La guerre froide, toujours d’actualité
La guerre froide ne s’est jamais véritablement achevée. Si la chute de l’URSS en 1991 a laissé croire à la victoire de l’Occident sur l’Est, les récents événements en Syrie, en Palestine en Ukraine, … et autour des gazoducs Nord Stream montrent que le conflit est loin d’être clos. Les armes nucléaires ont laissé place à d’autres outils de confrontation : guerre énergétique, coups d’État, sabotage d’infrastructures stratégiques et soutien à des factions rivales.
Le cœur du conflit, lui, demeure le même. Il s’agit de savoir si le monde sera unipolaire, sous domination américano-occidentale, ou multipolaire, où le BRICS et les puissances émergentes (Chine, Russie, Inde, Brésil, Afrique du Sud) auront leur place. Cette opposition s’exprime sur plusieurs fronts, mais c’est le théâtre syrien qui cristallise aujourd’hui l’essentiel des enjeux géopolitiques.
Au premier abord, la guerre en Syrie semble être un affrontement local, opposant les forces loyalistes de Bachar Al-Assad aux rebelles et autres groupes armés. Mais derrière cette façade se cache une lutte bien plus large, impliquant l’avenir de la domination mondiale et la survie du système russe.
Syrie : un champ de bataille énergétique mondial
Le conflit syrien trouve ses racines dans un projet précis : le pipeline Qatar-Syrie-Europe. Ce pipeline devait permettre au Qatar d’acheminer son gaz vers l’Europe en passant par la Syrie. Mais cette voie menaçait directement les intérêts de la Russie, principal fournisseur de gaz à l’Europe. En 2011, alors que le projet de gazoduc est sur la table, Moscou intervient militairement pour soutenir Assad et bloquer ce pipeline stratégique. En contrôlant le régime de Damas, la Russie garantit la fermeture de cette route et maintient sa domination sur le marché gazier européen.
Ce même modèle de confrontation énergétique s’est reproduit ailleurs. En Ukraine, le renversement du président pro-russe Viktor Ianoukovytch en 2014 par un mouvement pro-OTAN visait à couper les routes d’exportation énergétique russes vers l’Europe. Moscou a réagi par l’annexion de la Crimée et le soutien aux régions séparatistes de l’est de l’Ukraine. L’objectif, là encore, était de protéger ses intérêts énergétiques et de préserver son accès aux marchés européens.
En Libye, après la chute de Kadhafi, l’Occident a tenté d’installer un gouvernement pro-occidental à Tripoli. Mais la Russie, en soutenant le général Khalifa Haftar à Benghazi, a empêché la stabilisation de la Libye et bloqué le retour du pays sur le marché gazier. Ce blocage stratégique empêche la Libye d’inonder le marché européen de gaz et maintient la position dominante de la Russie.
Même le sabotage des gazoducs Nord Stream 1 et 2 en 2022 s’inscrit dans cette logique. En coupant les flux de gaz entre la Russie et l’Allemagne, les auteurs de cette opération cherchaient à priver Moscou de ses revenus gaziers. Mais la Russie a su réorienter ses exportations vers la Chine, l’Inde et la Turquie, échappant ainsi à l’asphyxie économique souhaitée par l’Occident.
Chute d’Assad : que va devenir la Syrie ?
La chute définitive de Bachar Al-Assad ouvre une nouvelle page de l’histoire syrienne. Contrairement à d’autres crises régionales, la Syrie ne devrait pas connaître une stabilisation rapide. Le vide du pouvoir ne sera pas comblé de manière fluide, et aucun camp ne semble en mesure de prendre le contrôle de l’ensemble du territoire.
Plusieurs scénarios sont envisagés, mais le plus probable est une combinaison de “chaos contrôlé” et de “statu quo instable”. Contrairement à la Libye, où des milices rivales s’affrontent sans contrôle, la Syrie pourrait connaître une forme de partition de facto.
Dans ce scénario, la Russie conserverait ses bases militaires stratégiques à Tartous et Hmeimim, lui permettant de maintenir une présence militaire en Méditerranée orientale. Cette présence permettrait à Moscou de continuer à bloquer tout projet de pipeline Qatar-Syrie-Europe. Pendant ce temps, la Turquie pourrait renforcer son contrôle sur le nord de la Syrie, tandis que les Kurdes maintiendraient leur autorité sur certaines régions de l’est.
La grande inconnue réside dans la formation d’un éventuel gouvernement pro-USA/OTAN. Si un tel gouvernement émergeait à Damas, il pourrait relancer le projet du pipeline qatari, ce qui serait une victoire stratégique pour l’Occident. Pour la Russie et l’Iran, ce serait un échec et mat. L’axe Damas-Moscou-Téhéran, essentiel pour le contrôle des routes énergétiques, s’effondrerait, et le marché gazier européen serait libéré de la tutelle russe.
“Le monde ne survivra pas à la chute de l’URSS.”
