Le rameau de Saint Augustin, entre l’Algérie et Rome
Quand le président Tebboune tend au pape François un simple rameau d’olivier enfermé sous verre, ce n’est pas un geste de pure forme. C’est un acte à haute densité symbolique, un message enraciné dans la terre d’Algérie mais adressé à toute la chrétienté.
Ce rameau vient de Souk Ahras, l’ancienne Thagaste, ville natale de Saint Augustin. C’est là qu’est né en 354 l’un des plus grands penseurs de l’histoire chrétienne, évêque d’Hippone, théologien et philosophe, dont les Confessions et La Cité de Dieu marquent encore les consciences, autant à Rome qu’à Harvard.
Pour l’Algérie, Saint Augustin est le plus universel de ses enfants. Un Africain, un berbère, un homme du Nord-Est algérien, dont l’intelligence a traversé les siècles sans jamais renier ses racines. Il incarne une mémoire millénaire, celle d’une Algérie savante, spirituelle, enracinée dans la Méditerranée et ouverte au monde.
Offrir ce rameau, c’est rappeler que la terre d’Algérie a vu s’épanouir, bien avant l’islam, de grandes figures spirituelles et intellectuelles, dont Saint Augustin est l’un des sommets. C’est un rappel serein : notre histoire est longue, tissée de multiples héritages, et capable d’embrasser cette richesse sans se contredire.
Pour Rome, Saint Augustin est le socle. Le ciment intellectuel et spirituel de l’Église latine. Aucun Père de l’Église n’a autant nourri la théologie catholique que lui. Son influence est telle qu’il est parfois vu comme le “Platon du christianisme”, celui qui a traduit l’âme antique dans le langage de la foi.
Ce rameau, en cela, n’est pas qu’un rameau d’olivier : c’est une main tendue entre l’Afrique et l’Europe, entre l’Algérie et Rome, entre l’islam et le christianisme, à travers une figure commune. Car Augustin est plus que chrétien. Il est, pour beaucoup, un patrimoine commun de l’humanité spirituelle.
Et si Rome a vu en Thagaste une sœur intellectuelle, c’est peut-être parce que l’Algérie et l’Italie sont deux civilisations antiques, autosuffisantes, productrices de pensée et d’organisation, qui n’avaient pas besoin l’une de l’autre pour exister.
À l’inverse de la France, Rome n’a jamais colonisé l’Algérie dans l’humiliation : elle s’y est enracinée, elle l’a influencée, mais elle l’a toujours reconnue comme une égale. Pas comme une propriété, mais comme un miroir.
À mes yeux, ce geste est l’un des plus puissants que l’Algérie ait adressé à l’Occident depuis longtemps. Sans complexe. Sans soumission. Sans fard. Un symbole pur, droit, enraciné, qui dit :
“Nous savons ce que nous portons. À vous d’en reconnaître la lumière.”
Hope&ChaDia
Souh