fait au moins 21 morts parmi les civils, dont 11 enfants, a été confirmée par les forces armées maliennes, qui ont déclaré que les frappes ciblaient des “terroristes”. Cependant, des groupes pro-indépendance touaregs, regroupés au sein du Cadre Stratégique Permanent pour la Défense des Peuples de l’Azawad (CSP), ont dénoncé ces frappes comme une attaque délibérée contre des civils, marquant une escalade inquiétante de la violence dans une région déjà instable.
Cette attaque survient quelques semaines après que l’armée malienne, épaulée par des mercenaires du groupe Wagner, a subi de lourdes pertes face aux rebelles touaregs et aux combattants jihadistes affiliés à Al-Qaïda. Selon des experts, le recours accru aux frappes aériennes, y compris celles qui touchent des civils, reflète l’incapacité des forces maliennes et de leurs alliés à maintenir un contrôle effectif sur le terrain, notamment dans des régions reculées comme Kidal.
AES : Rendue Chimère Par Assimi Goita?
Dans ce contexte, l’AES (Alliance Économique du Sahel), promue principalement par le Mali, apparaît de plus en plus comme une chimère. En effet, cette alliance, souvent évoquée dans les médias maliens proches de la junte, semble être une tentative désespérée d’attirer le Burkina Faso et le Niger dans une stratégie qui a déjà échoué au Mali. Plutôt que de se concentrer sur des initiatives constructives et régionales pour le développement économique et la sécurité, le Mali semble vouloir entraîner ses voisins dans une dynamique d’ingérence étrangère et de dépendance, illustrée par les interventions externes qui ont jusqu’à présent aggravé la situation dans le pays.
Alors que le Niger et le Burkina Faso se tournent vers des modèles de développement économique pragmatiques, basés sur des partenariats régionaux solides et des projets d’infrastructure de grande envergure, le Mali continue de s’enliser dans des alliances douteuses et une instabilité politique chronique. La question se pose alors : l’AES existe-t-elle vraiment, ou n’est-ce qu’un mirage conçu pour masquer l’échec de la politique malienne? Le Mali devrait-il plutôt suivre l’exemple de ses voisins pour le bien-être de son peuple, plutôt que de persister dans une stratégie qui a montré ses limites?
L’avenir du Sahel pourrait bien dépendre de la capacité des pays de la région à coopérer sur des bases économiques solides, plutôt que de s’engager dans des alliances fragiles et mal conçues.