La rentrée scolaire et universitaire n’est pas qu’un rituel annuel. C’est un moment décisif où se joue l’avenir de toute une génération. Alors que dans beaucoup de pays a travers le monde on multiplie ses réformes éducatives, l’Algérie devrait aussi continuellement tracer son propre chemin, adapté à ses réalités et à ses ambitions. À travers l’éducation, l’enseignement supérieur, la formation professionnelle et l’écosystème des startups, c’est toute une architecture nationale qu’il faut penser et consolider.
1. Ministère de l’Éducation nationale : discipline, orientation et langues
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Limiter les distractions numériques : l’interdiction des téléphones portables en classe, appliquée dans plusieurs pays, mérite réflexion en Algérie. Il ne s’agit pas seulement d’ordre scolaire, mais de protéger les élèves du harcèlement, de la pornographie en ligne, de la violence virtuelle et de la dépendance numérique. Des casiers sécurisés à l’entrée des établissements pourraient constituer une solution pratique.
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Cours d’orientation dès le collège : instaurer des séances régulières de découverte des métiers, avec visites d’entreprises, ateliers pratiques et rencontres avec des professionnels. Cela réduirait le décrochage scolaire et aiderait les jeunes à donner du sens à leurs études.
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L’anglais comme outil stratégique : l’introduction massive de l’anglais dès le primaire doit être intensifiée, non comme symbole anti-français mais comme levier d’ouverture économique, scientifique et technologique. La génération anglophone de demain est celle qui connectera l’Algérie aux marchés et aux savoirs mondiaux.
2. Ministère de l’Enseignement supérieur : qualité et intelligence artificielle
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Rehausser le niveau des diplômes : mettre fin aux mécanismes d’“admission artificielle” qui affaiblissent la valeur du baccalauréat et des diplômes universitaires. La rigueur doit primer pour que l’université algérienne devienne un vrai moteur de compétence.
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Former à l’intelligence artificielle : généraliser des modules obligatoires d’IA, non seulement pour les étudiants en informatique mais aussi en économie, droit, médecine ou lettres. L’IA est une langue universelle qu’aucun diplômé ne devrait ignorer.
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Valoriser la recherche appliquée : inciter les universités à travailler sur des projets concrets en partenariat avec des entreprises, pour que les thèses et mémoires ne restent pas des documents poussiéreux mais deviennent des prototypes et solutions.
3. Ministère de la Formation professionnelle : passerelles vers l’emploi
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Valoriser les filières courtes : trop de jeunes quittent le système général en échec. La formation professionnelle doit être une voie noble, non une punition. Cela suppose des équipements modernes, des formateurs qualifiés et des débouchés clairs.
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Immersion en entreprise : multiplier les stages et les partenariats avec les secteurs porteurs (bâtiment, énergies renouvelables, digital, agriculture moderne). Un jeune qui touche la machine, qui voit le terrain, apprend plus qu’en mille heures de cours théoriques.
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Réorientation fluide : permettre aux bacheliers moyens d’intégrer des filières professionnelles adaptées, sans stigmatisation. L’important n’est pas de suivre le chemin académique classique, mais d’atteindre la compétence et l’employabilité.
4. Ministère des Startups : l’éducation comme terrain d’innovation
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Développer l’EdTech algérienne : encourager la création d’applications nationales de soutien scolaire, de plateformes d’orientation, d’outils d’apprentissage des langues et de simulateurs pour la formation technique.
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Incubateurs scolaires : lancer des “clubs startups” dans les lycées, cela est deja le cas pour les universités, pour familiariser les jeunes avec l’entrepreneuriat numérique dès l’adolescence.
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Lien direct avec les enseignants : financer des projets conçus par les enseignants eux-mêmes pour améliorer leurs méthodes (par exemple, applications de gestion de classe, modules de quiz interactifs, ou systèmes de suivi personnalisé des élèves).
Une synergie nécessaire entre les quatre ministères
Ces quatre ministères ne doivent pas travailler en silos. Les mesures évoquées n’auront d’impact réel que si elles sont coordonnées. Concrètement, l’université peut contribuer à l’orientation des lycéens en envoyant des étudiants ou enseignants présenter leurs filières dans les classes de terminale, afin d’éclairer les choix d’avenir. Les écoles de formation professionnelle, de leur côté, pourraient accueillir des élèves du secondaire pour des ateliers pratiques et collaborer avec des startups afin de développer des simulateurs techniques modernes. Les startups EdTech peuvent aussi concevoir des outils numériques utilisés autant par les enseignants du secondaire que par les formateurs en centre professionnel, créant un continuum technologique. Enfin, l’enseignement supérieur pourrait intégrer dans ses cursus des projets communs avec les filières professionnelles, valorisés par des applications concrètes issues de l’écosystème des startups.
Pour éviter la dispersion et les doublons, une solution optimale serait la mise en place d’un Conseil national permanent Éducation–Formation–Innovation, placé sous l’autorité du Premier ministre. Ce conseil rassemblerait les quatre ministères, fixerait les grandes orientations, harmoniserait les programmes transversaux (orientation, IA, EdTech), et imposerait des synergies obligatoires. Ainsi, on garde la spécialisation de chaque ministère tout en créant une cohérence stratégique nationale, capable de démultiplier les résultats.
L’exemple de Singapour est particulièrement parlant. Sous l’autorité directe du Premier ministre, le SkillsFuture Council réunit les ministères de l’Éducation, du Travail, du Commerce & Industrie et de la Formation. Sa mission est claire : anticiper les compétences dont le pays aura besoin et aligner l’école, l’université, la formation professionnelle et les entreprises autour de cette vision. Ce dispositif a permis à Singapour de devenir un modèle mondial en matière de préparation des jeunes générations et de reconversion rapide de la main-d’œuvre. Rien n’empêche l’Algérie de s’inspirer de ce mécanisme, en adaptant son propre Conseil national Éducation–Formation–Innovation pour assurer la cohérence et l’efficacité de son système éducatif.
Un mot fort pour la rentrée
L’Algérie a trop souvent suivi des modèles imposés. Aujourd’hui, elle a la possibilité d’inventer le sien. Un modèle où les téléphones restent hors des classes mais où l’intelligence artificielle entre dans les programmes ; où les diplômes redeviennent gages de compétence et non de complaisance ; où la formation professionnelle devient une fierté nationale ; où les startups éducatives remplacent les gadgets importés.
Signé : Hope&ChaDia