Depuis le lancement de la Vision Algérie Numérique 2030, la المحافظة السامية للرقمنة (Haute Commission pour la Digitalisation) a entrepris un chantier structurant visant à refonder l’administration publique sur des bases technologiques modernes, interconnectées et souveraines. Deux ans après sa création, l’année 2025 marque une étape décisive : celle du passage de la planification à l’opérationnalisation.
Une architecture institutionnelle solide et en mouvement
Sous la conduite de Meriem Benmouloud, la Haute Commission s’est imposée comme le centre névralgique de la transformation numérique nationale. Le 23 octobre 2025, la ministre a installé le Comité scientifique et technique de la Haute Commission, constitué d’experts algériens de haut niveau, issus du pays et de la diaspora. Parmi eux, figurent des spécialistes résidant au Qatar, au Canada et au Royaume-Uni, ce qui illustre la volonté d’intégrer la compétence algérienne mondiale dans la stratégie nationale.
Ce comité a pour mission d’orienter la politique numérique, d’évaluer les programmes d’interopérabilité et de garantir la cohérence scientifique et technique des projets engagés. Il s’agit d’une innovation institutionnelle majeure, traduisant le choix de la concertation experte et de la planification stratégique à long terme.
Dès février 2025, la ministre annonçait l’adoption du Référentiel national de gouvernance des données, véritable charte réglementaire encadrant la collecte, le stockage et l’échange sécurisé des données entre institutions publiques. Ce texte s’accompagne de la création du Conseil supérieur de la gouvernance des données et d’un projet de loi sur la digitalisation, déposé le 23 janvier 2025.
Ce triptyque — référentiel, conseil, loi — forme la base juridique de la transformation numérique nationale, en introduisant des normes de sécurité, de traçabilité et de souveraineté de la donnée publique.
Des connexions sectorielles en cascade
Entre septembre et octobre 2025, la المحافظة السامية للرقمنة a accéléré la mise en œuvre du Système national d’interopérabilité (IRIES) en connectant successivement plusieurs ministères clés à la plateforme souveraine.
Ces interconnexions, menées en coordination directe avec la Présidence de la République, traduisent l’entrée dans une phase d’intégration réelle des services publics.
- Le Ministère des Finances a été parmi les premiers à rejoindre le réseau, avec la numérisation des directions générales du budget, des domaines et des impôts. Des comités de suivi mixtes, composés de juristes et d’ingénieurs, supervisent le déploiement.
- Le Ministère de la Santé a lancé, avec l’appui technique de la Haute Commission, la création du numéro d’identification sanitaire national (INS) et du dossier médical électronique (DEM), amorçant la structuration d’un système de santé interconnecté.
- Le Ministère du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale, connecté depuis le 13 octobre 2025, contribue à la centralisation des données relatives à l’emploi et à la couverture sociale.
- Le Ministère de la Justice a intégré le système le 14 octobre 2025, avec un protocole sécurisé d’échange d’informations judiciaires.
- Le Ministère du Tourisme et de l’Artisanat, raccordé depuis le 15 octobre, modernise la gestion numérique des autorisations et des opérateurs.
- Le Ministère de l’Agriculture, du Développement rural et de la Pêche, connecté le 19 octobre 2025, amorce la digitalisation des fichiers agricoles et des subventions.
- Le Ministère du Commerce intérieur et de la Régulation du marché national, intégré le même jour, permet une meilleure surveillance numérique des flux commerciaux.
- Enfin, le Ministère de la Solidarité nationale, de la Famille et de la Condition féminine, branché le 22 octobre 2025, a désormais accès à un système interconnecté pour le suivi et la rationalisation des aides sociales.
Chaque accord s’accompagne de la création d’un comité mixte de suivi regroupant les deux institutions partenaires et chargé d’assurer la conformité technique, juridique et réglementaire des échanges.
Ce processus méthodique, progressif et homogène, illustre la volonté de construire un système d’État intégré et durable plutôt qu’un empilement de projets isolés.
Une infrastructure souveraine en voie d’achèvement
L’année 2025 a également confirmé la montée en puissance du volet infrastructurel de la stratégie numérique.
Le Centre national algérien des services numériques, qui repose sur deux data centers souverains, incarne cette volonté de maîtrise totale de la donnée publique.
Le premier centre, situé à Mohammadia (Alger), a atteint un taux d’achèvement de 99 %, tandis que le second, implanté à Blida, affiche 73 % d’avancement. Ces deux structures hébergeront les serveurs d’IRIES, les applications ministérielles et les futurs services numériques citoyens.
