« Toute solution qui ne prend pas en compte la création d’un État palestinien sur les frontières de 1967 est une perte de temps », déclarait récemment le président Abdelmadjid Tebboune lors de l’ouverture de la quatrième édition de l’IATF à Alger. Cette phrase illustre la constance de la diplomatie algérienne : replacer la cause palestinienne au cœur du droit international et rappeler que la reconnaissance de l’État palestinien n’est pas une option, mais une nécessité.
Le 7 octobre 2023 a marqué un tournant. L’attaque lancée par le Hamas contre Israël et la riposte militaire massive qui s’en est suivie ont provoqué une onde de choc qui dépasse largement les frontières du Proche-Orient. Ce jour-là, la question palestinienne, que certains pensaient reléguée au second plan des priorités internationales, a resurgi avec une intensité inédite depuis des décennies.
La première vague : Alger 1988
La reconnaissance internationale de la Palestine avait connu un moment fondateur bien avant 2023. Le 15 novembre 1988, à Alger, Yasser Arafat proclamait officiellement l’indépendance de l’État de Palestine, sur un texte rédigé par Mahmoud Darwich. L’Algérie, héritière de sa propre guerre de libération, avait offert sa capitale pour cet acte historique.
L’effet fut immédiat : en quelques semaines, plus de 80 pays reconnurent l’État palestinien. C’est ce qu’on peut appeler l’effet Alger : la Palestine devenait une réalité diplomatique incontournable pour la majorité des pays du Sud, dans le sillage du Mouvement des non-alignés.
Une longue stagnation
Mais après cette vague massive des années 1988-1990, le mouvement s’est presque figé. Entre 2012, quand la Palestine obtient son statut d’« État observateur non membre » à l’ONU (avec 138 reconnaissances), et 2023, le chiffre n’a quasiment pas bougé. Pendant plus d’une décennie, la cause palestinienne a semblé reléguée à l’arrière-plan, coincée par les blocages diplomatiques et l’absence de nouvelles initiatives.
L’Algérie et le statut d’observateur de l’ONU
Il faut rappeler qu’en 2012, lors de l’adoption de la résolution 67/19 qui a élevé la Palestine au rang d’État observateur non membre à l’ONU, l’Algérie a été l’un des coparrains du projet de résolution. Aux côtés d’autres pays arabes et du mouvement des non-alignés, elle a porté politiquement et procéduralement ce texte, adopté par 138 voix pour, 9 contre et 41 abstentions. Ce geste confirmait la constance d’Alger : soutenir la Palestine à chaque étape cruciale de son parcours international.
Alger 2022 : la réunification comme préalable
Un an avant le 7 octobre, l’Algérie avait déjà tenté de relancer la dynamique. En octobre 2022, Alger accueillait le sommet de la Ligue arabe. La Déclaration d’Alger qui en sortit plaçait la Palestine au centre, avec un accent particulier sur la réunification des factions palestiniennes. Quelques jours plus tôt, sous médiation algérienne, le Fatah, le Hamas et douze autres mouvements avaient signé un accord pour dépasser leurs divisions. L’objectif était clair : présenter un front uni face à l’occupation, organiser des élections et redonner une légitimité politique au leadership palestinien. Même si l’application resta limitée, cette tentative confirmait le rôle d’Alger comme pivot de la cause palestinienne.
Une guerre aux conséquences humanitaires dramatiques
Les bombardements israéliens sur Gaza ont provoqué des dizaines de milliers de morts et un déplacement massif de population. Les images de destruction, relayées en continu, ont profondément marqué l’opinion publique mondiale. Dans de nombreux pays, des manifestations de soutien à la Palestine ont rassemblé des millions de personnes, forçant gouvernements et chancelleries à sortir d’une position de neutralité prudente.
La reconnaissance diplomatique comme réponse
À partir de 2024, une vague de reconnaissances officielles de l’État de Palestine s’est enclenchée. D’abord par de petits pays des Caraïbes (Jamaïque, Trinité-et-Tobago, Bahamas, Barbade), puis par des États européens majeurs comme l’Irlande, la Norvège, l’Espagne et la Slovénie. En juin 2024, même l’Arménie a franchi le pas.
En 2025, le mouvement s’est accéléré et amplifié : Royaume-Uni, Canada, Australie, Portugal, France, Belgique, Luxembourg, Malte, Andorre et Monaco ont à leur tour reconnu officiellement la Palestine. Des pays qui, pour certains, étaient restés jusque-là dans une ligne très proche des positions américaines et israéliennes.
L’isolement progressif d’Israël
Ces reconnaissances ne signifient pas toutes un changement immédiat des rapports de force sur le terrain. Mais elles marquent une évolution majeure : Israël se retrouve de plus en plus isolé diplomatiquement. Là où, pendant des décennies, il pouvait compter sur l’appui quasi inconditionnel de grandes puissances occidentales, il fait désormais face à des alliés qui prennent leurs distances ou exigent une issue politique au conflit.
