Dans cet article, nous explorons les défis et les enjeux soulevés lors de la première conférence ministérielle du Forum de partenariat Russie-Afrique, tenue les 9 et 10 novembre derniers à Sotchi. Cet événement a marqué une étape significative dans la relation entre la Russie et les pays africains, symbolisant un partenariat de plus en plus stratégique pour un ordre multipolaire sans néocolonialisme, et axé sur des actions concrètes.
Pour analyser cette rencontre, Zine Cherfaoui s’est entouré de spécialistes tels que le Dr Ahmed Bensaâda, enseignant universitaire et auteur de plusieurs ouvrages, Ahmed Kateb, chercheur en sciences politiques, et Mokrane Ait Ouarabi, journaliste politique.
Un Partenariat Historique et Stratégique Renforcé
La conférence s’inscrit dans la continuité des sommets Russie-Afrique de 2019 et 2023, posant les bases d’une coopération accrue. Ahmed Attaf, le ministre algérien des Affaires étrangères, a mis en lumière l’importance de ce partenariat en soulignant les liens historiques forgés lors des luttes de libération. Cette coopération repose sur un socle commun de respect mutuel et d’intérêts partagés, qui contraste avec l’approche souvent intrusive des anciennes puissances coloniales. Le Dr Bensaâda a ajouté que la Russie, n’ayant jamais été une puissance coloniale, incarne un allié non conditionnel pour l’Afrique, apportant un soutien basé sur le principe du partenariat gagnant-gagnant.
Mesures Concrètes de Coopération
La conférence ministérielle a permis de dresser une feuille de route claire pour la coopération future. Des accords spécifiques ont été mentionnés, tels que l’extension des échanges commerciaux, qui ont déjà atteint 24 milliards de dollars mais demeurent bien en dessous des 200 milliards de dollars d’investissements chinois en Afrique. La Russie a également annoncé des mesures concrètes pour augmenter ses exportations de céréales et de produits agricoles vers l’Afrique, qui représente déjà plus de 50 % des importations céréalières du continent. Cette augmentation des échanges agricoles vise à renforcer la sécurité alimentaire, un enjeu crucial pour de nombreux pays africains.
Mokrane Ait Ouarabi a souligné que, pendant la pandémie de COVID-19, la Russie s’est distinguée par son soutien aux nations africaines, en fournissant des céréales et des engrais pour pallier les difficultés d’approvisionnement. Ces gestes témoignent d’une solidarité concrète, loin des aides conditionnelles typiques des puissances occidentales.
Soutien Sécuritaire et Militaire
Un des axes centraux de la coopération russo-africaine est la sécurité. La Russie a signé plus de 40 accords de coopération militaire avec divers pays africains, renforçant sa présence dans des régions stratégiques comme le Sahel et l’Afrique centrale. Ahmed Kateb a expliqué que ces partenariats incluent la fourniture d’armes modernes, la formation de soldats africains et des missions de conseil stratégique. Ces efforts visent à lutter contre les groupes terroristes qui déstabilisent la région et freinent son développement économique. En effet, la sécurité est un préalable essentiel à toute croissance durable, et la Russie s’engage à fournir des équipements et des solutions adaptées aux besoins spécifiques des armées africaines.
La Dimension Géopolitique et Stratégique
La conférence a permis de réaffirmer l’importance géopolitique de l’Afrique, continent riche en ressources naturelles telles que les terres rares, les hydrocarbures et les minerais essentiels aux technologies modernes. Ahmed Kateb a souligné que la Russie voit l’Afrique comme un partenaire stratégique pour contrebalancer l’influence des puissances occidentales et participer à la construction d’un ordre mondial multipolaire. Cet engagement se manifeste par le soutien russe aux revendications africaines pour une réforme du Conseil de sécurité de l’ONU. Le Dr Bensaâda a précisé que l’Afrique, avec ses 55 pays, représente une force politique considérable à l’Assemblée générale des Nations Unies, et la Russie s’appuie sur ce soutien pour promouvoir une refonte des structures internationales.
Lutte contre le Néocolonialisme et Décolonisation
Un autre aspect majeur abordé lors de cette conférence est la lutte contre le néocolonialisme et la poursuite du processus de décolonisation. Ahmed Attaf a plaidé pour l’élimination de toute forme de colonialisme, en pointant spécifiquement la question du Sahara occidental, dernière colonie reconnue sur le continent africain. Cette position algérienne, soutenue par la Russie, vise à dénoncer le soutien des puissances comme la France au maintien de l’occupation marocaine du Sahara occidental. Pour l’Algérie, cette cause dépasse la simple question régionale et touche au principe fondamental du droit des peuples à l’autodétermination.
Mokrane Ait Ouarabi a ajouté que la déclaration finale de la conférence réaffirme l’engagement commun de la Russie et des pays africains à poursuivre la décolonisation complète du continent et à résister aux politiques néocoloniales. La résolution 1514 de l’ONU, qui garantit le droit des peuples colonisés à l’autodétermination, a été citée comme un texte clé sur lequel les participants se sont appuyés pour soutenir la cause sahraouie.
Un Soutien Altruiste aux Défis Économiques et Sociaux
La Russie a également annoncé son intention de soutenir l’Afrique dans le développement de ses infrastructures, de ses capacités scientifiques et technologiques. Des initiatives visant à renforcer les compétences locales et à promouvoir des projets de recherche collaborative ont été évoquées. Ahmed Kateb a rappelé que la Russie n’impose pas de conditionnalité sur les aides et les accords, contrairement aux institutions financières occidentales comme le FMI et la Banque mondiale, qui attachent souvent des clauses restrictives à leurs financements.
Cette approche permet aux pays africains de conserver leur souveraineté et de développer des partenariats sur la base de leurs propres priorités. Cette stratégie a été particulièrement bien accueillie par les représentants africains, qui y voient une alternative viable à l’ingérence souvent associée aux anciennes puissances coloniales.
Conclusion et Perspectives
Cette première conférence ministérielle du Forum de partenariat Russie-Afrique a marqué une avancée significative dans les relations entre la Russie et l’Afrique. Le renforcement de la coopération économique, militaire et stratégique promet des bénéfices mutuels, permettant à l’Afrique de s’affirmer sur la scène internationale tout en accédant à des ressources et des soutiens diversifiés. La Russie, de son côté, trouve en l’Afrique un partenaire clé pour contrer son isolement sur la scène mondiale et promouvoir un nouvel ordre multipolaire.
Pour approfondir ces analyses et découvrir plus de détails sur cette conférence et ses implications, nous vous invitons à écouter le podcast de l’émission Grand Angle sur Ifriqyia FM, accessible via ce lien.
Hope&ChaDia