La phrase précedente/menace nucleaire, est de Poutine, pour qui, la chute de la Syrie ne serait pas seulement une défaite régionale, mais un coup mortel porté au système russe. La Russie sait que l’Occident ne cherche pas seulement à réduire ses revenus énergétiques, mais à démanteler son système politique et économique, comme ce fut le cas pour l’URSS en 1991.
La Russie lâchera-t-elle la Syrie ?
La chute d’Assad est un coup dur, mais la Russie ne cédera pas facilement sa position en Syrie. Comme l’a déclaré Vladimir Poutine, la chute de l’URSS a été, selon lui, “une catastrophe mondiale”. Aux yeux de Moscou, perdre la Syrie aurait une signification similaire.
Les bases militaires russes sur le sol syrien ne sont pas qu’un symbole, ce sont des points d’ancrage géopolitiques. Ces bases permettent de surveiller la Méditerranée orientale, d’exercer une pression sur l’OTAN et de bloquer les routes énergétiques adverses. Moscou peut accepter la chute d’Assad, mais elle ne tolérera pas l’émergence d’un gouvernement pro-occidental. C’est pourquoi la Russie cherchera à maintenir le statu quo.
En pratique, cela signifie qu’elle continuera de soutenir des milices ou des factions rivales à tout gouvernement pro-occidental. Elle s’appuiera sur l’Iran, le Hezbollah et d’autres alliés pour s’assurer que la Syrie reste une “zone grise” ingouvernable. Ce “chaos contrôlé” n’est pas une victoire pour la Russie, mais c’est mieux qu’une défaite.
Et la Chine dans tout ça ?
Jusqu’à présent, la Chine est restée silencieuse face aux récents événements au Moyen-Orient. Pékin semble spectateur de la chute d’Assad et des manœuvres américaines en Syrie. Mais la Chine ne pourra pas rester spectatrice longtemps. Car la prochaine cible de cette stratégie de démantèlement pourrait bien être Taïwan.
Si l’Occident parvient à isoler la Russie de ses positions en Syrie, ce sera un signal fort que le même schéma peut être appliqué à la Chine. La stratégie est simple : asphyxier, isoler, démanteler. Après la Russie, il n’est pas impensable que la Chine soit la prochaine sur la liste.
Si la Russie perd la Syrie, Pékin sera forcé d’adopter une posture plus agressive, car la brèche taïwanaise deviendra une cible prioritaire. Un précédent serait créé, et le risque de basculement stratégique serait énorme.
Une équation inchangée mais plus complexe
Malgré les multiples fronts de tension (Ukraine, Gaza, Syrie, Libye), l’objectif reste le même :
- Affaiblir la Russie.
- Contrôler le marché gazier européen.
- Maintenir la domination unipolaire des États-Unis.
Cependant, l’équation est devenue plus complexe. Les nombreux fronts de conflit se croisent et s’influencent mutuellement. La chute d’Assad ne change pas l’équation de fond, mais elle la complique en ouvrant la voie à un potentiel “échec et mat” pour la Russie et l’Iran.
La grande question qui reste ouverte est celle-ci :
- La Russie abandonnera-t-elle la Syrie ?
- La Chine restera-t-elle spectatrice ?
Si la Russie échoue à maintenir le “chaos contrôlé” en Syrie, elle perdra plus qu’un allié. Elle perdra une pièce maîtresse sur l’échiquier mondial. Et pour la Chine, le message sera clair : vous êtes la prochaine cible.
l’Algérie dans tous ca …
Cette situation, bien que complexe, représente également une opportunité stratégique majeure pour l’Algérie. En tant qu’exportateur clé d’hydrocarbures, l’Algérie profite directement de la hausse des prix de l’énergie, alimentée par la confrontation entre la Russie et l’Occident. Cette envolée des cours lui offre une manne financière précieuse pour renforcer ses réserves de change, financer ses projets de diversification économique et maintenir la stabilité macroéconomique. Contrairement à d’autres pays tributaires d’importations énergétiques, l’Algérie se positionne comme un bénéficiaire direct de la crise énergétique mondiale.
Mais cette opportunité ne s’explique pas uniquement par le hasard des prix. Depuis 1999, grâce à une gouvernance clairvoyante, l’Algérie a renforcé ses capacités militaires et modernisé son armée, la dotant d’une force de dissuasion régionale. Sur le plan économique, elle a œuvré à réduire sa dépendance alimentaire en développant des filières agricoles stratégiques. Sur le plan politique, elle a consolidé son front interne en adoptant une démocratie sociale modèle, favorisant l’unité nationale. Enfin, sa diplomatie souveraine s’illustre par une politique de non-ingérence, de soutien aux causes justes et de partenariats équilibrés, refusant tout alignement doctrinal. Cette posture stratégique fait de l’Algérie un acteur pivot et indépendant dans le nouvel ordre énergétique mondial, capable de transformer la crise actuelle en levier de puissance nationale.
Hope&Chadia
2 comments
Dans tout ce chaos (la guerre des intérêts)
D après vous l Algerie en profite?
oui a cours terme au moins. a longterme tout depends de qui gagnera cette guerre. il faut profiter de ce court terme pour renforcer davantage le front interne, notre armee et force de dissuasion ainsi que notre autosuffissance.