En juin 2025, la ministre Benmouloud a reçu le vice-président du groupe Huawei, Yang Ruikai, pour suivre les progrès du projet mené dans le cadre d’un partenariat technique avec le consortium chinois. Cette collaboration vise un transfert de savoir-faire et garantit que la souveraineté sur l’infrastructure et les données demeure strictement algérienne.
Ces data centers constituent le cœur technique de l’État numérique : ils permettent à l’Algérie d’héberger ses données sur son propre territoire, de sécuriser ses échanges et d’assurer la résilience de ses services essentiels.
IRIES : l’ossature d’un État interconnecté
Le Réseau souverain IRIES (Infrastructure de Réseau Interconnecté des Institutions de l’État) représente le pilier central de la stratégie nationale de digitalisation.
Conçu comme une infrastructure indépendante d’Internet, IRIES permet l’échange sécurisé, chiffré et traçable de données entre ministères et organismes publics. Il met fin à l’utilisation de supports physiques (CD, clés USB, transferts non sécurisés) et garantit une communication interne fiable et souveraine.
En octobre 2025, neuf ministères sont déjà connectés au réseau, tandis que 33 institutions publiques ont participé à des échanges expérimentaux de données.
Chaque connexion ouvre un canal d’interopérabilité réel, supervisé par les comités mixtes déjà en place.
Lancé officiellement en 2024, IRIES constitue aujourd’hui la première brique d’un intranet national gouvernemental. À terme, il doit relier toutes les institutions publiques, les wilayas et les établissements locaux, et soutenir la plateforme nationale des services numériques en cours de finalisation.
IRIES n’est pas seulement un outil technologique : c’est un symbole politique et stratégique. En choisissant d’héberger et de gérer ses propres flux de données, l’Algérie affirme son indépendance numérique et renforce sa souveraineté face aux risques d’ingérence technologique.
Des réalisations concrètes et complémentaires
Parallèlement aux grandes infrastructures, la Haute Commission a conduit plusieurs initiatives structurantes :
- La plateforme nationale interactive des services numériques, dont la version mobile a été présentée en juillet 2025, vise à regrouper l’ensemble des services publics (état civil, fiscalité, emploi, santé, etc.) dans un portail unique.
- Le recensement national sur le niveau de vie des ménages, organisé en août 2025 par l’ONS sous la tutelle de la Haute Commission, a formé 460 cadres issus de 52 wilayas, favorisant la culture du data management dans l’administration.
- Une convention de coopération scientifique, signée en septembre 2025 avec l’Académie algérienne des sciences et technologies, permet aux chercheurs d’accéder à la base statistique nationale pour soutenir la recherche appliquée.
- La création de comités intersectoriels permanents, chargés de la supervision du déploiement de l’interopérabilité et de la cybersécurité, assure la pérennité du dispositif.
Un état d’avancement global (Selon JazairHope)
À la fin du mois d’octobre 2025, le taux global d’exécution du programme de digitalisation nationale peut être estimé à environ 75 %. Cette estimation s’appuie sur les données publiques, les annonces officielles et les chantiers réalisés.
| Domaine | Taux d’avancement estimé | Observation |
|---|---|---|
| Cadre institutionnel et juridique | 95 % | Structures, référentiel et loi finalisés |
| Infrastructures souveraines (Data centers) | 80 % | Mohammadia achevé, Blida en cours |
| Interopérabilité IRIES | 75 % | 9 ministères raccordés, 33 secteurs testés |
| Transformation sectorielle | 75 % | Avancée dans finances, santé, justice, etc … |
| Formation et capital humain | 65 % | Déploiement national en cours |
| Services numériques citoyens | 60 % | Plateforme mobile testée |
| Gouvernance et sécurité | 70 % | Référentiel prêt, application en cours |
Ce niveau d’avancement est remarquable pour un pays ayant lancé sa stratégie numérique à peine deux ans auparavant. Il illustre une progression équilibrée entre infrastructure, cadre légal et coordination sectorielle.
L’Algérie est sortie de la phase de conception : elle entre désormais dans celle de la généralisation et de la mise à l’échelle.
Vers une souveraineté numérique consolidée
La réussite du projet dépendra désormais de deux leviers : la continuité politique et la vulgarisation citoyenne.
La numérisation de l’État n’a de sens que si elle se traduit par une amélioration tangible de la qualité de vie des citoyens : accès simplifié aux services, réduction des délais administratifs, transparence et efficacité.
Les infrastructures sont presque achevées, les cadres juridiques en place, les réseaux interconnectés opérationnels. Il reste à consolider l’usage, à généraliser la formation numérique, et à ancrer la confiance dans la donnée publique.
L’Algérie numérique n’est plus un horizon lointain : elle est déjà en construction.
La réussite du virage 2025–2030 dépendra de la capacité à transformer ce capital technologique en culture d’État, au service du citoyen.
Hope&ChaDia