Les Nations unies comme théâtre de bascule
En septembre 2025, lors de l’Assemblée générale de l’ONU, le soutien à la Palestine s’est matérialisé dans une dynamique sans précédent. Avec plus de 155 pays reconnaissant officiellement son existence, la Palestine est désormais perçue comme un État de fait par la majorité de la communauté internationale, même si les États-Unis continuent de bloquer toute pleine adhésion à l’ONU.
Le rôle actif de l’Algérie
Dans ce basculement diplomatique, l’Algérie a joué un rôle de premier plan. Membre élu du Conseil de sécurité de l’ONU pour la période 2024-2025, elle s’est imposée comme la voix la plus ferme en faveur de la Palestine. Alger a multiplié les initiatives : organisation de sessions d’urgence, présentation de projets de résolutions exigeant un cessez-le-feu immédiat, dénonciation systématique des crimes commis à Gaza, mais aussi travail discret de conviction auprès d’États hésitants.
Le représentant permanent de l’Algérie à l’ONU, Amar Bendjama, a incarné cette ligne sans concession. Ses interventions sont devenues des repères dans les débats houleux du Conseil. Dès octobre 2023, il avait déclaré :
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« L’Algérie n’acceptera jamais que l’on criminalise la résistance d’un peuple sous occupation, alors même que l’occupation elle-même est le crime originel. »
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En février 2024, lors de la présentation par Alger d’un projet de résolution exigeant un cessez-le-feu immédiat à Gaza, il s’était adressé directement aux membres du Conseil : « L’Histoire retiendra non pas la force de vos veto, mais le silence de vos consciences. » Ce texte, largement soutenu par la majorité des membres, avait été bloqué par le veto américain, mais avait marqué un tournant en exposant au grand jour l’isolement de Washington.
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En septembre 2024, il avait résumé la position algérienne par une formule devenue emblématique : « La Palestine n’est pas une cause humanitaire parmi d’autres. C’est une cause de droit, de justice et de dignité universelle. »
Dans ses prises de parole, Bendjama s’est constamment attaché à replacer le débat sur le terrain du droit international, rappelant la légalité des résolutions de l’ONU sur le retrait israélien des territoires occupés, et dénonçant l’« hypocrisie » de ceux qui invoquent la Charte des Nations unies à géométrie variable. Son style direct, parfois tranchant, a donné une visibilité nouvelle à la diplomatie algérienne.
Ce fut une diplomatie de conviction et de constance. L’Algérie a rappelé que la question palestinienne est au cœur du droit international et qu’aucun règlement durable ne peut se faire en dehors d’une reconnaissance pleine et entière de l’État de Palestine. Son rôle, amplifié par la voix forte et claire de M. Bendjama, a renforcé son image de pays pivot au sein du monde arabe et du mouvement des non-alignés, tout en confortant sa stature sur la scène internationale.
Un tournant géopolitique
le 7 octobre 2023 a joué le rôle de catalyseur. Ce qui devait rester, pour certains, un « conflit gelé » est devenu une fracture mondiale, redessinant les alliances, mettant sous pression les démocraties occidentales, et repositionnant la cause palestinienne comme symbole des luttes contre l’injustice et l’occupation.
Ce n’est pas seulement une guerre de Gaza. C’est un moment où l’équilibre diplomatique a basculé, révélant que le statu quo n’est plus tenable.
De la proclamation de 1988 à Alger à la vague de reconnaissances de 2024-2025, en passant par le coparrainage de la résolution de 2012 et la tentative de réconciliation de 2022, un fil rouge se dessine : l’Algérie a toujours été au cœur de la cause palestinienne, à la fois comme lieu symbolique, comme médiateur, et comme porte-voix diplomatique.
Le 7 octobre n’a pas seulement réveillé le monde, il a réactivé une mémoire : celle d’un combat de longue haleine où l’Algérie demeure un pilier. Entre Alger 1988 et New York 2025, c’est la même bataille qui continue — celle de la légitimité et du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.
📊 Chiffres clés : l’impact de l’Algérie sur les reconnaissances de la Palestine
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1988 – Déclaration d’Alger, Proclamation de l’État de Palestine par Yasser Arafat à Alger. Cela Déclenche une vague immédiate de ≈ 80 reconnaissances dans le monde.
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2012 – Résolution 67/19 (ONU), L’Algérie coparrain du texte accordant à la Palestine le statut d’État observateur non membre. 138 pays consolident leur reconnaissance au cadre multilatéral.
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2024-2025 – Conseil de sécurité (Bendjama), Activisme diplomatique algérien et visibilité accrue de la cause palestinienne. Contribue à la vague de ≈ 10 nouvelles reconnaissances (dont Royaume-Uni, France, Canada, Australie).
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Estimation totale : environ 90 reconnaissances directement liées à l’action algérienne, et jusqu’à 150+ consolidées sous son influence.
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