Hope&ChaDia
L’article de M. Abderrahmi Bessaha publié dans El Watan le 18 juin 2025 (“Du choc pétrolier de 1986 au programme de réformes appuyé par le FMI et la Banque mondiale” – lien ici) retrace avec rigueur les réformes macroéconomiques engagées en Algérie entre 1994 et 1998, dans un contexte de crise sévère. Il conclut à une interruption regrettable de ces réformes, au début des années 2000, qui aurait privé le pays de la possibilité de consolider ses acquis pour bâtir un nouveau modèle de croissance durable.
Mais ce diagnostic pose une question simple, presque dérangeante : comment peut-on qualifier de rupture ou de démantèlement réformateur une période — 2000 à 2019 — durant laquelle l’Algérie a connu sa plus forte progression en matière de développement humain ? …. ET cela ne s’explique pas par une manne pétrolière exceptionnelle …
Même richesse, deux trajectoires !!!
Comme nous l’avons exposé dans notre propre article (“Réflexion : La Loi sur les Hydrocarbures / ALNAFT a-t-elle rendu l’Algérie plus résiliente ?” – lien ici), les recettes par habitant tirées des hydrocarbures entre 2000 et 2019, une fois ajustées à l’inflation, sont comparables à celles de la période 1970–1989. Et pourtant, là où la première période a conduit à une explosion sociale et une faillite financière, la seconde a permis à l’Algérie de stabiliser, de désendetter, de construire et de progresser.
L’Indice de Développement Humain est passé de 0,65 à 0,73. Le pays est entré dans la catégorie des IDH élevés. Et cette progression, contrairement à un mythe répandu, ne s’explique pas par une manne pétrolière exceptionnelle : elle s’explique par la manière dont cette rente a été gouvernée.
Réformes visibles, réformes silencieuses
Ce que M. Bessaha décrit comme “l’abandon de l’élan réformateur” peut, de notre point de vue, être interprété autrement. Non comme une pause, mais comme une bifurcation. L’Algérie, au lieu de poursuivre des réformes impulsées sous contrainte extérieure, a entrepris une réorganisation interne plus discrète mais plus structurante.
La création d’ALNAFT en 2005, par exemple, a mis fin à la confusion de rôles au sein de Sonatrach. L’État a repris le pilotage stratégique des ressources nationales, séparant les fonctions de production, de régulation, de fiscalité et de dépense. L’argent de la rente ne transite plus par l’opérateur pétrolier, mais passe par le Trésor, encadré par une loi de finances. Le Fonds de régulation des recettes, bien que peut etre critiquable dans sa gestion, a instauré une logique de prévoyance budgétaire inédite.
Résilience ou austérité ?
Ce tournant de gouvernance explique aussi pourquoi, en 2014, lors de la chute brutale des prix du pétrole, l’Algérie n’a pas sombré comme les années 1990. Il n’y a pas eu d’explosion sociale, pas de recours désespéré à l’endettement externe, pas d’ajustement structurel dicté par l’extérieur.
Parce que la rente n’était plus gérée de manière opaque. Elle était intégrée à un cadre budgétaire souverain.
Ce n’est pas une apologie du système. Ce n’est pas l’oubli des défis, des gaspillages, des limites. Mais c’est un rappel : une réforme ne se mesure pas à sa conformité avec les standards du FMI, mais à sa capacité à protéger une société, à investir dans son futur, à encaisser les chocs sans rompre.
Un autre modèle de réforme ?
L’Algérie des années 2000 n’a pas poursuivi le programme des années 90. Elle ne l’a pas prolongé — elle l’a remplacé. Pas par dogme, mais par choix stratégique. Par ancrage social. Par recherche de souveraineté. Les instruments mis en place — ALNAFT, FRR, loi de finances, recentralisation budgétaire — ne correspondent pas aux réformes dites de “seconde génération” dans les manuels du FMI. Mais ils ont fonctionné. Et ils ont évité le pire.
Alors, la vraie question n’est pas de savoir pourquoi l’Algérie n’a pas poursuivi “l’élan réformateur”.
La vraie question est : et si elle avait trouvé un autre chemin ?
Hope&ChaDia