Hope&ChaDia
Le 3 juin 1974 s’éteignait à l’âge de 76 ans l’un des plus emblématiques militants de l’indépendance algérienne, Messali Hadj. Figure fondatrice du nationalisme algérien moderne, père du mouvement ouvrier algérien, et détenu politique historique, il reste un symbole que l’histoire officielle a parfois tenté d’oublier. Pourtant, son combat a marqué les esprits — à tel point que, bien avant sa mort, son simple portrait représentait une menace aux yeux de l’administration coloniale.
En 1952, dans une Algérie toujours sous domination française, un arrêté de saisie pour le moins révélateur est signé par le préfet d’Alger, André Tremeaud. Cet arrêté, daté du 25 juin 1952, ordonne la saisie immédiate de toutes les cartes postales représentant le portrait de Messali Hadj. La raison invoquée ? Leur contenu serait « de nature à porter atteinte à la sûreté intérieure et extérieure de l’État ». Rien que cela.
Chronologie rapide de l’affaire des cartes postales (1952)
Printemps 1952 : des cartes postales à l’effigie de Messali Hadj commencent à circuler parmi les sympathisants du MTLD en Algérie.
25 juin 1952 : le préfet d’Alger signe un arrêté de saisie ordonnant le retrait immédiat de ces cartes, jugées « subversives ».
Été 1952 : opérations de police dans plusieurs quartiers d’Alger et grandes villes du pays pour confisquer ces cartes ; arrestations ponctuelles de militants.
Conséquence : l’image de Messali devient encore plus populaire auprès du peuple algérien, le transformant en symbole de résistance.
L’administration coloniale était alors en pleine guerre contre l’image de Messali. À cette époque, Messali Hadj avait été emprisonné ou assigné à résidence à de nombreuses reprises. Ses écrits étaient censurés, ses discours interdits, et voilà que l’on voulait désormais interdire… son visage. Car ces cartes postales, diffusées parmi les sympathisants du Mouvement pour le Triomphe des Libertés Démocratiques (MTLD), circulaient comme des symboles de ralliement. Elles représentaient une Algérie en lutte, un peuple refusant l’effacement, et surtout, un homme devenu icône.
L’arrêté précise que « tous officiers de police du département d’Alger sont requis à l’effet de saisir les cartes postales sus-indiquées partout où besoin sera ». Et le dispositif mis en place est large : police, gendarmerie, administrateurs, chefs de communes… Tous mobilisés pour chasser quelques morceaux de carton imprimés.
Cet épisode dit tout de la fébrilité du pouvoir colonial à ce moment-là. Quand un portrait imprimé devient plus subversif qu’un tract politique, c’est que la peur a changé de camp. Le régime colonial comprenait que l’image de Messali Hadj cristallisait l’espoir de millions d’Algériens.
Et cet espoir avait une voix, et un geste inoubliable, celui qui avait embrasé Alger quelques années plus tôt, le 2 août 1936, au stade municipal d’Alger (actuel stade El Annasser), lors du grand meeting du Congrès musulman :
Messali Hadj, reçu par le vénéré Cheikh Ben Badis, prend la parole devant plus de 20 000 Algériens venus de toutes les régions. Il dénonce à pleine voix le programme colonial du gouvernement Violette/Blum qui voulait rattacher l’Algérie à la France :
« Au nom de l’Étoile Nord-Africaine, nous rejetons de toutes nos forces le programme du colonialisme. Nous réclamons haut et fort l’indépendance totale de l’Algérie, et nous sommes pour la création d’un Parlement algérien élu au suffrage universel, sans distinction de race, de religion. »
Puis, dans un geste fort, il se met à genoux, ramasse une poignée de terre algérienne et la montre à la foule en criant :
« Cette terre bénie est la nôtre, elle appartient à l’Algérie et aux Algériens. Elle n’est ni à vendre, ni à acheter, ni à hypothéquer ; ses héritiers sont là et l’Étoile Nord-Africaine y veillera. »
Ce moment déclenche une ferveur immense : Messali est porté en triomphe par la foule qui scande « Vive l’indépendance de l’Algérie ! ».
Ce geste marquera profondément la mémoire nationale. Bien plus tard, en 1992, le président feu Mohamed Boudiaf déclarera avec force que « la Révolution du 1er Novembre 1954 est née le 2 août 1936 au Stade municipal d’Alger, autour de Messali Hadj qui a réveillé la conscience nationale ».
Le projet Violette / Blum : une tentative de dilution coloniale
Le « projet Blum-Violette » était un plan préparé en 1936 sous le gouvernement de Léon Blum (Front populaire) et le gouverneur général Maurice Violette. Sous couvert de réformes, il visait à intégrer une petite élite algérienne musulmane (environ 25 000 personnes) aux droits civiques français, tout en laissant intact le système colonial pour la majorité.
Ce projet fut perçu par les nationalistes algériens comme une manœuvre pour briser le mouvement indépendantiste en créant une caste de notables assimilés. La réponse de Messali Hadj au meeting du 2 août 1936 fut une condamnation claire de cette politique et un appel au rejet de toute « francisation » forcée de l’Algérie.
Aujourd’hui, plus de 70 ans plus tard, cet arrêté de saisie résonne comme un symbole de cette époque où le moindre signe de dignité algérienne était traqué. Messali Hadj, dans son exil intérieur, avait déjà gagné une bataille : celle de l’existence dans les cœurs.
Puissent ces souvenirs raviver notre mémoire collective et rappeler que le combat pour la liberté ne s’éteint jamais tant que des hommes et des femmes portent les idées et les images de leur lutte.
Source : poste Kossay Zaoui
http://youtube.com/post/Ugkx8ku67XPmVa1emrZjAz55Glx5wxF_pMSG?si=Vh2W107joLZ4Z8sk