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Certaines contradictions des puissants révèlent un cynisme profondément enraciné. Lorsque des régimes jugés oppressifs s’effondrent à l’étranger, les célébrations en Occident s’accompagnent d’une rhétorique triomphante. Mais quand des peuples opprimés manifestent leur joie face à la chute de leurs propres tyrans, ces mêmes élites s’empressent de condamner cette ferveur, jugée indécente. Ce double standard illustre un système où la « morale et l’éthique » sont subordonnées aux rapports de force et aux intérêts géopolitiques.
Un exemple récent illustre parfaitement cette hypocrisie : la mort de Jean-Marie Le Pen. Ce tortionnaire, ancien dirigeant d’extrême droite, connu pour ses discours suprémacistes, racistes et xénophobes, a suscité des réactions contrastées. Une partie de la population, marquée par ses actes criminels et ses outrances idéologiques, a exprimé son soulagement à travers des manifestations symboliques. Pourtant, ces gestes de libération ont été immédiatement stigmatisés par des figures politiques et médiatiques, principalement issues de l’extrême-droite et de la droite conservatrice, à l’image de Bruno Retailleau, l’actuel ministre de l’intérieur et porte-voix d’une droite dure, qui a dénoncé une prétendue « danse sur un cadavre » non sans avoir préalablement tenu des propos racistes en déclarant qu’il existe « un lien entre l’immigration et une sorte de régression vers les origines ethniques de la part de la deuxième et troisième générations »…
Or, cette indignation s’efface quand il s’agit de scènes bien plus choquantes. Par exemple, lorsque des soldats israéliens célèbrent sur les dépouilles de Palestiniens, ce silence complice révèle une indignation sélective, fruit d’une hiérarchie implicite des vies humaines. Cette posture « morale » à géométrie variable n’est pas fortuite : elle alimente une stratégie politico-idéologique bien précise.
En France, cette dynamique s’inscrit dans un cadre plus large de diversion identitaire. Face à une crise économique et sociale exacerbée, le gouvernement cherche à détourner l’attention en ciblant des boucs émissaires. L’expulsion précipitée d’un ressortissant algérien, accusé « d’incitation à la haine », illustre cette manœuvre. Cette expulsion expéditive, largement médiatisée et effectuée sans jugement, a pour objectif de créer une jurisprudence permettant l’expulsion d’étrangers (en situation légale) sur simple décision administrative, sans recours à la voie judiciaire. Elle vise surtout à flatter les réflexes nationalistes tout en servant un agenda politique réactionnaire.
En vérité, cette instrumentalisation identitaire, portée par la frange atlantiste et pro sioniste de la bourgeoisie française et ses relais médiatiques, s’inscrit dans un héritage néocolonial teinté de paternalisme.
L’algérophobie, instrumentalisée à des fins politiques, s’inscrit également dans un contexte géopolitique plus large. La France, confrontée à une perte d’influence en Afrique, intensifie les provocations identitaires pour justifier ses ambitions de reconquête. L’Algérie, par son engagement panafricaniste et son soutien aux luttes de libération en Palestine et au Sahara occidental, représente un obstacle majeur à ces velléités néocoloniales. C’est la véritable raison qui alimente l’algérophobie des courants droitiers et extrémistes revanchards et nostalgiques de l’Algérie française
En réalité et comme le prouvent les faits, ce néocolonialisme moderne, sous couvert de moralité et d’ordre public, ne fait que renforcer le rejet croissant de la France sur la scène internationale. Parallèlement, il alimente les mouvements d’émancipation en Afrique, où les nations anciennement colonisées revendiquent avec force leur souveraineté.
Pour se préserver des ingérences et des tentatives de déstabilisation, l’Algérie doit relever des défis internes majeurs. La sortie du sous-développement et de la dépendance économique (synonyme de renforcement des forces productives et de développement de la structure sociale du pays) demeure une priorité absolue. Sans un développement économique inclusif et équitable, prenant en compte les besoins concrets des populations, le pays reste vulnérable face aux pressions extérieures.
La lutte contre la bureaucratie paralysante, la modernisation des services publics, l’amélioration des infrastructures et la réponse aux besoins sociaux urgents – de l’accès à l’eau, aux soins de santé en passant par les transports et les loisirs – sont autant de chantiers indispensables.
Les masses populaires algériennes, conscientes des menaces pesant sur la souveraineté nationale, ont déjà démontré leur résilience et leur capacité de mobilisation face aux crises. Mais cette mobilisation exige une communication claire et transparente, ainsi qu’un engagement concret pour répondre aux attentes légitimes des larges masses populaires.
C’est en s’appuyant sur un front patriotique, fondé sur la justice sociale et la démocratie réelle, participative, que l’Algérie pourra faire face aux défis complexes d’un contexte international délétère et d’un environnement régional instable. Mais ce qui fait défaut à l’Algérie, c’est une organisation solide et structurée des travailleurs, capable de former l’ossature du front populaire patriotique et anti-impérialiste. Cette absence représente une lacune majeure, une faiblesse qu’il est crucial de reconnaître et de ne pas sous-estimer. C’est précisément à travers ces failles que les adversaires et ennemis s’immiscent, porteurs de menaces qui visent à affaiblir la souveraineté de l’Algérie novembriste post-hirak.
Alger, le 14 janvier 2025