Cher Mohamed Lamine,
Il y a deux ans à peine, tu étais premier au baccalauréat. Cette semaine, à l’occasion de la proclamation des résultats de la session 2025, tu as pris la parole pour adresser un conseil à celle qui, à son tour, vient de briller à la première place, Melle Rawnak Zani, à qui j’adresse à cette occasion mes sincères félicitations. Ton message se voulait bienveillant, ancré dans la foi, empreint de prudence. Tu lui conseilles de ne pas voyager seule, en te référant au hadith du Prophète ﷺ sur la nécessité pour une femme d’être accompagnée d’un maḥram. Tu rappelles les dangers du voyage dans des pays non-musulmans — la tentation, les doutes, la liberté qui se transforme en vertige moral.
🎥 Voir la vidéo du conseil de Kadache Mohamed Lamine
Ton intention est pure. Ton langage est calme. Et ta foi sincère. Mais c’est justement pour cela qu’il faut te parler.
Parce que la sincérité seule ne suffit pas à sauver du piège de la moralisation précoce.
Tu penses parler au nom du bien. Mais permets-moi de t’inviter à regarder où peut mener, avec le temps, ceux qui se sont engagés très jeunes dans ce même discours du bien et du mal. Je veux te parler de Mourad Dhina.
Lui aussi fut un jeune homme brillant. Docteur en physique des particules au MIT, chercheur au CERN, animé d’une foi sincère et d’une volonté de redresser l’Algérie par les idées et les principes. Mais dans les années 90, quand le pays a sombré dans la guerre, sa boussole morale s’est rigidifiée. Lorsqu’on lui demande aujourd’hui pourquoi il n’a pas condamné les assassinats d’intellectuels, il répond froidement :
« Certains ont choisi une voie de confrontation… ils ont payé ce prix. Ces intellectuels de gauche, qu’ils aient le courage de dire : nous nous sommes engagés dans une guerre, et certains d’entre nous en sont morts. »
🎥 Voir l’extrait vidéo de Mourad Dhina sur les intellectuels assassinés
Ce ne sont pas les paroles d’un extrémiste inculte. Ce sont les mots d’un intellectuel de haut vol, qui croit encore parler avec justesse. Ce passage n’est pas cité ici pour suggérer que tu suivras ce chemin, ni pour tracer un destin qui n’est pas le tien.
Il est là comme un exemple à méditer, une question à se poser : comment un cerveau aussi brillant, aussi formé, peut-il en arriver à dire cela ?
Peut-être parce qu’un jour, il a cru comprendre pleinement ce qu’étaient le bien et le mal. Peut-être parce que, trop tôt, il a confondu la sincérité avec la certitude, et la conviction avec la clairvoyance.
Cher Mohamed Lamine, tu es encore jeune. Et c’est un âge magnifique pour apprendre, pour douter, pour grandir. Mais ce n’est pas encore le temps de définir le bien et le mal pour les autres, surtout pas pour une sœur qui cherche à s’élever, à étudier, à s’ouvrir au monde. Car les dangers que tu redoutes pour elle — les tentations, les doutes, les excès — existent aussi à la maison, dans son téléphone, dans sa rue, dans les cercles les plus protégés. Le problème n’est pas le billet d’avion, mais la force intérieure.
Et cette force, elle ne se transmet pas par le contrôle. Elle se cultive par l’exemple, l’encouragement, et la confiance.
Je ne te dis pas de ne pas croire en la morale. Je te dis de ne pas en faire une forteresse trop tôt.
Concentre ton énergie sur l’apprentissage. Lis la philosophie, la théologie, la psychologie, les récits des saints comme ceux des criminels. Écoute ceux qui ont souffert, ceux qui ont pardonné, ceux qui ont douté. Plonge dans les textes sacrés avec des clés multiples. Étudie l’histoire : elle est remplie d’hommes convaincus d’avoir raison qui ont fait le mal, et de gens qu’on croyait perdus qui ont fait le bien.
Le bien et le mal ne se révèlent qu’à ceux qui se taisent un moment, qui observent, qui écoutent profondément, et qui acceptent de changer.
Les plus grands savants, après une vie entière de lectures, de voyages, de débats, ont fini par dire :
« Plus j’avance, plus je mesure à quel point le bien et le mal ne se laissent jamais totalement saisir. »
Retiens cela comme une invitation, pas comme une critique. Tu es intelligent, tu es sincère. Tu peux devenir un homme remarquable. Mais à condition de ne pas t’enfermer trop tôt dans des certitudes morales.
Laisse à la vie le soin de t’apprendre encore.
Bien à toi,
Hope&ChaDia
2 comments
Merci pour cet article plein de sagesse, de mesure et d’humanité. Il rappelle que la sincérité n’exonère pas du doute, et que toute morale gagne à être éclairée par le savoir, la nuance et le temps.
Merci pour cette pensée lucide, qui invite à réfléchir plutôt qu’à juger.
Qu’il écoute cette vidéo! Il comprendra que ce sont les idiots et les ignares qui sont écoutés!
Même les “scientifiques” (ayant des doctorat) se font avoir par ces ignares incultes, de niveau primaire, pour peu qu’ils prononcent “islam”, “prophète”, “hadith” etc.
Durant la décennie “noire”, un tôlier donnait des ordres à des “universitaires” pour déposer des bombes ou saboter les pylônes électrique!!
https://www.facebook.com/reel/1114719953877119