Par Wafia Sifouane
Depuis son arrivée à la tête du ministère de l’Industrie pharmaceutique, Ali Aoun enchaîne les sorties sur le terrain mais aussi les coups de colère.
Ayant hérité d’un secteur miné par les lobbies d’importation, le ministre a mis toutes les cartes de son côté pour rafraîchir cette industrie, encourager et imposer une production locale surtout pour les médicaments essentiels.
Lancement de la 1re insuline algérienne
C’est le cas pour l’insuline, un produit pharmaceutique qui a fait de l’Algérie l’otage des multinationales des années durant.
C’est hier, lors d’une visite d’inspection à Alger, que Ali Aoun a annoncé le lancement de la production et la commercialisation des premiers lots de stylos à insuline à l’unité de production Biocare.
L’occasion pour le ministre de saluer les efforts des laboratoires Biocare Biotech pour avoir relevé le défi d’approvisionner le marché national en stylos à insuline dans leur unité de production dont la capacité annuelle est de 12 millions de boîtes de cinq stylos en full process.
Concernant le prix, la boîte de stylos d’insuline Glarus sera proposée à 6200 DA alors que l’insuline importée est à 8000 DA.
Une nouveauté qualifiée de «véritable exploit» par le ministre qui espère avec l’arrivée des flacons d’insuline humaine de Saidal fin mars 2023 ainsi que la présence de l’usine de montage de stylos de Novo Nordisk couvrir entre 40 et 50% des besoins du marché algérien en insuline.
Encore plus amitieux, Aoun a affirmé pouvoir réaliser une économie de 200 millions d’euros sur la facture d’importation d’insuline qui s’élève actuellement au double.
«Nous avons promis une production nationale d’insuline pour le début 2023, c’est ce qui a été fait, nous avons commencé avec le montage des stylos d’insuline avec Novo Nordisk, chose pour laquelle nous avons cédé à condition qu’il y ait une réduction de prix.
La 2e condition pour laquelle nous avons autorisé le montage en Algérie, c’est qu’ils s’engagent à laisser un producteur national produire en full process au niveau de leur usine de stylos», avait-il précisé, en lançant une piqûre de rappel pour le géant danois.
Concernant la commercialisation de Glarus, le ministre a affirmé que des mesures ont été prises pour encourager la prescription de l’insuline locale pour les patients diabétiques dont la création d’un texte de loi régissant la prescription du médicament local que le ministre considère comme «une obligation».
Le ministre s’est aussi montré ferme envers les médecins, en affirmant que tout praticien qui tentera d’aller à l’encontre de ce plan d’action sera sanctionné.
«Biocare mérite tout notre respect»
Comme à l’accoutumée, Ali Aoun n’a pas manqué de tacler certaines parties qui tentent de freiner le développement de l’industrie pharmaceutique algérienne qu’ils soient importateurs ou producteurs défaillants.
«Quand on essaye de développer le tissu industriel local, cela ne plaît pas à ceux qui ont le monopole de l’importation en Algérie, nous concevons cela et nous le combattons avec nos moyens», a-t-il fait savoir.
En réponse à une question, le ministre a affirmé qu’un partenaire français avait bien tenté de bloquer la production de l’insuline, mais c’était compter sans la vigilance du producteur national Biocare qui a préféré mettre un terme à leur collaboration.
«Cette usine a pris des coups de la part de l’associé français qui avait vu qu’ils étaient arrivés et il avait commencé à leur dresser des obstacles. Aujourd’hui, ils sont seuls sur le marché et ils méritent tout le respect», a souligné le ministre.
Carton rouge pour Taphco : «Travailler à 20% des capacités de production, c’est juste incroyable»
Mais la joie du ministre a été de courte durée et a laissé place à la colère lors de son passage chez les laboratoires Taphco de Tassili Arab Phamaceuticals Company, où il a été surpris du ralentissement de l’activité.
«J’avais un grand espoir dans le partenariat arabo-arabe. La situation actuelle est vraiment désolante et je me demande pourquoi vos partenaires tels que Saidal, Spimaco ne prennent pas soin de leur capital, car il s’agit de dilapidation des biens publics», s’est-il indigné.
Et d’ajouter : «Je demande au conseil d’administration qui n’a pas tenu de réunion depuis plus d’une année de faire son travail, car nous sommes face à une véritable négligence, et la négligence a une signification importante dans le domaine juridique. Chacun d’entre vous sera interrogé. Travailler avec seulement 20% des capacités de production, c’est juste incroyable !»
Le ministre est allé même jusqu’à faire planer le spectre de la rupture de contrat.
«Nous allons revoir les clauses de ce partenariat, car nous ne pouvons plus continuer comme ça, je me demande si vous considérez l’Algérie comme un marché ou plutôt comme un partenaire.»
Néanmoins, le ministre, après avoir écouté les responsables du laboratoire, leur a donné une deadline de six mois pour trouver une solution.
«Moh El Cabas est actuellement en prison»
Par ailleurs, après avoir mis en garde les importateurs de médicaments contre les pratiques illicites, Ali Aoun est passé à l’action en affirmant hier que dix importateurs de produits contrefaits ont été arrêtés depuis et que la justice suit son cours.
Dans ce sillage, il a indiqué avoir observé une nette régression des ventes de médicaments «cabas», notamment avec l’arrestation des grosses têtes de ce commerce. «Le surnommé Moh El Cabas est actuellement en prison», a lancé Ali Aoun.
Pour ce qui est des laboratoires récemment fermés par le ministère de l’Industrie pharmaceutique, Ali Aoun a annoncé la reprise d’activité des laboratoires Salem qui «ont commis une petite erreur qu’ils ont rectifiée», contrairement à Médicom à qui l’agrément a été retiré pour mauvaises pratiques.
lalgeriedaujourdhui.dz