L’évolution de la stratégie énergétique de l’Algérie
L’Algérie, longtemps réputée pour ses abondantes ressources en hydrocarbures, suit aujourd’hui une double trajectoire : maintenir son rôle de principal fournisseur de gaz naturel pour l’Europe tout en accélérant rapidement ses ambitions de transition énergétique. Le virage mondial vers la décarbonisation, exacerbé par le souhait de l’Europe de diversifier ses sources d’énergie en réponse à l’invasion de l’Ukraine et à sa rupture avec le gaz russe, place l’Algérie dans une position stratégique. Les nouvelles politiques, stratégies et cadres fiscaux de ce pays nord-africain remodèlent son secteur énergétique, ouvrant des portes à des partenariats internationaux et à des investissements à long terme, et préparant le terrain pour son rôle croissant dans les énergies renouvelables et l’hydrogène vert.
Au cœur de cette transformation du paysage énergétique algérien se trouve sa loi sur les hydrocarbures révisée (Loi 13-19), introduite en décembre 2019. Ce cadre juridique apporte des améliorations significatives pour attirer les investisseurs étrangers, répondant aux préoccupations liées à la rigidité historique du secteur énergétique algérien. Grâce à des conditions fiscales plus favorables, des procédures simplifiées et une plus grande attention à la collaboration, la loi vise à stimuler l’exploration et le développement, notamment pour les ressources non conventionnelles.
Sous la supervision de l’autorité de régulation des hydrocarbures Alnaft, l’Algérie a lancé le Round d’Appel d’Offres Algérie 2024, une initiative visant à débloquer de nouvelles potentialités en pétrole et gaz sur six sites clés, notamment M’Zaid, Ahara et Reggane 2. Ce cycle est un signal clair que l’Algérie ne délaisse pas son secteur énergétique traditionnel, même si elle adopte la transition énergétique. Le renouvellement de l’intérêt du pays pour ses vastes réserves de gaz non conventionnel, dont le gaz de schiste et le gaz compact, se reflète dans les récents protocoles d’accord signés avec des acteurs internationaux de premier plan comme Exxon Mobil et Chevron. Avec des centaines de billions de pieds cubes de réserves de gaz non conventionnel à explorer dans les bassins comme Ahnet et Gourara, l’Algérie se positionne comme un fournisseur essentiel de gaz indispensable au marché mondial.
La Promesse du Corridor SoutH2
L’un des éléments les plus ambitieux de la stratégie de transition énergétique de l’Algérie est le développement du Corridor SoutH2, destiné à approvisionner l’Europe en hydrogène vert. Le récent protocole d’accord signé entre Sonatrach, Sonelgaz et un consortium de partenaires européens, dont VNG, Snam, Seacorridor et Verbund Green Hydrogen, souligne l’engagement de l’Algérie à répondre à la demande mondiale d’énergie à faible teneur en carbone.
Ce protocole vise à explorer la faisabilité d’une production d’hydrogène à grande échelle et de son exportation vers l’Europe, un marché désireux de diversifier ses sources d’énergie. Compte tenu de la proximité géographique de l’Algérie avec l’Europe, associée à son potentiel en énergies renouvelables, le pays est bien placé pour devenir un leader de l’économie émergente de l’hydrogène. Cet accord renforce non seulement les liens de l’Algérie avec l’Europe, mais souligne également le potentiel de l’hydrogène vert à devenir un pilier de son économie future.
Cependant, des défis demeurent. L’absence d’engagements d’achat à long terme de la part des acheteurs européens, les prévisions de demande d’hydrogène en baisse et les incertitudes autour du financement des infrastructures d’exportation représentent des obstacles importants. Ces préoccupations doivent être prises en compte pour permettre à l’Algérie de tirer parti de son potentiel en hydrogène tout en évitant des écueils qui pourraient freiner ses efforts de transition énergétique.
Diversification par les Énergies Renouvelables
L’engagement de l’Algérie en faveur des énergies renouvelables est essentiel non seulement pour ses objectifs de décarbonisation, mais aussi pour préserver sa capacité d’exportation de gaz. Avec une consommation domestique de gaz en hausse, le pays doit réduire la demande interne pour pouvoir maintenir ses volumes d’exportation. À cette fin, l’Algérie s’est fixé un objectif de 22 gigawatts de capacité en énergies renouvelables d’ici 2030, en se concentrant sur le photovoltaïque solaire (13,5 GW), l’éolien (5 GW), le solaire à concentration (2 GW) et la biomasse (1 GW).
Ces objectifs sont ambitieux mais réalisables, étant donné les vastes ressources solaires de l’Algérie et l’expertise technique que peuvent apporter les partenariats internationaux. Cependant, le pays doit surmonter des défis logistiques, notamment la nécessité d’investissements considérables dans les infrastructures et la modernisation du réseau, pour assurer le succès et l’intégration des projets d’énergies renouvelables dans le mix énergétique national.
Défis à surmonter
Malgré l’optimisme entourant la transition énergétique de l’Algérie, plusieurs obstacles pourraient entraver les progrès. Bien que le nouveau cadre juridique offre des incitations aux investisseurs étrangers, les coûts élevés associés au développement des ressources non conventionnelles et des infrastructures renouvelables restent préoccupants. De plus, la lenteur des approbations de projets et les défis opérationnels pourraient réduire l’enthousiasme des investisseurs, surtout dans un marché mondial hautement concurrentiel.
L’avenir des ambitions en hydrogène de l’Algérie dépendra également de l’engagement à long terme de l’Europe envers l’hydrogène en tant que source d’énergie clé. Avec des prévisions d’adoption de l’hydrogène fluctuantes et la croissance des capacités de production interne de l’UE, les espoirs de l’Algérie d’exporter de l’hydrogène vert à grande échelle pourraient être confrontés à des vents contraires. Obtenir un financement adéquat pour les infrastructures d’exportation, telles que les pipelines et les terminaux, sera crucial si l’Algérie veut réaliser ses ambitions d’exportation d’hydrogène.
Une voie réussie pour le secteur énergétique de l’Algérie dépendra de trois domaines clés : les partenariats public-privé, les investissements dans les infrastructures et l’efficacité réglementaire. Renforcer la collaboration entre Sonatrach, Sonelgaz et les acteurs internationaux de l’énergie est essentiel pour piloter des initiatives majeures comme le Corridor SoutH2 et développer des projets d’énergies renouvelables. Ces partenariats peuvent fournir l’expertise technique et le capital nécessaires pour surmonter les défis d’infrastructure. Ensuite, l’Algérie doit prioriser des investissements substantiels dans les infrastructures énergétiques, en particulier dans son réseau et les installations d’exportation d’hydrogène, pour assurer l’intégration réussie des projets renouvelables et permettre le transport d’hydrogène vert vers l’Europe. Enfin, améliorer l’efficacité réglementaire en simplifiant les processus d’approbation et en réduisant les retards bureaucratiques favorisera un environnement plus favorable pour les investisseurs, accélérant les délais des projets et renforçant la compétitivité de l’Algérie sur le marché énergétique mondial.
L’avenir de l’Algérie est prometteur, mais le chemin à parcourir est complexe. L’équilibre entre les hydrocarbures traditionnels et la nouvelle économie bas-carbone nécessitera des efforts coordonnés, des partenariats solides et des décisions audacieuses. Avec les bonnes stratégies en place, l’Algérie peut s’assurer un rôle de fournisseur énergétique clé pour l’Europe et de leader dans la transition énergétique mondiale.
Traduit de Algeria’s Evolving Energy Strategy