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Massacres du 8 mai 1945: Kherrata n’oublie pas ses blessures

by Toufan
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BEJAIA- 76 ans après les massacres subies, la population de Kherrata n’arrive toujours pas à exorciser son mal, ni à oublier sa tragédie. ” C’est une blessure béante, ouverte à jamais “, selon Said Allik, l’un des derniers survivants de cette effroyable journée du 8 mai 45, et qui malgré son âge (89 ans) et sa santé vacillante, en garde jalousement l’atroce souvenir.

“C’était l’horreur dans toutes sa splendeur”, répète-il inlassablement, encore incrédule à l’idée qu’il ait pu échapper à l’enfer d’alors ou qu’il n’ait pas perdu la tête. Et pour cause, ce que ses yeux ont vu dépasse l’entendement et s’apparente, sans coup férir, à une fantastique fiction.

Da Saïd, n’avait que 12 ans alors. Il a dû assister à la mise à mort de toute sa famille proche. Son père, sa mère, ses deux frères et sa sœur, Yamina, la dernière-née de la fratrie, âgée à peine de quatre ans, s’affaler et mourir, l’un après l’autre, froidement assassinés, par les balles des soldats, venus prétendument rechercher des activistes ayant pris part aux manifestations survenues la matinée au centre-ville.

La maison se situait à l’écart de l’agglomération et ne ressemblait en rien à un refuge, ni ne pouvait du reste accueillir plus de personnes qu’elle n’en abritait. Une prosaïque masure, indigente et impersonnelle, comme tant d’autres dans la région.

Mais l’état de la maison n’a pas suffi à l’épargner.. Dans leur haine aveugle, les soldats ont tué tous ses pensionnaires, sacrifié leurs animaux domestiques et détruits le peu de bien qu’ils possédaient.

Da Saïd, caché derrière un rocher, a échapper à la mort mais a été meurtri a vie, en trainant un traumatisme qui chaque jour résonne dans sa tête comme un claquement de fouet.

“On ne s’en remet pas d’une telle sauvagerie”, note-t-il désabusé, visiblement envahi par l’émotion.

Da Said, à l’évidence, qui ultérieurement en 1954 a pris le armes et rejoins le maquis, n’est pas un cas isolé. Loin s’en faut. Ils étaient des milliers a avoir subi la géhenne en ce jour funeste, survenu au lendemain des massacres de Sétif, soit le 09 mai.Les soldats avaient semé la mort et exécuté sans sommation des dizaines de pauvres paysans.

C’était mardi, un jour de marché, et il y’avait une foule rassemblée spontanément en guise de solidarité avec ce qui s’était passé dans la capitale des hauts plateaux mais aussi pour en saisir l’opportunité afin de réclamer la liberté aux nationaux.

Les nouvelles de Sétif, éventées comme une trainée de poudre dans toute la région des Bâbords, ont ameutés et fait affluer des villages environnants vers Kherrata quelques 10.000 personnes qui se sont mis en ordre de marche spontanément pour dire “non à la colonisation”.

 

Et l’horreur s’est déclenchée…

 

Effrayés par le nombre des manifestants, l’administration coloniale a sitôt distribué des armes à ses fonctionnaires, a priori échaudés par l’excitation populaire générée par le mitraillage en fin de journée du 8 mai d’un bus navette, assurant la liaison Kherrata-Sétif.

Arrivés à la place centrale de la ville et succombant à la panique, les manifestants ont été accueillis par des coup de feu tirés depuis les fenêtres de bureaux et qui ont eu raison d’une première victime, le chahid, Chibani El Kheir, tué sur le coup, et qui immédiatement a provoqué la grogne générale.

Certains, a l’instar du moudjahid Lahcene Bekhouche, âgé à peine de 20 ans, s’en sont pris a certains immeubles administratifs dont celui de la poste et les ont soumis au flammes, et il n’en fallait pas tant pour susciter une contre-réaction militaire, qui a déclaré “une véritable guerre contre les populations locales, y déployant un arsenal de répression furieux.

selon feu Lahcene Bekhouchen, témoin et acteur durant ces massacres, et qui a échappé de justesse au purgatoire après avoir été voué à “l’échafaud” par deux fois, une fois sur le champ où il devait être jeté vif dans les gorges de Châabet Lekhera et une autre fois à Constantine où il a été a été condamné à mort par un tribunal militaire s’en sortant miraculeusement.

“Je suis un miraculé” répétait-il tout réjouis dans un entretien accordé à l’APS quelques semaines avant son décès, le 19 mars 2019, consacrant le triomphe de la guerre d’indépendance et coïncidant ironie du sort, avec le jour de sa sortie de prison.


“J’ai contrarié et déjoué avec l’aide de dieu toutes les décisions coloniales”, plaisantait-il avant de se ressaisir: “on en rit maintenant mais à l’époque, ce qui arrivait était inouïe”, disait-t-il, les yeux sur le point de fondre en larmes.

Da Lahcene, dont l’évocation du simple nom, agite dans toute la wilaya, toute la mémoire en rapport avec les massacres, en a vécu et enduré les pages les plus sombres.             Il a vu mourir des dizaines de ses compatriotes, jetés vifs dans les gorges profondes de Chaabet Lekhra. Certains balancés depuis les bennes des camions militaires directement dans l’oued, d’autres soumis à un rituel de la mort, aussi extravagant que cruel, à l’instar du Dr Hannouze, le pharmacien de la ville, et de ses deux enfants, attachés avec du fil barbelés, montés sur le parapet d’un pont, portant désormais son nom, et catapultés dans le vide.

Les soldats préposés a cette ignoble besogne se délectaient en entendant le bruit des corps de leurs victimes se fracasser contre les parois rocheuses surplombant la rivière.

“Ils s’amusaient comme des larrons en foire”, raconte-t-il, frémissant encore, atterrés par ces scènes barbares et qui restent le souvenir le plus assaillant de sa mémoire.

“C’était un véritable rituel de la mort auquel se sont adonnés ces militaires”, se souvient t-il, expliquant en insistant sur des détails pour le moins ahurissant: “Alors on jette?” s’adresse un soldat à son chef, en désignant une victime déjà accommodée, pieds et mains ligotés, prête à l’execution. “Allez-y” leur répond-t-il, savourant dans un total délire leur exploit.

En fin de journée, la rivière et la parte basse de la montagne avaient pris une couleur pourpre, maculé outrageusement par le sang des victimes.

Da Lahcene a subi les préliminaires de cet exercice morbide ayant été ligoté et installé sur ” l’échafaud”, mais au dernier moment, un officier de passage sur l’ouvrage mortuaire a eu pitié de lui en voyant son “visage enfantin” et l’a délivré. Néanmoins, il n’a pas échappé à un procès à l’issue duquel il a été condamné à mort.

En fait, les massacres ont perduré plusieurs jours s’étalant au moins jusqu’àu 22 mai, coïncidant avec un imposante parade militaire sur les plages allant d’Aaokas à Melbou, devant un rassemblement forcé de toutes les populations de la région des babords, et réunis pour y être impressionnées par la force de l’armée coloniale.

En plus des déchainements de son infanterie, l’armée coloniale a déployé tout son arsenal de répression utilisé durant cette période, notamment des B-26, des chasseurs bombardiers, des A-24 (basse altitude) et un croiseur, en l’occurrence le DUGUAY TROUIN, un fleuron de la marine coloniale, et qui dans leur furie ont lâché, durant ce laps de temps, pas moins d’une trentaine de tonnes d’obus sur les villages et les villageois, ce qui a provoqué “L’horreur dans toute sa splendeur”.

aps.dz    07.05.2021

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