Depuis quelques jours, plusieurs voix, respectables, modérées ou jusque-là silencieuses, se sont subitement accordées pour annoncer, avec un ton d’évidence, la “fin d’une époque” en Algérie. Un article — et ce, uniquement à titre d’exemple, pas du tout pour y répondre en particulier — de M. Soufiane Djilali s’inscrit dans ce concert inattendu, en appelant à une Deuxième République. À première vue, c’est une lecture historique et politique comme c’est necessaire d’en faire regulierement. Mais en y regardant de plus près, le timing, les omissions et le flou des propositions soulèvent une nécessité de clarification et de discussion.
Le timing fait peur
L’appel à une refondation immédiate du système politique coïncide étrangement avec des déclarations récentes de milieux sionistes français réclamant ouvertement un “regime change” à Alger (voir les interviews avec Michel Collon, le général Delawarde, sur JazairHope, ou les interventions de l’analyste Abou Zakaria, et bien d’autres sur d’autres chaînes).
Cette simultanéité soulève une question : pourquoi maintenant ? Pourquoi ce langage dramatique, au moment même où l’Algérie est la cible d’un discours de guerre hybride aux accents coloniaux à peine voilés ? Et surtout, pourquoi ne pas se démarquer de ces instances — que je suis sur sont de simples coïncidences — mais dont il faut impérativement se distinguer.
Silence sur les attaques mafieuses en ligne contre le Président
En effet, alors que l’Algérie fait face à une cyberoffensive concertée, menée par des activistes souvent réfugiés à l’étranger, comme rapporte dans l’article du journal El Moujahid, et pour certains recherchés par la justice algérienne, rien n’est dit. Aucune mise en garde, aucun mot pour condamner les méthodes mafieuses utilisées dans ces campagnes. Pire : en concentrant ses critiques sur le système de manière floue mais insistante, cela nourrit ce climat que l’on veut délétère, sans jamais en désavouer les acteurs.
Une Deuxième République… hors cadre et hors peuple ?
L’idée d’une Deuxième République n’est pas scandaleuse en soi. Et peut-être faut-il effectivement y réfléchir dès à présent. Mais dans quelle forme ? Par quel processus ? Porté par qui ? Et surtout, quand ? Hors cycle électoral ?
Ce sont ces éléments qui fondent la légitimité de toute ambition politique. Ici, rien n’est précisé. Le timing, encore une fois, fait penser à l’éventualité d’interrompre le mandat présidentiel, fraîchement renouvelé par le suffrage universel. Cette absence de cadre institutionnel pose problème : on ne construit pas une République sur une injonction abstraite.
Une lecture historique biaisée et approximative
Le constat historique se veut une fresque lucide sur les soixante dernières années. Mais plusieurs erreurs flagrantes sautent aux yeux. On lit, par exemple, que « Les années 2000 voient une reconstruction partielle, rendue possible par la manne pétrolière » — cela n’est rien d’autre que la répétition d’une baliverne économique que j’ai déjà démontée dans cet article https://jazairhope.org/fr/reflexion-la-reforme-de-la-loi-sur-les-hydrocarbures-alnaft-a-t-elle-rendu-lalgerie-plus-resiliente-retour-sur-le-mythe-de-la-bahbouha-maliya/.
Il occulte aussi totalement le rôle stratégique de la réconciliation nationale, du redéploiement de l’État et de la diplomatie algérienne dans un contexte mondial post-11 septembre. Ce n’est pas la rente seule qui a tenu debout l’Algérie après le chaos : c’est un choix politique majeur qui est ici minimisé, voire gommé.
Un bilan vide de preuves
Un autre aspect désolant est le bilan de la situation actuelle : une série de constats alarmants — sans la moindre preuve, ni source, ni chiffre. Tout y passe : diplomatie, corruption, institutions, géostratégie, démoralisation… mais rien n’est démontré. Pas un rapport, pas une étude, même pas une analyse logique minimale. C’est un empilement de ressentis personnels, formulés en affirmations catégoriques. Un discours politique, surtout aussi grave dans ses accusations, ne peut se passer d’un minimum de rigueur démonstrative.
Et pourtant… c’est la France qui vacille
En parlant d’une Algérie au bord de l’effondrement, cela nous rappelle ce qu’écrivait Xavier Driencourt, ancien ambassadeur de France à Alger : « L’Algérie est un pays en sursis ». C’était en 2020. Ou encore, en 2023 : « L’Algérie s’effondre, entraînera-t-elle la France dans sa chute ? »
En finalité, alors que l’Algérie est debout, souveraine, résiliente… c’est de la bouche même de son Premier ministre que l’on apprend que la France traverse aujourd’hui une crise politique, sociale, financière et identitaire majeure, avec une classe dirigeante divisée et des perspectives sombres.
L’Histoire a parfois le goût amer des projections retournées.
L’Algérie n’a pas besoin d’un diagnostic d’effondrement. Elle a besoin de propositions claires, ancrées dans le droit, dans le peuple, et dans l’État. Pas de slogans creux, encore moins quand ils résonnent à l’unisson avec ceux qui, ailleurs, rêvent de la déstabiliser.
Oui à une Deuxième République pensée par l’élite, dans le cadre du cycle électoral. Pour Cela Je lance un defi d’y travailler serieusement, scientifiquement