par Hope&ChaDia
À Rome, devant l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO), le ministre algérien de l’Agriculture, du Développement rural et de la Pêche, Yacine El-Mahdi Oualid, a livré un discours d’une rare densité intellectuelle et émotionnelle. Bien plus qu’une allocution technique, c’était une déclaration de vision — celle d’un pays qui transforme son désert en promesse, et son agriculture en symbole d’identité nationale.
L’agriculture comme culture, la sécurité alimentaire comme souveraineté
Dès les premières minutes, le ministre a donné le ton : « Ce n’est pas simplement un programme technique, mais une philosophie : l’agriculture comme culture, et le développement comme un soin apporté à ce qui existe déjà. » Ces mots, sobres mais puissants, résument la nouvelle approche algérienne : replacer la terre, la ruralité et le savoir ancestral au cœur d’une modernité durable.
En inscrivant la sécurité alimentaire au centre de ses priorités nationales, l’Algérie fait de cette question non plus un objectif sectoriel, mais une politique de civilisation. « Le futur de la sécurité alimentaire réside dans la célébration de ce qui rend chaque héritage agricole unique et résilient », a-t-il affirmé, rappelant que le pays s’inscrit dans la double dynamique des Objectifs de Développement Durable et de l’Agenda 2063 de l’Union africaine.
Transformer les contraintes en moteur d’innovation
Face au réchauffement climatique, le ministre n’a pas esquivé les défis : baisse des précipitations, hausse des températures, raréfaction de l’eau. Mais loin du discours fataliste, il a choisi celui de la résilience : « Nous avons décidé de ne pas reculer, mais de transformer ces défis en opportunités d’innovation. »
Dans les faits, l’Algérie a déjà porté sa capacité de stockage d’eau à 9 milliards de m³ et lancé un vaste programme de raccordement des exploitations agricoles au réseau électrique, intégrant les énergies renouvelables dans les zones sahariennes. L’objectif : faire du sud algérien un nouveau front agricole.
Et c’est là que le discours prend une tournure presque épique : « Là où d’autres ne voient que du sable et de l’impossible, nous voyons un potentiel prêt à être révélé. » Sous le Sahara dort en effet l’un des plus grands aquifères du monde — le système du Sahara septentrional, contenant quelque 60 000 milliards de m³ d’eau, dont 70 % relèvent du territoire algérien.
Le ministre en parle comme d’un héritage géologique devenu levier de souveraineté. C’est ce socle invisible qui soutient aujourd’hui la transformation de 500 000 hectares de terres arides en zones de production, dans le cadre d’une stratégie visant 1 million d’hectares à long terme.
Des partenariats concrets et ambitieux
Le discours n’est pas resté théorique. Yacine Oualid a cité plusieurs projets d’envergure :
Un partenariat de 3,5 milliards de dollars avec le Qatar dans la wilaya d’Adrar, couvrant 170 000 hectares ;
Une coopération de 420 millions de dollars avec l’Italie pour une initiative d’agriculture régénérative, démarrant avec 3 000 hectares de blé dur et de légumineuses, pour s’étendre à 10 000 hectares.
Ces projets s’ajoutent à la réussite déjà visible d’El Oued, passée de dunes à pôle agricole majeur. « L’Algérie agricole n’est plus un rêve, mais une réalité en construction », a martelé le ministre, invitant les investisseurs étrangers à rejoindre ce tournant historique.
Le marché agricole algérien, évalué à 33,5 milliards de dollars, devrait atteindre 41 milliards d’ici 2030 — des chiffres qui traduisent un changement d’échelle.
Le figuier, ambassadeur de l’excellence algérienne
Dans le cadre du programme One Country, One Priority Product (OCOP) de la FAO, l’Algérie a choisi le figuier comme produit-phare. Un choix symbolique et stratégique : le pays est troisième producteur mondial, avec 160 000 tonnes par an issues d’un million d’arbres.
Cette orientation vise à développer toute la chaîne de valeur : de la culture à la transformation, jusqu’à la commercialisation internationale, avec un accent sur la traçabilité et les indications géographiques. L’objectif : planter 100 000 hectares supplémentaires d’ici 2030, renforcer la résilience climatique, créer des emplois et faire du figuier algérien un ambassadeur d’excellence sur les marchés méditerranéens.
« À travers l’OCOP, nous renforçons la coopération entre agriculteurs, soutenons l’innovation et faisons de la ruralité un moteur de dignité », a résumé le ministre.
De la graine à la dignité : l’Algérie sème le bien
Le discours s’est clos sur une note culturelle et poétique : « Celui qui sème le bien récoltera le bien », a-t-il dit en arabe, avant de tisser cette idée en un triptyque de vision :
Nous semons le bien à travers des pratiques durables et des opportunités pour les jeunes.
Nous récolterons le bien sous forme de nourriture, de prospérité et d’équilibre environnemental.
Et nous partagerons ce bien avec les nations sœurs.
Un discours qui dépasse la technique
Ce discours, dense et rythmé, dépasse la simple présentation ministérielle. C’est un texte à la fois diplomatique, économique et civilisationnel — où l’Algérie ne parle plus en tant que fournisseur d’énergie, mais comme nation nourricière et modèle africain de transformation durable.
À travers la terre, c’est une identité qu’elle revendique ; à travers l’agriculture, c’est une souveraineté qu’elle restaure. Et à travers la parole, c’est un avenir qu’elle fait germer.
Hope&ChaDia