Dans une intervention dense et sans détour, Mourad Preur, expert en questions énergétiques, a dressé sur Radio Chaîne 3 un tableau alarmant — mais lucide — de la situation géopolitique et énergétique mondiale, à la lumière de l’escalade militaire entre Israël et l’Iran.
L’entretien, diffusé le 17 juin 2025, commence par un constat brutal : les marchés pétroliers réagissent avec nervosité aux bombardements de sites énergétiques, mais d’après Preur, cette nervosité est sous contrôle étatique. Il évoque même une forme de discipline imposée : « Je soupçonne les marchés d’être sous contrainte », dit-il, en référence aux précédents de 1991.
Le prix du baril flirtant avec les 90 dollars n’est qu’un signal préliminaire. Ce qui inquiète réellement, c’est l’absence de marge de manœuvre : l’OPEP+ ne dispose que de 2,5 millions de barils par jour de capacité inutilisée. Un tampon bien trop étroit pour absorber un choc majeur. Si le détroit d’Ormuz est fermé, 20 % du pétrole mondial est bloqué. Et cette hypothèse n’est plus théorique : « Si la menace devient existentielle pour l’Iran, il le fermera. »
Le gaz n’est pas en reste. Mourad Preur insiste sur la vulnérabilité de la chaîne gazière, plus rigide que celle du pétrole. Il revient sur le champ de South Pars, que l’Iran partage avec le Qatar. En cas de conflit prolongé, il est difficile d’imaginer une exploitation continue de ce gisement par le seul Qatar. Les tensions sur le marché gazier sont déjà palpables, notamment en Europe et en Asie, qui dépendent largement de cette zone.
À cette crise énergétique s’ajoute une crise monétaire et stratégique. L’Europe, en proie à une inflation importée, pourrait voir ses efforts de stabilisation ruinés. « La France est en difficulté. Si les prix montent encore, elle ne pourra pas suivre. »
Mais c’est surtout sur le plan géopolitique que l’analyse devient plus profonde. Preur décrit un véritable « mouvement de plaques tectoniques ». Les États-Unis, surendettés et désindustrialisés, tentent d’empêcher la montée d’un bloc eurasiatique articulé autour de la Chine, de la Russie et d’une Europe indépendante. L’émergence d’un pôle asiatique, centré autour de la zone Hong Kong – Asie-Pacifique, concentre désormais plus de 50 % de la population mondiale et près de la moitié du PIB global. Le dollar est contesté. Le Moyen-Orient redevient une pièce centrale du jeu.
Dans cette recomposition mondiale, l’Algérie a, selon Preur, une carte unique à jouer. Mais pas en spectatrice. « Si on monte sur un ring, ce n’est pas pour se protéger. » Il appelle à une stratégie de conquête : entrer dans le capital d’acteurs européens affaiblis, proposer des partenariats stratégiques dans le BTP, l’énergie, la technologie. Il cite Engie, Alstom, ou encore les énergies renouvelables. L’Algérie ne manque ni de ressources, ni d’opportunités : elle doit les utiliser pour prendre position dans le nouvel ordre économique.
Ce que propose Mourad Preur, c’est une vision offensive, presque gaullienne, de la place de l’Algérie dans un monde en bascule. Une invitation à penser stratégique, à long terme, et à oser là où d’autres vacillent.
L’émission est disponible sur la chaîne YouTube officielle de Radio Algérienne – Chaîne 3.
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Hope&ChaDia
« Le chaos est une opportunité, mais seulement pour ceux qui avancent pendant que les autres hésitent. »