Hope&ChaDia
Pourtant, le président Tebboune avait laissé à Emmanuel Macron ce qu’on peut appeler une « cha3rat mou3ayiwa » — une fine mèche de dialogue, presque invisible — en dénonçant un « capharnaüm politique » du côté français, tout en précisant que le seul interlocuteur valable restait le président de la République lui-même. Autrement dit : malgré le brouillard médiatique, les provocations, les faux gestes et les crispations électoralistes, la porte algérienne n’était pas totalement fermée.
Mais la France, elle, a répondu à ce signe discret en bottant en touche, et surtout dans les prolongations.
La diplomatie n’est pas qu’un jeu d’échecs. C’est aussi un art du silence. Et dans cette bataille feutrée qui oppose aujourd’hui Paris à Alger, c’est bien l’Algérie qui a joué la première pièce.
Le 13 mars 2025, une note officielle émanant du ministère algérien des Affaires étrangères a été adressée à ses diplomates, fonctionnaires et cadres d’État. Le message était clair : interdiction stricte de tout déplacement vers la France, y compris pour les transits, sauf en cas d’« extrême urgence ». Une mesure sèche, autoritaire, mais assumée.
Elle n’a pas été annoncée en conférence de presse, ni tweetée pour le grand public. C’était une gifle diplomatique, une gifle silencieuse marque déposée DZ.
Un mois plus tard, Emmanuel Macron tente de reprendre la main. Dans une lettre adressée à François Bayrou, et relayée par Le Figaro, le président appelle à la suspension officielle de l’accord franco‑algérien de 2013, qui permettait des exemptions de visa pour les détenteurs de passeports diplomatiques et de service algériens.
Pour mémoire, cet accord n’était pas une faveur arrachée par l’Algérie, mais une initiative française.
Selon le ministère algérien des Affaires étrangères, la France avait proposé dès 1986 cette exemption de visa aux détenteurs de passeports officiels algériens. L’Algérie n’a accepté cette proposition qu’en 2007, après plusieurs sollicitations.
Aujourd’hui, alors que la France « tend vers le gel ou la suspension » de cet accord, Alger souligne qu’elle n’accorde aucun attachement particulier à ce dispositif, et accuse Paris de vouloir éviter soigneusement d’en assumer les responsabilités et les conséquences.
Il demande que la France agisse « avec plus de fermeté et de détermination ». Mais à qui parle‑t‑il vraiment ? À l’Algérie… ou à son propre électorat, à l’approche de futures échéances électorales, dans un climat où toute mesure touchant l’immigration ou les rapports avec l’Afrique est devenue hautement politisée ?
Entre les deux événements, Abdelmadjid Tebboune dénonçait déjà un véritable capharnaüm politique en France autour de ce différend, évoquant un contentieux « créé de toutes pièces » — une manière limpide de souligner le désordre et l’instrumentalisation politisée du dossier (afrik.com).
Le problème, c’est que la mesure de Macron arrive trop tard, trop bruyamment… et sans cible réelle.
Pourquoi ? Parce que la majorité des fonctionnaires algériens ne peuvent déjà plus se rendre en France. Non pas à cause de la France, mais sur instruction directe du gouvernement algérien. La suspension de l’accord de 2013 ressemble donc moins à une initiative ferme qu’à une riposte vide, une tentative de sauver la face dans un bras de fer que Paris n’a pas vu venir.
Et pendant ce temps-là, Alger observe. Froidement, méthodiquement. Le rapport de force a changé de camp — pas par les armes, ni par les traités, mais par le désengagement progressif d’une dépendance ancienne. L’Algérie restreint ses liens avec l’ancienne puissance coloniale, et développe ses coopérations avec d’autres puissances : l’Italie, la Chine, la Russie, et l’Afrique.
La France, elle, continue de se croire au centre du jeu. Elle ne se rend pas compte qu’à force de vouloir punir les autres, elle s’isole.
La diplomatie algérienne vient d’enseigner une leçon rare à la République française : dans le monde multipolaire qui vient, ce n’est plus le vacarme qui impose le respect. C’est le silence bien placé.
Et la France vient de répondre à ce silence… par un coup de poing dans le vide dont le seul impact est la rupture de cha3rat Mouâwiya.
2 comments
“…le président appelle à la suspension officielle de l’accord franco‑algérien de 2013, qui permettait des exemptions de visa pour les détenteurs de passeports diplomatiques et de service algériens….”
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Qui était l’initiateur de l’accord??
Le ministère des Affaires étrangères avait rappeler que cette “exemption” émanait au départ de la France sur une « proposition » que la France a faite à plusieurs reprises à l’Algérie en 1986 et que l’Algérie n’a accepté qu’en 2007.
Le ministère des AE ajoute que la France « tend vers le gel ou la suspension » , tout en « évitant soigneusement d’en assumer les responsabilités et les conséquences ». Selon le communiqué l’Algérie n’accorde « aucun intérêt particulier, ni aucun attachement significatif » à cet Accord.
MERCI. J’ai rajouter cette information a l’article.